Le droit de retrait dans la fonction publique. Par Patrick Lingibé, Avocat.

Le droit de retrait dans la fonction publique.

Par Patrick Lingibé, Avocat.

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Explorer : # droit de retrait # fonction publique # danger grave et imminent # procédure

Comme les salariés des entreprises privées, les agents publics peuvent bénéficier d’un droit de retrait. Quelles sont les modalités pour utiliser ce droit de retrait ? Quelle procédure doit être mise en place pour pouvoir en bénéficier ? Mais surtout à quel moment un agent public peut-il se retirer ? Voici nos réponses à toutes ces questions concernant ce droit particulier.

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Comme les salariés des entreprises privées, les agents publics peuvent bénéficier d’un droit de retrait. Quelles sont les modalités pour utiliser ce droit de retrait ? Quelle procédure doit être mise en place pour pouvoir en bénéficier ? Mais surtout à quel moment un agent public peut-il se retirer ? Voici nos réponses à toutes ces questions concernant ce droit particulier.

En quoi consiste le droit de retrait dans la fonction publique ?

Les agents publics disposent d’un droit au retrait. Il autorise les agents publics à quitter leur lieu de travail. Ce droit particulier ne peut s’exercer qu’en cas de danger grave et imminent menaçant directement la vie de l’agent en question. Dans la fonction publique, des règles très précises existent pour pouvoir prétendre à exercer ce droit.

L’appréciation du caractère grave et imminent du danger

Pour pouvoir exercer son droit de retrait, le danger doit être suffisamment grave. En d’autres termes, il faut un danger risquant de causer un accident ou une maladie entraînant la mort ou une incapacité permanente, du moins prolongée. Ainsi, l’atteinte potentielle à votre intégrité physique doit être caractérisée pour justifier l’utilisation de votre droit de retrait. En cas de danger mineur, le droit de retrait ne peut être exercé. Cependant, l’analyse du danger et de sa gravité étant nécessairement subjective, un simple motif raisonnable de croire à l’existence d’un danger peut s’avérer suffisant.

La gravité du danger n’est pas suffisante pour pouvoir exercer son droit de retrait. Il faut, en plus, que ce danger soit imminent. C’est-à-dire, potentiellement sur le point de se produire.

En cas de danger grave et imminent, vous n’êtes pas obligé d’exercer votre droit au retrait. Il s’agit d’un véritable droit et non d’une obligation. Personne ne peut vous imposer de vous retirer. C’est à vous d’estimer les risques et de prendre la décision.

Un devoir d’alerte à respecter

Si vous décidez d’en faire usage, le droit de retrait doit s’exercer selon une certaine procédure.

L’exercice de ce droit implique d’abord d’alerter immédiatement votre supérieur hiérarchique.

La phase d’enquête

Une fois les avertissements lancés, une enquête est menée par le comité compétent pour déterminer si la situation présente un danger grave et imminent. En cas d’accord des différentes personnes présentes lors de l’enquête, un membre du comité doit consigner dans un registre spécial la nature du danger, son origine, les postes concernées, le nom de la personne concernée et les mesures correctives à mettre en place.

Si le désaccord persiste, l’agent chargé de la fonction d’inspection doit être sollicité. Il interviendra alors pour amener son expertise et prendre une décision.

La phase d’enquête est primordiale, elle débouche sur la constatation ou non d’un danger grave et imminent. Vous l’aurez compris, elle joue un rôle prépondérant sur les éventuelles sanctions encourues en cas de droit de retrait abusif.

Les conséquences de l’exercice de votre droit de retrait

Les conséquences liées à ce droit découlent directement des conclusions issues de la phase d’enquête.

Si la phase d’enquête conclut à un danger grave et imminent, vous étiez tout à fait légitime à exercer votre droit de retrait. Dès lors, aucune sanction ou retenue sur rémunération ne peut vous être imposée. Tant que la situation n’est pas réglée, vous êtes habilité à ne pas reprendre votre travail. Une fois la situation réglée, vous êtes alors tenu de revenir au travail.

