Sur les faits.
Dans les deux affaires, les préfets des Hauts-de-Seine et du Val-d’Oise avaient ordonné :
- Une obligation de quitter le territoire français sans délai ;
- Une interdiction de retour sur le territoire français (2 ans et 1 an) ;
- Une assignation à résidence de 45 jours.
Les deux requérants, citoyens européens (portugais et bulgare), contestaient ces décisions, invoquant notamment leur droit au séjour, leur vie familiale en France, et l’absence de menace réelle.
Les infractions en cause étaient un état d’alcoolémie au volant et dans le second cas une agression sexuelle. Les deux dossiers n’ont pas encore fait l’objet d’une condamnation de l’autorité judiciaire.
Le juge a annulé ces décisions.
1. Le cas particulier de la menace dans le cas d’un ressortissant européen.
Dans les deux décisions, les magistrats ont rappelé que, conformément à l’article L251-1 du Ceseda (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), une mesure d’éloignement visant un citoyen européen ne peut être fondée uniquement sur la commission d’une infraction :
"L’autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu’elle constate les situations suivantes :
1° Ils ne justifient plus d’aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L232-1, L233-1, L233-2 ou L233-3.
2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société.
3° Leur séjour est constitutif d’un abus de droit.
Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies, ainsi que le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d’assistance sociale.
L’autorité administrative compétente tient compte de l’ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l’intensité des liens avec leur pays d’origine".
La décision doit reposer sur une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société.
- Pour le ressortissant portugais, la seule infraction relevée était une conduite en état d’ivresse (0,7 mg/l d’air expiré). Le juge a considéré que cette infraction isolée, bien que regrettable, ne constituait pas une menace grave.
- Pour le ressortissant bulgare, interpellé pour une accusation d’agression sexuelle, aucune condamnation n’était encore intervenue à la date du jugement, et les faits étaient contestés. En l’absence de preuves solides, la menace n’était pas établie.
2. Droit au séjour permanent et prise en compte de la vie familiale et de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Dans le dossier du citoyen bulgare, le tribunal a souligné que le requérant résidait en France de manière continue depuis 2017, travaillait depuis 2018, et disposait d’un logement et d’une vie familiale stable. Ces éléments ont permis de conclure à l’acquisition d’un droit au séjour permanent en vertu de l’article L234-1 Ceseda, interdisant toute OQTF sauf menace grave.
Dans les deux affaires, les requérants étaient pères d’enfants mineurs résidant en France, ce qui engageait l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant.