Le "Pré-Etat-Daté" et "l’Etat Daté" dans une vente immobilière.

Par Charles Bohbot et Rebecca Medioni, Avocats.

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Explorer : # vente immobilière # charges de copropriété # syndic # document obligatoire

Le "Pré-Etat-Daté" et "l’Etat Daté" peuvent venir compliquer une vente immobilière. Nous venons présenter le cadre juridique et préciser ces deux problèmes particuliers :
Le premier est que la facturation par le Syndic du "pré-état-daté" est problématique car ce document n’a pas véritablement d’existence légale et n’est pas prévu au titre des prestations particulières facturables.
Le second est que l’état-daté doit contenir pour sa part de nombreuses mentions, dont l’état des procédures judiciaires en cours, l’absence de cette mention permet d’engager la responsabilité du Syndic dans certaines conditions.

-

L’état daté, seul document exigible lors de la vente d’un lot de copropriété, est prévu par l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Qu’est-ce que l’état daté ?

L’état daté est un document informatif impérativement établi par le Syndic de copropriété soit à la demande du notaire en charge de la vente du bien soit à la demande du vendeur.

Ce document vise à renseigner le futur acquéreur d’un bien immobilier sur les charges qu’il devra supporter une fois propriétaire dudit bien.

A quel moment l’état daté doit-il être fourni ?

La demande d’état daté est faite au syndic dès que le compromis de vente a été signé.

Ce document doit être produit à l’acheteur avant la signature de l’acte de vente définitif chez le notaire.

Quelles sont les informations que doit comprendre l’état daté ?

La liste des informations devant figurées dans l’état daté est fixée par l’article 5 du décret du 17 mars 1967 modifié en 2013.

Trois grandes catégories doivent être renseignées :
- Les sommes pouvant rester dues au syndicat de copropriété par le vendeur telles que les charges impayées, les provisions exigibles ou les honoraires du syndic au jour de l’établissement de l’état daté dont le copropriétaire devra s’acquitter avant la vente ;
- Les sommes pouvant rester dues par le syndicat au copropriétaire vendeur ;
- Les sommes incombant au nouveau copropriétaire, notamment les dépenses non encore exigibles au titre du budget prévisionnel (ces sommes étant données à titre approximatif et sous réserve de l’apurement des comptes).

Par ailleurs, l’annexe de l’état daté devra impérativement mentionner l’état des procédures en cours dans lesquelles le syndicat est partie.

Que risque le syndic s’il n’a pas signalé les procédures judiciaire en cours dans l’état daté ?

La Cour d’Appel de Versailles a jugé dans son arrêt du 11 janvier 2010 que lorsque le Syndic n’a pas signalé l’existence d’une procédure en cours, il doit réparation du préjudice subi par l’acquéreur consistant en une perte de chance de ne pas contracter ou de ne s’engager que dans des conditions autres. [1]

Cependant, cet état daté a pour principal objectif de prévenir l’acquéreur des éventuelles charges auxquelles il peut être tenu.

Dès lors, la responsabilité du Syndic pourrait ne pas être engagée si le copropriétaire ne fait preuve d’aucun grief eu égard aux litiges encore pendants car aucune charge complémentaire ne lui a encore été imputée à ce titre.

En conséquence, il serait fort probable que le juge considère, conformément au dernier arrêt rendu le 27 janvier 2015 par la Cour de Cassation, que le copropriétaire ne fait état d’aucun lien de causalité entre son hypothétique préjudice et le défaut de mention des procédures en cours dans l’état daté par le Syndic. [2]

A quel prix peut être facturé l’état daté ?

L’état daté est un document obligatoire et préalable à la vente et est légalement reconnu et encadré.

En l’absence de publication du décret devant encadrer le montant pouvant être perçu par le syndic au titre de cette prestation, le prix de la rédaction de l’état daté est fixé lors de l’Assemblée générale des copropriétaires.

Qui est redevable du coût de l’état daté ?

