Etude comparative de la garantie des vices cachés dans le Code civil burkinabè et l'obligation de délivrance conforme dans l'AUDCG OHADA et la CVIM. Par Rachidi Tapsoba, Juriste.

Etude comparative de la garantie des vices cachés dans le Code civil burkinabè et l’obligation de délivrance conforme dans l’AUDCG OHADA et la CVIM. Par Rachidi Tapsoba, Juriste.

Rachidi Tapsoba, Juriste-conseil
SCPA KERE-ASSOCIES, Burkina Faso spécialisé en droit des affaires internationales et en droit international des investissements, en droits de l\’homme et libertés fondamentales, membre de l\’association des jeunes arbitres d\’Afrique
tapsobaabdoulrachidi chez yahoo.com

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Explorer : # garantie des vices cachés # obligation de conformité # droit commercial # vente internationale

La vente, qu’elle soit civile ou commerciale, interne ou internationale, met à la charge du vendeur deux principales obligations selon l’article 1603 du Code civil burkinabè que sont l’obligation de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend. En effet, de l’obligation de garantir découle une garantie contre l’éviction et une garantie contre les vices cachés ; c’est cette dernière sur laquelle nous porterons notre attention.

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Le vice caché peut-être défini comme un défaut de la chose vendue qui la rend impropre à sa destination normale en supprimant ou en diminuant son utilité de façon suffisamment grave. Quant à la délivrance conforme elle renvoie à la délivrance d’une chose conforme aux spécifications contractuelles. La garantie des vices cachés s’impose au vendeur au profit de l’acheteur dans la plupart des contrats de vente.

Le siège de la matière se trouve dans les articles 1641 à 1649 du Code civil de 1804 applicable au Burkina Faso, les articles 255 à 259 de l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général révisé (AUDCG) et les articles 35 à 44 de la Convention des Nations Unies sur la Vente Internationale de Marchandises du 11 avril 1980 (CVIM).

La garantie des vices cachés pose le problème de la loyauté du vendeur dans le contrat de vente. La question de la garantie des vices cachés a donné lieu à de nombreuses décisions jurisprudentielles et une controverse doctrinale bien nourrie.
Pour mener à bien notre réflexion il convient d’aborder les conditions de mise en œuvre de l’obligation de garantie contre les vices cachés et l’obligation de conformité dans le Code civil, l’AUDCG et la CVIM d’une part (I) et les solutions dont dispose l’acheteur insatisfait en cas de vice caché ou de non-conformité d’autre part (II).

I- Les conditions de mise en œuvre de l’obligation de garantie contre les vices cachés et l’obligation de conformité dans le Code civil, l’AUDCG et la CVIM.

Il s’agit des conditions communes de mise en œuvre (A) et des conditions spécifiques de mise en œuvre (B).

A- Les conditions communes de mise en œuvre.

D’entrée de jeu, il faut souligner que tout comme le Code civil, l’AUDCG et la CVIM exigent que le vice caché ou le défaut de conformité soit antérieur à la vente en se référant généralement à la date de la vente. Toutefois, le véritable critère de référence réside dans le transfert des risques. C’est pourquoi, la jurisprudence retient parfois comme critère la date de livraison, à laquelle dans les ventes commerciales, les risques passent généralement du vendeur à l’acheteur [1].

Ensuite, le Code civil, l’AUDCG et la CVIM exigent que la destination que l’acheteur entend donner à la chose soit porter à la connaissance du vendeur.

Du point de vue de la preuve, selon le Code civil, l’AUDCG et la CVIM, elle incombe à l’acheteur. Il lui revient donc de prouver l’existence du vice ou du défaut antérieurement ou concomitamment au transfert des risques. Il faut remarquer que le régime juridique de la garantie des vices cachés du Code civil et celui de l’obligation de conformité de l’AUDCG et de la CVIM, sont tous protecteurs de l’acheteur.

Du point de vue des rapports entre sous-acquéreur et vendeur initial, le Code civil, l’AUDCG et la CVIM permettent au sous-acquéreur d’exercer une action directe contre un vendeur intermédiaire dans les ventes successives. Cette action est nécessairement de nature contractuelle.

