Tout se passe donc en dehors des tribunaux. Les deux avocats obligatoires conseillent et orientent leurs clients, rédigent ensemble la convention de divorce, puis l’envoient au notaire dans un délai de 7 jours suivants la signature. Le notaire doit ensuite déposer la convention « au rang des minutes » dans un délai de 15 jours suivants la date de réception de la convention.
Selon le texte, il ne s’agit que d’un simple enregistrement. Le notaire n’a donc pas à regarder le contenu de cette convention ni à vérifier les conditions de signature.
Il s’agit donc bien d’un pur « acte sous seing privé contresigné par avocats et simplement déposé au rang des minutes d’un notaire ». Ce sont les termes du texte. Autrement dit, le notaire devrait recevoir un acte a priori dénué de toute force exécutoire [1], force exécutoire en principe réservée aux décisions de justice et aux actes authentiques [2]. Le divorce par consentement mutuel ne serait donc plus qu’un contrat.
Petite révolution mal acceptée par beaucoup, ravivant pour certains la vieille querelle entre avocats et notaires, le texte est déjà mis à rude épreuve par les différentes institutions. Le notariat aurait ainsi annoncé qu’il allait spontanément étendre sa mission en contrôlant notamment la régularité de la convention à l’ordre public et à la réglementation fiscale, ou encore en s’assurant qu’un délai de rétractation de 15 jours a bien été respecté. Si le notaire s’implique dans la rédaction et les conditions de signature, il y a fort à parier pour que l’on glisse vers un acte authentique, ce qui pourrait simplifier les choses.
La nature de l’acte n’est bien évidemment pas la seule problématique posée par la réforme lorsque l’on s’interroge plus particulièrement sur les cas internationaux.
Si au moins l’un des époux réside à l’étranger ou si au moins l’un d’entre eux est de nationalité étrangère, nous sommes alors dans un divorce international et les règles de droit international privé ont vocation à s’appliquer.
Or, comme beaucoup de réformes, elle comporte des avantages mais laisse beaucoup d’interrogations.
L’avantage le plus important est l’absence d’audience et de territorialité : les époux peuvent divorcer en France sans se déplacer, en choisissant n’importe quel avocat français et n’importe quel notaire.
Le revers de la médaille est que les actes devront transiter nécessairement par la poste puisque l’article 8 du décret dispose clairement que les agents diplomatiques et consulaires ne sont pas compétents pour recevoir les nouvelles conventions de divorce. Leurs fonctions notariales ont donc une limite importante.
L’autre avantage énorme est que les conventions pourront être principalement rédigées dans une langue étrangère, à la condition d’être accompagnée par une traduction assermentée.
Quant aux interrogations, elles portent essentiellement sur l’exécution forcée de ce futur divorce en dehors de la France.
Pour l’exécution forcée des mesures relatives à la responsabilité parentale (autorité parentale, résidence, droits de visite) au sein de l’Union Européenne, le texte prévoit que le notaire sera désormais compétent pour délivrer le fameux « certificat Article 39 », c’est-à-dire un certificat permettant l’exécution de la décision à l’étranger.
Les choses se corsent pour l’exécution des mesures relatives aux obligations alimentaires (devoir de secours, prestation compensatoire ou contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants). Rien n’est prévu dans le texte ! L’actuel article 509-3 du Code de procédure civile laisse déjà au notaire la faculté de certifier la force exécutoire des actes authentiques, mais en l’état des textes il ne s’agira pas d’un acte authentique.
Quant aux exécutions hors Union Européenne, il y a fort à parier qu’elles poseront difficulté.
En effet, si l’on suit nos propres règles applicables à l’exequatur [3], notre convention de divorce, si elle émanait d’un État tiers, ne pourrait vraisemblablement pas être exécutée de force en France ! Le juge de l’exequatur doit en effet vérifier la conformité de la décision à l’ordre public de fond et de procédure et vérifie donc les conditions d’auditions des époux. S’agissant de l’ordre public procédural, il vérifie ainsi que chaque époux a été cité correctement, a pu faire valoir ses arguments et que la décision n’est plus susceptible de recours. Or, selon les textes actuels, aucune convocation n’est nécessaire et il ne s’agit pas d’une décision de justice, rendant impossible tout recours sans toutefois pouvoir s’assurer que le contenu n’a pas été modifié par la suite par les parties. Quant à l’ordre public de fond, la convention de divorce pourra vraisemblablement être contraire à celui-ci puisque si les notaires qui rédigent un acte authentique ont un devoir de vérifier la régularité des actes, les avocats se doivent simplement d’aviser leurs clients de la non régularité afin d’échapper à la mise en cause de leur responsabilité. Des dispositions discriminatoires pourront ainsi se glisser dans ces conventions…
Plus simplement, pour faire valoir une décision à l’étranger, il faut souvent recourir à une légalisation ou une apostille [4], qui jusqu’ici était refusée pour les actes d’avocats.
Quelle est la solution ? La réforme nous offre seulement deux solutions :
- Revenir à un divorce par consentement mutuel judiciarisé à l’unique condition que l’un des enfants du couple souhaite être entendu, ce qui revient à instrumentaliser l’enfant ;
- Revenir à un divorce unilatéral ou plus communément appelé divorce contentieux, ce qui revient cette fois à présenter de faux contentieux au magistrat !
Il est donc évident que les textes devront recevoir quelques corrections, si l’on souhaite une déjudiciarisation efficace.