L’article 10-1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 dispose que sont imputables au seul copropriétaire concerné, à savoir le vendeur, les honoraires du syndic afférents aux prestations qu’il doit effectuer pour l’établissement de l’état daté à l’occasion de la mutation à titre onéreux d’un lot ou d’une fraction de lot.

Toutefois, les parties peuvent convenir entre elles que l’état daté sera à la charge de l’acheteur.

Qu’est-ce que le « pré état-daté » ?

Le « pré état-daté » est un document informatif, crée par la pratique afin de communiquer les informations obligatoires dont le contenu a été renforcé par la loi Alur du 24 mars 2014.

A ce titre, l’article L.721-2 du Code de la construction et de l’habitation prévoit qu’en cas de promesse de vente, avant la signature, plusieurs informations doivent être transmises.

Toutefois cet article n’emploie pas précisément le terme de « pré état-daté ».

L’objectif étant de donner toutes les informations nécessaires au futur acheteur afin de s’engager dans l’achat du bien en disposant d’une vision réelle et concrète des charges de copropriété.

Quand peut être fourni le pré état-daté ?

Le « pré état-daté » est fourni au futur acheteur préalablement à la signature du compromis de vente.

Qui fournit le pré état-daté ?

Le « pré état-daté » peut être fourni soit par le syndic soit par le vendeur directement s’il a été diligent en conservant les documents transmis antérieurement par le syndic ou soit par l’intermédiaire de ses codes d’accès extranet.

Le notaire en charge de la vente ne peut exiger que le pré état-daté soit communiqué par le syndic.

Que comporte le pré état-daté ?

Le « pré état-daté » comporte notamment :
- le montant des charges courantes et des travaux payés par le vendeur pendant les deux exercices comptables antérieurs à la vente ;
- le montant de la part de fonds de travaux rattachée au lot principal vendu ;
- le montant de la dernière cotisation versée par le vendeur pour ce fonds ainsi que les sommes que l’acheteur est susceptible de devoir au syndicat de copropriété et celles dont le vendeur serait débiteur à l’égard du syndicat ;
- l’état global des éventuels impayés de charges au sein de la copropriété.

Le Syndic peut-il facturer la production du « pré état-daté » ?

Le « pré état-daté » peut être facturé par le Syndic dans l’unique cas où son contrat est antérieur au 2 juillet 2015.

Si le contrat de Syndic a été conclu ou renouvelé à compter du 2 juillet 2015, cette tâche ne peut en principe être facturée par le Syndic.

En effet, le décret n°2015-342 du 26 mars 2015 a fixé une liste limitative des prestations particulières (en dehors de la gestion courante) pouvant faire l’objet d’une rémunération spécifique pour le Syndic.

Toutefois, le pré état-daté ne fait pas partie de ces 18 prestations pouvant donner lieu à des honoraires supplémentaires.

Ainsi, et depuis cette date, le Syndic ne peut plus légalement facturer la production de ce pré état-daté.

Néanmoins, à l’heure actuelle et en l’absence de décret encadrant concrètement cette pratique, aucune sanction n’est intervenue contre les Syndics concernant la facturation du « pré état-daté ».

Si le copropriétaire est informé qu’il peut obtenir ses informations à partir des données disponibles et notamment par son extranet et qu’il souhaite malgré tout obtenir un « pré état-daté », le syndic facture en pratique des frais documentaires.

Recommandations.

Si l’état daté peut librement faire l’objet d’une facturation par le syndic, ce dernier doit bien veiller à fixer le montant de ces prestations en assemblée générale afin de limiter tout contentieux relatif au prix facturé.

Le pré-état daté ne peut en principe pas faire l’objet d’une facturation particulière pour le syndic.

Dans l’attente d’une réforme prenant en compte ce travail supplémentaire, les syndics ont tendance à facturer des frais documentaires si les particuliers refusent de réunir les informations qui leurs sont accessibles.