A côté de la garantie légale, la liberté contractuelle permet aux parties de prévoir des clauses conventionnelles de garantie. Ces clauses peuvent être soit restrictives, soit extensives de la garantie légale. Les clauses extensives sont celles qui garantissent le bon fonctionnement de la chose pendant plusieurs mois et même plusieurs années.

Dans ce cas, la durée et l’étendue de la garantie dépassent généralement de beaucoup celles prévues par la loi. Ces clauses sont valables. Les clauses restrictives ou limitatives sont celles qui limitent ou suppriment la garantie légale. En principe elles sont valables. Cependant elles ne sont pas valables en ce qui concerne le vendeur de mauvaise foi et le vendeur professionnel dans ses rapports avec les consommateurs.

Les clauses contractuelles sont autorisées par le Code civil, l’AUDCG et la CVIM [2]. En dehors de ces similitudes, il existe des différences importantes qu’il importe de relever.

B- Les conditions spécifiques de mise en œuvre.

En ce qui concerne d’abord même le domaine d’application, la garantie des vices cachés du Code civil s’applique à la vente de meubles et d’immeubles, les biens neufs et les biens d’occasion à l’exception des ventes faites sous autorité de justice [3]. Il faut ajouter que dans le Code civil, la garantie des vices cachés a été étendue à d’autres contrats tels le bail ou le prêt à usage ; mais c’est dans la vente qu’elle a plus vocation à s’appliquer. A contrario, l’obligation de conformité mise à la charge du vendeur par l’AUDCG et la CVIM, concerne respectivement la vente commerciale interne et la vente internationale de marchandises.

En effet, le Code civil fait une distinction traditionnelle entre l’obligation de délivrer une chose conforme (la chose convenue dans le contrat au moment de la vente) et l’obligation de garantir contre les vices cachés. Tandis que l’AUDCG révisé, dans le même esprit que la CVIM, réunit l’obligation de délivrer une chose conforme et celle de ne pas délivrer une chose comportant des vices cachés dans une seule et même obligation dénommée obligation de conformité [4].

Selon le Code civil, la garantie des vices cachés est soumise aux conditions suivantes : le vice doit exister, il doit être occulte ou caché, c’est-à-dire qu’il ne doit pas être apparent, le vice doit être d’une certaine gravite et il doit être antérieur à la vente ce qui signifie qu’il ne doit pas résulter de l’usure normale de la chose [5].

Contrairement au Code civil, l’AUDCG et la CVIM innovent dans la définition de la conformité en y ajoutant les questions liées à l’emballage et au conditionnement des marchandises vendues [6]. Cette intégration peut s’analyser comme correspondant à l’observation pratique que fréquemment la non-conformité des marchandises est la conséquence du mauvais conditionnement ou de l’emballage.

En outre, une innovation non moins importante à souligner est que l’AUDCG et la CVIM ajoutent une exigence de conformité juridique à la conformité matérielle [7].

S’agissant des délais, il faut distinguer entre les délais de vérification et de dénonciation de la non-conformité du délai pour agir en justice. Pour ce qui est du délai de vérification et de dénonciation de la non-conformité, il y a un silence des dispositions du Code civil et de l’AUDCG. A l’opposé, l’article 38 de la CVIM impose à l’acheteur d’examiner la marchandise « dans un délai aussi bref que possible eu égard aux circonstances » et tient compte de son mode de transport et de sa réexpédition éventuelle afin de différer le moment de cette vérification.

L’article 39 quant à lui, impose à l’acheteur sous peine de déchéance du droit de se prévaloir du défaut, de dénoncer celui-ci dans un délai raisonnable, à partir du moment où il l’a constaté ou aurait dû le constater. L’article 44 CVIM, sous la demande pressante des représentants des pays en voie de développement, assouplit cependant cette sanction lorsque l’acheteur peut invoquer une excuse raisonnable pour n’avoir pas procéder à la dénonciation requise. Il faut souligner que cette dénonciation doit préciser la nature du défaut de conformité. Ce délai raisonnable peut avoir au plus tard une durée de 2 ans d’après la jurisprudence.

