Evolution des prescriptions applicables aux parcs éoliens terrestres. Par Sébastien Echezar, Avocat et Justine Rouiller, Etudiante.

Evolution des prescriptions applicables aux parcs éoliens terrestres.

Par Sébastien Echezar, Avocat et Justine Rouiller, Etudiante.

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Explorer : # impact environnemental # démantèlement # recyclage # renouvellement des parcs éoliens

Les éoliennes d’une hauteur supérieure ou égale à 12 m relèvent du régime des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement et sont à ce titre soumises à des prescriptions visant à réduire leurs dangers et inconvénients.

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Depuis l’édiction des premières prescriptions en 2011, plusieurs travaux ont porté sur les impacts environnementaux des éoliennes, et notamment sur leurs effets sur la biodiversité. Par ailleurs, l’enjeu que constitue l’arrivée en fin de vie des parcs éoliens installés dans les années 2000, tant du point de vue du démantèlement des installations et de la gestion des déchets que de celui du renouvellement des parcs, a été souligné à de nombreuses reprises.

Pour tenir compte de ces évolutions, deux arrêtés du 22 juin 2020 ont modifié les prescriptions applicables aux éoliennes (Arrêté du 22 juin 2020 modifiant l’arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement). Trois de ces modifications reflètent particulièrement les enjeux actuels du développement de l’énergie éolienne : l’amélioration du suivi des impacts sur la faune (I), le renforcement des obligations relatives à la fin de vie des parcs (II) et la précision du cadre juridique applicable au renouvellement (III).

I- L’amélioration du suivi des impacts sur la faune.

Les arrêtés renforcent l’obligation de suivi environnemental qui permet d’estimer la mortalité de l’avifaune et des chiroptères liée aux éoliennes en cours d’exploitation.

La seule obligation imposée avant l’entrée en vigueur de ces arrêtés était la mise en place du suivi dans les 3 premières années de fonctionnement des installations. L’exploitant est désormais tenu de mettre en place ce suivi dans les 12 mois ou, sur dérogation, dans les 24 mois qui suivent la mise en service. Ce suivi devra porter sur un cycle biologique complet et continu et être renouvelé en cas de mise en évidence d’un impact significatif des éoliennes sur la faune. Dans le cas contraire, il ne devra être renouvelé que tous les 10 ans.

Les arrêtés imposent également la transmission du rapport de suivi à l’inspection des installations classées. L’inspection devrait donc être en mesure de connaître l’impact réel des installations sur la faune et, le cas échéant, de proposer d’adapter les prescriptions en conséquence. Cette amélioration doit néanmoins être nuancée puisque son effectivité dépendra des contrôles effectués par l’inspection des ICPE.

II- Le renforcement des obligations relatives à la fin de vie des parcs.

Selon l’ADEME, environ 1500 éoliennes arriveront à la fin de leur durée de vie dans les prochaines années. Pour éviter que certaines de ces installations ne soient abandonnées, les textes imposent à l’exploitant de les démanteler à l’issue de l’exploitation.

Auparavant, seule l’excavation d’une partie des fondations des éoliennes était exigée. Des masses de béton et de métal pouvaient donc subsister dans les sols. Selon le CGEDD, « cette situation apparent[ait] le chantier remis en état à un enfouissement, autorisé mais inséré dans des espaces agricoles et forestiers, dont l’avenir [était] ainsi compromis » [1]. Cette critique a été prise en compte puisque les arrêtés du 22 juin 2020 posent le principe de l’excavation de la totalité des fondations jusqu’à la base de leur semelle, à l’exception des éventuels pieux.

Cependant, les arrêtés prévoient que par dérogation, la partie inférieure des fondations peut être maintenue dans le sol sur la base d’une étude adressée au préfet démontrant que le bilan environnemental du décaissement total est défavorable. Il est pour le moment difficile d’apprécier la portée de cette exception dans la mesure où la notion de « bilan environnemental » n’est pas définie.

Une fois les installations retirées, se pose la question de la gestion des déchets de démantèlement.

Les prescriptions antérieures n’indiquaient pas quel mode de gestion de ces déchets devait être préféré. Les nouveaux arrêtés précisent que la réutilisation et le recyclage doivent être privilégiées et fixent des objectifs chiffrés en ce sens.
Au 1er juillet 2022, au minimum 90% de la masse totale des aérogénérateurs démantelés, ou 85% lorsque l’excavation des fondations fait l’objet d’une dérogation, devront être réutilisés ou recyclés. Tel devra également être le cas de 35% de la masse des rotors.