Charles BOHBOT - Rebecca MEDIONI
BJA Avocats

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Notes de l'article:

[1Cour d’Appel de Versailles – 11 janvier 2010 – n° de pourvoi 09/01500.

[2Cour de Cassation – 3ème chambre civile – 27 janvier 2015 – n° de pourvoi 13-26705.

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Discussions en cours :

  • L’astuce des notaires, c’est de fournir aux Agences Immobilières un modèle de Compromis de Vente qui se réfère à la version initiale de l’Article L.721-2 du CCH, datant de mars 2014, alors que cet article a été modifié deux fois depuis, en décembre 2014 et en juillet 2015.

    Je viens de signer un Compromis de Vente, et j’ai bataillé pendant 2 semaines avec mon Notaire pour essayer de le convaincre que la version applicable de cet article de loi était celle de juillet 2015. Rien à faire : il ne voulait pas en démordre !

    La raison de cet acharnement, c’est le Pré Etat Daté : il faut absolument que le copropriétaire vendeur paye quelques centaines d’euros pour le faire établir.

    Cela se passe en 3 étapes :
    - D’abord le Notaire rejette comme obsolètes les 5 ou 6 données financières que le vendeur doit fournir à l’acquéreur et que le Syndic est tenu de mettre gratuitement à sa disposition. Dans sa dernière version, l’article L.721-2 précise qu’elles doivent être à jour de la dernière Assemblée Générale des Copropriétaires, qui peut avoir eu lieu un an plus tôt.
    - Ensuite le Syndic envoie un devis au Copropriétaire, et dans notre cas il a justifié sa facturation par référence à l’article R.134-3 du CCH, qui s’applique à une autre prestation. J’ai refusé de payer.
    - Alors l’Agence Immobilière le commande à la place du vendeur, et le Syndic a le droit de le lui facturer. Mais ce n’est pas l’Agence qui paye : le coût est porté par le Syndic au débit du compte de charges du copropriétaire, pour une prestation qu’il a fournie à un tiers.

    J’ai protesté et menacé d’alerter la DGCCRF (Répression des Fraudes), et finalement l’Agence a payé le Syndic.

    J’ignore totalement ce que contient le Pré Etat Daté : je ne l’ai jamais vu, et il n’a même pas été joint au Compromis de Vente, qui ne le cite nulle part.

    • par Bernard C , Le 19 octobre 2019 à 14:06

      Je l’ai retrouvé : il apparaît en pièce jointe au Compromis de Vente sous le nom : "Les informations financières relatives aux dispositions prévues à l’Art L721-2 du CCH". Il a remplacé toutes le informations provenant de l’Extranet du Syndic que j’avais rassemblées.

      J’ai analysé son contenu :
      1) Un empilage de fausses références légales :
      - Article 54 et suivants de la loi ALUR. L’article 54 n’est plus aujourd’hui qu’une liste d’articles de loi modifiés. Les articles 55-56-57 traitent d’un tout autre sujet.
      - Nouvel article L.721-2 du CCH. Cet article contient la liste des informations comptables et des documents devant être remis à l’acquéreur.
      S’il pouvait être qualifié de « nouveau » lors de sa création en mars 2014, sa version initiale doit aujourd’hui être qualifiée d’« ancienne » car il a été modifié en décembre 2014 et en août 2015.

      Aujourd’hui, le seul texte de référence est la version applicable à ce jour de l’Article L.721-2, datée du 28 août 2015, dont ne veulent pas entendre parler mes interlocuteurs (Notaire, Agence, Syndic) : ils se réfèrent constamment à la version initiale de mars 2014.

      2) Une liste de documents joints redondante et incomplète. Nous les avons déjà fournis. Ce deuxième envoi, payant cette fois, n’apporte rien de plus.
      Par contre il y manque la « Fiche Synthétique de la Copropriété », qui rassemble les principales données financières à jour de la dernière Assemblée Générale des Copropriétaires.

