Le droit à indemnisation des passagers d’un vol retardé à l’épreuve de la preuve.

Par Manon Vialle, Juriste.

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Explorer : # indemnisation # retard de vol # preuve # droits des passagers aériens

De nombreux litiges opposent les compagnies aériennes aux usagers concernant des annulations ou retards de vol conséquents. Depuis la Convention de Montréal du 18 mai 1999 pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, une jurisprudence importante a vu le jour.
L’article 19 de cette convention dispose que « le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers ». On peut citer le célèbre arrêt rendu par la CJUE le 19 novembre 2009, Sturgeon (Cts) c/ Condor Flugdienst GmbH) qui permet le droit à indemnisation du passager lorsque l’avion a plus de 3 heures de retard à l’arrivée ; l’arrêt de la CJUE, 4 sept. 2014, Germanwings GmbH c/ Ronny H…
L’arrêt rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 14 février 2018 (Civ. 1re, 14 févr. 2018, n° 16-23.205 ) porte sur la charge de la preuve incombant au passager.

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En 2014, M. et Mme X. et leur fils ont acheté trois billets d’avion auprès de la société XL Airways France pour un vol aller-retour Paris-Miami. Lors de leur retour en France, l’avion est arrivé à destination avec un retard de plus de cinq heures. Les trois passagers ont saisi la juridiction de proximité contre la compagnie aérienne d’une demande d’indemnisation. Ils se sont fondés sur le règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas d’annulation ou de retard important d’un vol.

Conformément aux articles 2, 5 et 7 du règlement (CE) n°261/2004 du Parlement européen, tous les passagers victimes d’un vol annulé peuvent prétendre à une compensation financière de la part de la compagnie aérienne. Cette règlementation concerne tous les vols à destination d’un aéroport d’un Etat membre de l’Union Européenne quel que soit l’aéroport de départ mais à condition que la compagnie aérienne soit européenne (article 3 alinéa 1 b). C’est le cas en l’espèce. Les passagers sont partis de Miami à destination de Paris via un vol de la compagnie XL Airways France. Pour les trajets de plus de 3.500 km, les victimes peuvent prétendre à une indemnisation de 600€. C’est ce qu’ont demandé les passagers du vol Miami-Paris.

1. La charge et le mode de preuve du préjudice subi en cas d’un important retard de vol.

Le juge en 1ère instance a rejeté leurs demandes. La Cour d’appel les a également déboutés de leurs demandes.
Il convient de se pencher sur le droit des obligations pour comprendre le raisonnement des différentes instances judiciaires. Selon l’article 1353 du code civil (ancien article 1315 avant la réforme de 2016), « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». L’alinéa 2 de cet article dispose donc que c’est au transporteur aérien qu’il appartient de justifier de ce que le vol ayant eu plusieurs heures de retard n’a pas été pris par les demandeurs. La juridiction de première instance a inversé la charge de la preuve et a débouté les demandeurs au motif « qu’ils ne produisaient pas de preuves tangibles attestant qu’ils aient embarqué et subi le retard de 5 heures à l’arrivée ».

Les consorts X ont alors formé un pourvoi en cassation. Ils ont mis en avant le fait que la preuve de leur embarquement et de leur présence à bord de l’avion les ramenant à Paris « ne peut résulter que de l’enregistrement électronique de la carte d’embarquement du passager par le personnel de la compagnie aérienne … et que seul le transporteur aérien détient le listing informatique des passagers ». Ils ne pouvaient donc pas eux-mêmes fournir ce listing au juge.

2. L’insuffisance de la preuve apportée par les passagers.

Cependant, même en se fondant sur l’alinéa 1 de l’article 1353 du code civil qui dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver », les parties n’ont pas apporté de preuves suffisantes de leur présence à l’enregistrement, selon la Cour de Cassation.

L’article 3 paragraphe 2 du règlement européen précise que le paragraphe 1 du même règlement s’applique à condition que les passagers disposent d’une réservation confirmée pour le vol concerné et se présentent, sauf en cas d’annulation, à l’enregistrement.
La cour de cassation a estimé que les demandeurs ne versaient pas au débat le justificatif de leur embarquement mais seulement leur billet de réservation non confirmé et une attestation de retard de la compagnie non nominative.

Ces preuves ne sont donc pas suffisantes pour prouver leur présence à l’enregistrement et à bord de l’avion et le préjudice du retard à leur encontre. Ils ont ainsi été déboutés définitivement de leur demande d’indemnisation.

Manon VIALLE, Avocat

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