Relativement au délai pour agir en justice, le Code civil fait référence à un bref délai en son article 1648 sans pour autant fixer ni la durée ni le point de départ de ce délai. Mais l’on s’accorde à dire que ce délai commence à courir à compter de la découverte du vice par l’acheteur. Pour ce qui est de sa durée, elle est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond en fonction des circonstances. L’AUDCG quant à lui en son article 259 fixe un délai d’un an à compter du jour où le défaut a été constaté ou aurait dû l’être.

Il faut observer que relativement au délai pour agir en justice, la CVIM ne fixe aucun délai mais elle précise qu’il suffit que la marchandise soit vérifiée et le défaut de conformité dénoncé rapidement. Ainsi, cette information est suffisante puisque chacune des parties peut alors prendre les initiatives nécessaires afin de faire apprécier la conformité et d’en tirer les conséquences. Un tel système contraste avec la rigidité de la règle instaurée par l’article 1648 du Code civil. Tout en respectant les intérêts légitimes des deux parties, il élimine les irritantes difficultés qui sont nées de la mise en œuvre de ce délai. En cas d’inexécution par le vendeur de ses obligations, le Code civil, l’AUDCG et la CVIM accordent un certain nombre de possibilités à l’acheteur pour faire valoir ses droits.

II- Les solutions dont dispose l’acheteur insatisfait en cas de vice caché ou de non-conformité.

L’on abordera respectivement les solutions prévues par le Code civil (A) et les solutions innovantes de la CVIM et de l’AUDCG (B).

A- Les solutions prévues par le Code civil.

L’article 1644 prévoit deux (2) actions au choix de l’acquéreur : ce sont l’action rédhibitoire et l’action estimatoire.

L’action rédhibitoire permet à l’acheteur, de rendre la chose au vendeur, contre restitution du prix. Cette action est de même nature que l’action résolutoire avec la différence quelle est soumise à un bref délai.

L’action estimatoire autorise l’acheteur à garder la chose et à se faire rendre une partie du prix. Contrairement à l’action rédhibitoire, le contrat est maintenu. C’est la réfaction ou l’aménagement du contrat par les parties, les experts ou le juge.

L’acheteur a un droit d’option mais selon la Cour suprême du Burkina, dans un arrêt du 17 décembre 1996, il ne peut pas commencer par solliciter une réduction du prix puis y renoncer pour demander la nullité.

D’après l’article 1645, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il sera en plus tenu de dommage-intérêt. L’acheteur peut demander des dommages-intérêts sans résoudre la vendre. Cette action est soumise à un bref délai. La jurisprudence française décide depuis 1965 que : « le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tout dommages-intérêts envers l’acheteur ». Dans ce cas, il ne peut pas opposer une clause restrictive de garantie au consommateur.

Enfin, si le juge estime que le vice caché n’est pas grave, il peut refuser la résolution de la vente, et accorder uniquement, une réduction du prix. La CVIM et l’AUDCG offrent plus de possibilité à l’acheteur en cas d’insatisfaction.

B- Les solutions innovantes de la CVIM et de l’AUDCG.

La CVIM et l’AUDCG mettent à la disposition de l’acheteur insatisfait, diverses solutions qu’ils unifient quel que soit la nature de l’inexécution.

Tout d’abord, l’acheteur peut exiger du vendeur, l’exécution de ses obligations à moins qu’il ne se soit prévalu d’un moyen incompatible (article 46 de la CVIM et article 281 de l’alinéa 1 de l’AUDCG. Aussi, il peut demander le remplacement des marchandises non conformes selon les articles 46-2 de la CVIM et 283 de l’AUDCG.

Ensuite, la CVIM et l’AUDCG donnent la possibilité d’impartir au vendeur un délai supplémentaire de durée raisonnable pour l’exécution de ses obligations [8]. Il faut souligner que l’acheteur ne peut, avant l’expiration de ce délai, se prévaloir d’aucun des moyens dont il dispose [9]. Toutefois, l’acheteur ne perd pas pour autant le droit de demander des dommages-intérêts moratoires.