      3) Un délayage sur 6 pages des informations financières que nous avons déjà fournies, agrémentées de commentaires déjà inscrits dans le compromis de vente. Ce deuxième envoi, payant cette fois, n’apporte rien de plus.
      On notera que le Notaire a rejeté pour obsolètes les informations financières mises à notre disposition par le Syndic, qui datent de la dernière assemblée générale des copropriétaires tenue il y a 11 mois. Il est vrai qu’il ne sait pas que l’article L.721-2 a été modifié en décembre 2014 et en août 2015.

      4) Une facturation illégale de 240 € au titre « des honoraires du syndic afférents aux prestations demandées par le notaire pour l’établissement du présent document »
      J’ai refusé le devis, et ce n’est pas le Notaire, mais l’Agence qui a passé outre mon refus et qui l’a commandé. Le Syndic l’a facturé sur mon compte de charges en invoquant l’Article R.134-3 du CCH, qui concerne une autre prestation.

      De la part de professionnels de l’immobilier, cette accumulation d’erreurs et de détournement de textes de loi ne peut être fortuite.
      Je suis près de penser que j’ai été victime de la pratique abusive à laquelle le gouvernement a voulu mettre fin : que ne ferait-on pas pour soutirer quelques centaines d’euros au Copropriétaire vendeur ?

      J’ai fait un signalement à la DGCCRF.

  • Bonjour,

    je suis Syndic, et devant le harcèlement qu’effectuent les Notaires pour que nous remplissions le document qu’ils ont créé et intitulé "pré état daté", je fais systématiquement accepter un devis visant à effectuer cette prestation et la facturer.
    Une cliente vient de me menacer de me dénoncer à la DGCCRF car elle a lu, comme tout le monde, les articles nous mettant en position d’illégitimité à facturer.
    Quelqu’un aurait-il eu une expérience et connaitrait-il la position de la DGCCRF et des décisions prises par les Tribunaux dans ce cas de figure ?

    Tout le monde semble trouver normal que les Syndics se voient obligés de rendre ce "service" bénévolement, tout en engageant leur responsabilité sur ce qui est décrit comme un document légalement inexistant… Quid du comportement des Notaires ???
    Ca laisse rêveur : y a t-il un autre type d’entreprise à but lucratif qui se voit imposer une prestation de service à titre gratuit par une autre profession ?

  • par Giraudet Jean Paul , Le 11 août 2019 à 10:03

    Bonjour,
    J’ai acheté un bien le 30 mars 2018, sur la base d’un état daté fourni le jour même au notaire et facturé au vendeur . Un mois plus tard le Syndic me réclame sans autre justification une régularisation importante de 20% des charges de l’exercice 2017 dont les comptes n’avaient pas été ajustés. Dois je accepter de régler ce montant ?

  • Bonjour Monsieur, j ai de très mauvaise relation avec mon gérant de syndic (foncia pour ne pas les nommer) et ne l envoie pas mes document malgré l acceptation du devis, quel moyen juridique ai je a disposition pour l obliger à me l envoyer très rapidement, je risque de perdre mon acheteur... cordialement

    • par DENISE , Le 25 juin 2019 à 16:56

      Bonjour,

      FONCIA, vient de me réclamer 505 euros pour un état daté d’un garage.
      Je n’ai pas eu de devis. Je considère cette somme comme abusive.
      Puis-je me retourner ?

  • par MICHEL , Le 5 juin 2019 à 10:51

    Bonjour,
    Le syndic ne peut pas facturer le "préétat daté" en charges particulières au vendeur dans le cadre de ses charges de copropriété (mission non prévue par la loi 65-557)
    En revanche, s’il a reçu une commande expresse du vendeur et a rempli ses obligations d’informations tarifaires précontractuelles (art. L.111-1 du code de la consommation), il peut facturer directement au vendeur cette prestation, et doit lui remettre une notre d’honoraires (arrêté 83-50/A).
    Cordialement

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