Pour les futures installations, des objectifs d’écoconception sont fixés. Après le 1er janvier 2024, 95% de la masse totale des nouvelles éoliennes devront être réutilisables ou recyclables. Ces éoliennes devront en outre avoir 45% de la masse de leur rotor réutilisable ou recyclable après le 1er janvier 2023 et 55% après le 1er janvier 2025.

L’instauration d’une filière de recyclage des pales, préconisée en 2015 par l’ADEME (I care environnement, « Opportunité de l’économie circulaire dans le secteur de l’éolien » [2], ne semble pour le moment pas à l’ordre du jour.

L’extension du périmètre des opérations de démantèlement et de remise en état s’accompagne d’une augmentation des garanties financières. Ces garanties, dont la constitution est obligatoire pour les éoliennes soumises à autorisation, ont pour objet de financer la remise en état du site en cas de défaillance de l’exploitant.
Avant l’entrée en vigueur des arrêtés, le montant de ces garanties était fixé à 50 000 euros par aérogénérateur.

Pour les éoliennes d’une puissance supérieure à 2 MW, ce montant doit désormais être augmenté de 10 000 euros par mégawatt supplémentaire. Ce nouveau montant ne permettra probablement pas de couvrir les coûts de démantèlement et de remise en état dans toutes les situations. Ces coûts seraient, selon le vice-président de France énergie éolienne, compris « entre 30 000 et 120 000 euros, selon la taille de l’éolienne et la recommercialisation de certains composants » [3].

III- La précision des règles applicables au renouvellement des parcs.

L’arrivée en fin de vie de nombreux parcs éoliens pose, outre la question du démantèlement des éoliennes, celle du renouvellement des installations. Les pouvoirs publics souhaitent favoriser cette solution afin de préserver les capacités de production d’énergie éolienne, voire d’augmenter ces capacités en remplaçant les anciennes installations par des aérogénérateurs plus puissants (repowering).

La procédure applicable au renouvellement dépend de l’ampleur de la modification des installations envisagées. En cas de modification substantielle, l’exploitant doit, selon les cas, effectuer une nouvelle déclaration ou demander une nouvelle autorisation. Dans l’hypothèse d’une modification notable, il lui suffit de porter cette modification à la connaissance du préfet qui peut, si besoin, lui imposer des obligations supplémentaires.

Une instruction du 11 juillet 2018 définit les critères qui permettent au préfet d’apprécier le caractère substantiel ou non des modifications (Instruction du Gouvernement du 11 juillet 2018 relative à l’appréciation des projets de renouvellement des parcs éoliens terrestres). Les arrêtés du 22 juin 2020 complètent ce dispositif en imposant des prescriptions spécifiques qui s’appliquent en cas de renouvellement.

Pour permettre au préfet de tirer un bilan environnemental de l’exploitation, ils imposent la mise en place d’un suivi environnemental dans les 3 ans qui précèdent le porter à connaissance de la modification.

Les arrêtés adaptent également les règles relatives aux radars. Ils prévoient que lorsque les distances minimales d’éloignement vis-à-vis des radars ou certains seuils d’impacts ne sont pas respectés, les modifications apportées ne doivent pas augmenter les risques de perturbations des radars météorologiques et des radars liés à navigation maritime et fluviale.

Enfin, ils obligent l’exploitant à réactualiser le montant des garanties financières en fonction de la puissance des aérogénérateurs.

Justine ROUILLER - Etudiante en droit de l’Environnement - Stagiaire
Sébastien ECHEZAR - Avocat associé
contact chez debodinat-echezar-avocats.com

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Notes de l'article:

[1S. Alexandre, P. Follenfant, B. Legait, « Economie circulaire dans la filière éolienne terrestre en France », CGEDD, mai 2019, p.51, https://cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/Affaires-0011376/012673-01_rapport-publie.pdf;jsessionid=FF25B87CA2765D106369A9A27DD1022F.

[3J. Aubert, M. Meynier-Millefert, « Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique », Assemblée Nationale, 25 juillet 2019, Tome II, pp. 363 et 416
http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cetransene/l15b2195-t2_rapport-enquete.pdf

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