Les faits sont les suivants : Le franchiseur d’une grande enseigne avait conclu un contrat de franchise avec l’un de ses franchisés pour une durée de 7 ans pour l’exploitation d’un fonds de commerce alimentaire. Ce contrat comportait une clause par laquelle le franchisé s’engageait, en cas de rupture anticipée du contrat, à ne pas utiliser, pendant une période d’un an à compter de sa résiliation, une enseigne de renommée nationale ou régionale, déposée ou non, et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes dans un rayon de 5 km du magasin. Le contrat a été rompu de manière anticipée par le franchisé.
La Cour d’appel a déclaré que la clause de non réaffiliation doit s’analyser comme une clause de non concurrence, en ce qu’elle restreint la possibilité pour l’ancien franchisé de poursuivre son activité dans les mêmes conditions avec une enseigne concurrente. La Cour d’appel avait pris le soin de préciser qu’un commerce de taille de celui du franchisé dans le secteur géographique concerné n’a d’espoir de pérenniser une exploitation économiquement viable qu’en ayant recours à un approvisionnement en provenance d’un réseau ou d’une centrale d’achat permettant, du fait du regroupement, l’accès à des prix compétitifs et que faute de disposer de produits que seule une enseigne de renommée régionale et nationale peut lui fournir, l’ancien franchisé ne peut espérer poursuivre son exploitation dans des conditions normales ; et qu’à défaut de preuve de transmission de savoir-faire, la clause de non réaffiliation n’a pas pour objet de protéger un intérêt légitime et qu’elle est disproportionnée par rapport à son objectif, faisant perdre toute possibilité de survie au commerce.
Il est important de tenir compte de l’impact économique d’une clause de non-réaffiliation sur la situation du franchisé et sur celle du franchiseur comme cela se fait dans le cadre de l’analyse d’une clause de non concurrence. En effet, bien que le franchiseur doit protéger son savoir-faire et ses méthodes de vente et inclure par là même une clause de non concurrence post contractuelle, encore faut il qu’il y ait un véritable savoir-faire du franchiseur et qu’il y ait à protéger des intérêts légitimes. Un certain nombre de contrats qui lient des enseignes de la grande distribution à des exploitants de point de vente ne recèlent pas un véritable savoir-faire susceptible d’une protection, il s’agit assez souvent de contrats de distribution classiques ou des contrats de licence de marque ou de nom commercial aménageant les règles de vente et de distribution des produits de l’enseigne. Dans ce cas, une clause de non concurrence ou une clause de non-réaffiliation aurait un impact limité et serait disproportionnée par rapport à l’objectif souhaité, c’est-à-dire la sauvegarde des intérêts légitimes du franchiseur.
Quel serait le coût économique pour un franchisé s’il était frappé d’une obligation de non réaffiliation à des enseignes nationales ou régionales par rapport à l’exercice d’une activité hors réseau ?
Dans le secteur d’alimentation générale, l’activité de vente de produits se fait, majoritairement, à travers des enseignes régionales ou nationales et laissent une faible marge de manœuvre au franchisé de se réaffilier à une enseigne autre. Revenir à le priver de s’associer à une enseigne nationale ou régionale ne serait il pas de le priver des avantages suivants qui ont un impact économique certain et qui facilitent grandement l’exploitation de son fonds : le bénéfice d’un concept déjà mis au point et testé, le bénéfice d’un nom commercial connu, le bénéfice d’une économie de coûts sur l’approvisionnement des produits (taux plus compétitifs, large gamme), une meilleure couverture géographique protégé généralement par une exclusivité. A contrario, exercer pour le franchisé son activité hors réseau pourrait lui coûter plus cher, ce qui reviendrait à le limiter dans son activité voir même le priver de son activité. D’où la nécessité que la clause de non-réaffiliation réponde aux mêmes conditions de validité que la clause de non concurrence. Si la cour d’appel de Caen n’avait pas assimilé ces deux clauses et si elle avait édicté des conditions de validité propres à la clause de non-réaffiliation, peut être que la Cour de Cassation n’aurait-elle pas cassé son arrêt sur le visa de l’article 1134 du Code Civil ?
Il faudra attendre la position de la Cour d’appel de renvoi pour connaître les conditions de validité d’une clause de non-réaffiliation par rapport à une clause de non concurrence en espérant que cette cour tiendra compte de la finalité économique d’une telle clause.
Renalda Harfouche
Directeur Juridique