En revanche, la phase d’enquête peut tout à fait conclure à l’absence de danger grave et imminent. Dans ce cas, l’exercice de votre droit de retrait peut être considéré comme abusif. Dès lors, une retenue de salaire pour absence de service est envisageable. Vous vous exposez également à des sanctions disciplinaires pour abandon de poste. Plus grave encore, votre responsabilité peut être engagée si votre retrait injustifié a eu des conséquences dommageables pour des tiers.

Le droit de retrait est donc un droit à manier avec parcimonie. Soyez sûr de vous appuyer sur un motif raisonnable, compte tenu de la responsabilité que vous encourez en cas d’exercice d’un droit de retrait qui n’était pas justifié en l’espèce.

Bon à savoir : si votre supérieur hiérarchique refuse votre retrait légitime, sachez qu’en principe cette décision est sans incidence. En effet, vous pouvez vous arrêter de travailler et vous retirer de votre lieu de travail sans son accord, à vos risques et périls.

Patrick Lingibé
Membre du Conseil National des barreaux
Ancien vice-président de la Conférence des bâtonniers de France
Avocat associé Cabinet Jurisguyane
Spécialiste en droit public
Diplômé en droit routier
Médiateur Professionnel
Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM)
www.jurisguyane.com

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 18 mars 2020 à 12:15
    par Jean-Philippe Hierso , Le 1er mars 2019 à 02:10

    Jean-Philippe -Marseille(13)
    Merci beaucoup pour cet article.

    J’ai fait valoir mon droit de retrait dans le cadre d’une situation de harcèlement moral en lien avec mon appartenance syndicale et ma couleur de peau face à une chef d’établissement ayant perdu la raison (existence de précédents)
    Je n’ai pas eu la moindre prise en compte par la hiérarchie.

    Mieux encore, en rétorsion, j’ai reçu une série de lettres et de rapports antidatés dans le but de justifier d’une fin de contrat...Laquelle n’ayant jamais eu lieu ni signifiée.

    Enfin, alors que j’étais en maladie, les documents nécessaires n’ont pas été rempli, ce qui m’a laissé dans une situation plus que délicate.

    Je dénonce ainsi un comportement assimilé à des derives sectaires, visant à justifier de"souvenirs induits" y compris avec l’appui de la voie hiérarchique.

    Résultat : Je suis au rsa.

    N’hésitez pas à me joindre

    .

    • par DESBROSSES , Le 3 février 2020 à 18:35

      Le droit de retrait peut il prit en compte lorsque le risque est psycho social ? Quels sont les démarches à suivre lorsque l on considère qu’il y a danger grave pour autrui (en l’occurrence du public).?

    • par Martine Henray , Le 14 mars 2020 à 15:02

      A partir de ce lundi toutes les écoles, collèges et lycées seront fermer. Aussi mon mari, enseignant Eps, n’aura plus d’élèves mais leur proviseur, leur demande d’être présent dans l’établissement en fonction des heures de son VS.
      Aussi par ce virus, ayant la Sep et ne pouvant sortir, j’aurai besoin de mon mari dans ces moments là.. Peut il utiliser son droit de retrait fonction public.. En vous remerciant, cordialement,

    • Bonjour,
      Ma fonction de chargée de formation dans un établissement public de santé n’est pas indispensable à la gestion de la crise sanitaire que nous subissons compte tenu que je ne travaille pas auprès des patients et surtout que toutes les formations ont été reportées et que l’ANFH mon principal interlocuteur est fermé.
      Même si le télétravail n’a pas été proposé à tout le monde (par manque de PC), je ne comprends pas la logique et l’intérêt de me faire venir travailler étant donné que ce qu’il me reste à faire peut se traiter de mon domicile confinée car j’ai une connexion internet à disposition.
      aucune mesure organisationnelle et très peu matérielle n’ont été prises au sein du service pour limiter la propagation du coronavirus. (Ne serait-ce qu’en mettant en place le service minimum pour limiter les déplacements et les contacts avec les collègues.)
      A l’heure actuelle, il est primordial d’être responsable et de ne pas se mettre en danger inutilement mais également se protéger collectivement.
      A mon niveau, Je ne gère aucune urgence et je me sens en danger et plus en sécurité car je prends des risques collectifs. Puis-je exercer mon droit de retrait ?
      merci pour votre retour

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