Espaces verts d’un lotissement et cession au profit de la commune pour construire.

Par Laurent Latapie, Avocat.

18284 lectures 1re Parution: 3 commentaires 4.86  /5

Explorer : # espaces verts # désaffectation # déclassement # lotissement

Est-ce qu’un coloti peut s’opposer à la désaffectation et au déclassement des terrains d’espaces verts d’un lotissement par la commune pour ensuite vendre ladite parcelle pour un nouveau programme immobilier ?

-

Il convient de s’intéresser à la problématique du sort des espaces verts dans un lotissement lorsque la commune souhaite l’acquérir, procéder à sa désaffectation et son déclassement pour ensuite le revendre à un promoteur.

Dans cette affaire, un coloti avait acquis un bien immobilier dans un lotissement en 2003. En 2006, son voisin entretient un morceau d’ espaces verts contigu, y plante des arbustes et finalement clôture ladite parcelle d’espace. Informé de la situation le maire de la commune intervient et obtient du voisin en question le retrait de la clôture. Cependant, ces espaces verts contigus intéressent finalement la commune qui envisage la vente des espaces verts du lotissement.

En 2012, est affiché sur la parcelle en question un panneau de "déclaration préalable de division avant de construire". Préalablement à cela, la commune a pris soin de déclarer privé ladite parcelle pour accomplir cette formalité. S’en suit en 2013 une enquête publique pour déclasser les espaces verts. Mais un avis négatif est rendu par le commissaire enquêteur.

L’affaire ne s’arrête pas là.En 2014, une nouvelle enquête publique est lancée concernant la modification du PLU. La question de la vente desdits espaces verts revient à l’ordre du jour, et le commissaire enquêteur préconise alors la désaffectation et le déclassement des terrains d’ espaces verts avant toute vente. Or, il convient de rappeler que les espaces verts doivent rester des lieux de promenade et de passage,

La question qui se pose est de savoir si un coloti peut s’opposer à la désaffectation et le déclassement des terrains d’espaces verts par la commune pour ensuite vendre ladite parcelle pour un nouveau programme immobilier ?

Pour répondre à cette question, il convient de revenir sur la notion d’ espaces verts. La notion d’ espaces verts est apparue à la suite de la forte croissance de l’urbanisation.

Ainsi il est apparu comme plus que nécessaire de disposer d’espaces libres de constructions.

On peut définir, en urbanisme, les espaces verts comme tout espace d’agrément végétalisé (engazonné, arboré, éventuellement planté de fleurs et d’arbres et buissons d’ornement, et souvent garni de pièces d’eau et cheminements).

Un espace aménagé en parking ne peut donc pas être considéré comme un espace vert.

Même après une rétrocession, une commune ne peut vendre des espaces verts de lotissements.

Ces espaces bien qu’intégrés dans le patrimoine d’une commune suite à la demande du lotisseur ou de l’ASL, appartiennent au domaine public communal, qui est imprescriptible et inaliénable.

Seuls les biens appartenant à son domaine privé, ce que ne sont pas les espaces verts de lotissements, peuvent être cédé, vendus.

Dans l’hypothèse où la commune souhaiterait vendre ces espaces verts, elle devra entamer une procédure de désaffectation et de déclassement qui nécessite l’accord de l’unanimité des colotis.

Ce sont en effet des espaces verts de lotissements qui ont été cédés à la commune (à titre gratuit ou à l’euro symbolique) et non des terrains libres de droits. La procédure d’expropriation permet ainsi à une commune d’éteindre les droits dont disposent toujours les colotis sur leurs espaces verts.

La procédure de désaffectation est la suivante :
- Délibération du Conseil Municipal décidant la désaffectation ;
- Purge du délai de deux mois de recours ;
- Les services municipaux vont ensuite cesser d’entretenir le terrain concerné ;
- S’en suivra la pose de rubalise et le constat d’un policier municipal de la désaffectation actant que les espaces verts ne sont plus utilisés. En effet, au préalable à toute désaffectation, l’administration doit vérifier que ce bien n’est plus affecté à un service public ni à l’usage direct du public.
- Il y aura ensuite une nouvelle délibération en Conseil municipal actant la désaffectation et prononçant le déclassement du domaine public. Là encore, il faudra attendre la purge de deux mois de recours des administrés et du contrôle de légalité. Les administrés s’opposant à ce projet devront former un recours gracieux à l’encontre de la décision du Conseil Municipal.
- Ensuite seulement une division parcellaire sera effectuée par géomètre sur la base de l’emprise déclassée.