En outre, selon les articles 48 de la CVIM et 257 de l’AUDCG, le vendeur peut imposer la réparation du défaut de conformité des marchandises livrées, et il peut également imposer à l’acheteur, la livraison de choses conformes.

Par ailleurs, l’AUDCG accorde à l’acheteur la possibilité de demander le remplacement des marchandises défectueuses par des marchandises conformes [10].

L’article 49-1 de la CVIM quant à lui permet à l’acheteur de déclarer le contrat résolu lorsqu’un certain nombre de conditions sont réunies. Toutefois l’acheteur peut se voir déchoir le droit de déclarer le contrat résolu [11].

L’acheteur peut réduire le prix en cas de défaut de conformité des marchandises au contrat conformément aux conditions prévues à l’article 50 de la CVIM.

Cependant la disposition affirme que l’acheteur peut perdre cette possibilité lorsque le vendeur à exécuter son obligation.

La CVIM va plus loin en reconnaissant à l’acheteur la possibilité de déclarer le contrat résolu dans sa totalité en cas d’inexécution partielle ou de défaut de conformité constituant une contravention essentielle au contrat, en son article 51-2.

Enfin, en vertu de l’article 52-1 de la CVIM, l’acheteur a la possibilité d’accepter ou de refuser une livraison anticipée du vendeur.

En cas de livraison de marchandises d’une quantité excédentaire à celle prévue au contrat, l’acheteur peut refuser ou accepter de prendre livraison de la quantité excédentaire. S’il l’accepte en tout ou en partie, il doit la payer au tarif prévu au contrat, du moins c’est ce qui ressort de l’article 52-2 de la CVIM.

Pour ce qui concerne les dommages-intérêts, l’AUDCG et la CVIM reconnaissent tous deux la possibilité à l’acheteur de demander des dommages-intérêts au vendeur chaque fois qu’il subit un dommage a fortiori si le vendeur est de mauvaise foi.

Une innovation exclusive de l’AUDCG en ce qui concerne les solutions accordées à l’acheteur insatisfait est la possibilité pour ce dernier de différer son obligation de payer le prix. Pour ce faire l’article 282 de l’AUDCG qui reconnait cette possibilité dispose que l’acheteur doit saisir la juridiction compétente statuant à bref délai afin de pouvoir bénéficier de cette possibilité.

Le cas échéant, cette autorisation peut être assortie de l’obligation de consigner tout ou partie du prix.

Conclusion.

En dernière analyse, il y a lieu de souligner que les nombreuses difficultés soulevées par le régime de la garantie des vices cachés dans le Code civil, a conduit certainement les rédacteurs de l’AUDCG et de la CVIM à ranger dans une même obligation (obligation de conformité) l’obligation de délivrance conforme et celle de la garantie des vices cachés. Cela se comprend aisément dans la mesure où ces deux instruments ont pour objectif majeur l’unification de la matière du droit des contrats.
Pour notre part, nous pensons qu’il est plus judicieux et plus favorable de s’inscrire dans la même dynamique que l’AUDCG et la CVIM, comparativement au Code civil.

D’ailleurs, une bonne compréhension du droit ne passe-t-elle pas par son unification ?

Rachidi Tapsoba, Juriste-conseil
SCPA KERE-ASSOCIES, Burkina Faso spécialisé en droit des affaires internationales et en droit international des investissements, en droits de l\’homme et libertés fondamentales, membre de l\’association des jeunes arbitres d\’Afrique
tapsobaabdoulrachidi chez yahoo.com

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Notes de l'article:

[1Art. 256 AUDCG et art. 36-1 CVIM.

[2Art. 259 AUDCG et 36-2 CVIM.

[3Art. 1649.

[4Art. 255 AUDCG et art. 35 CVIM.

[5Art. 1641.

[6Art. 255 AUDCG et art. 35 CVIM.

[7La marchandise livrée doit être libre de tout droit ou prétention d’un tiers, art. 41 CVIM et 260 AUDCG.

[8Article 47-1 de la CVIM et les articles 283 alinéa 2 et 284 de l’AUDCG.

[9Article 47-2 de la CVIM.

[10Article 283 de l’AUDCG.

[11Article 49-2 de la CVIM.

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