Le seul moyen de contourner la nécessaire unanimité des colotis pour la désaffectation serait d’entamer une procédure d’expropriation qui elle aussi est très encadré et doit répondre à une exigence de nécessité pour l’intérêt général.

Dans cette affaire, les espaces verts semblent bel et bien utilisés par le public et semblent régulièrement entretenus. Dès lors, il est difficilement envisageable en l’état de justifier de la désaffectation des espaces verts concernés.

Si la commune continuait malgré tout dans cet voie, il conviendra d’attaquer chacune des délibérations prises en conseil municipal et dans le cas d’une expropriation, il conviendra de faire un recours contre l’enquête publique dans les 2 mois de sa transmission au contrôle de légalité.

Le recours gracieux motivé doit être fait à l’encontre de l’enquête publique ainsi que de la décision du conseil municipal afin d’obtenir leurs annulations.

Dans l’hypothèse où la municipalité ne répondrait pas favorablement audit recours gracieux, il conviendra de formaliser un recours contentieux devant le Tribunal administratif compétent.

Laurent Latapie,
Avocat à Fréjus et Saint-Raphaël, Docteur en Droit,
Barreau de Draguignan
www.laurent-latapie-avocat.fr

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

43 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • par Atlan , Le 31 juillet 2024 à 23:24

    bonjour,
    Le maire de ma commune : Peyrestortes souhaite déclasser un espace vert à côté de ma maison afin de pouvoir y faire construire deux maisons. Je viens de lire votre article et j’ai une question : est-ce que il est toujours valable aujourd’hui ou bien est-ce que de nouvelles lois comme la ZAN ou autre ont changé la donne ?
    Merci pour votre réponse
    Felicia Atlan

  • par DEZEURE Henriette , Le 24 janvier 2020 à 08:29

    En 1976 nous avons fait l’acquisition d’une maison construite par la CARPI Maison familiale, un petit espace vert de 165 m2 est contigu à cette maison. Sur le cahier des charges obligation d’entretenir cet espace et de remplacer les troënes défectueux le cas échéant. En Juin 2017, le Maire propose de nous vendre ce terrain. Le passage pour accéder à cet espace est notre entrée de garage.
    Pouvez vous nous dire si la loi acquisitive des 30 ans peut s’appliquer pour notre terrain
    Merci par avance et très bonne journée
    P.S D’après la Mairie les espaces verts auraient été rétrocédes en 2000

  • par Bertrand Art , Le 21 juillet 2019 à 19:23

    Bonjour,

    Dans mon lotissement, l’espace vert, qui était devenu propriété communale il y a près de trente ans, a été vendu il y a trois ans par la Mairie à un coloti qui, depuis, ne l’entretient pas plus qu’il ne l’était avant et pas plus qu’il n’entretient la voirie du lotissement.. J’ignore si la procédure réglementaire a été suivie.
    La parcelle est constituée d’une voie de passage réservée en théorie aux pompiers et un espace vert de type "forêt vierge" par où les gens passaient de temps à autre, plus ou moins à l’abandon, et qui n’avait jamais entretenu par les services de la commune. Or cet espace vert comporte des arbres en mauvais état apparent (que personne n’a jamais examinés, ni élagués, ni "soignés"), de l’eau de ruissellement y stagne...
    Il y a plus d’un an, un arbre de ce terrain est tombé dans ma propriété, détruisant au passage ma clôture... Mon voisin n’était pas bien assuré et depuis, en dépit de mes demandes réitérées, il ne fait rien pour enlever cet arbre et se montre même impoli et menaçant (l’individu, caractériel et violent, se place depuis toujours au-dessus des lois et règne par la terreur). De plus, il est artisan et la Mairie est un de ses clients. Je suis allé voir le maire pour lui en parler, celui-ci, fort du fait que le terrain a été vendu, s’en lave les mains et, comme je m’y attendais, dégage forcément la Commune de toute responsabilité. Le maire en a touché un mot à l’individu en question, lequel s’est empressé de nous menacer de représailles.
    Il se trouve que tôt ou tard il me faudra vendre ma propriété, et cet arbre tombé au milieu du terrain la déprécie lourdement...
    Que me conseilleriez-vous de faire ? Si je porte plainte, j’ignore quelles seront les conséquences, mais il y a des risques...
    Tant mon voisin que la mairie s’en moquent et c’est ma famille et moi qui en faisons les frais.

    Que me conseillez-vous de faire ? MERCI !

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs