La loi « ELAN » du 23 novembre 2018 sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique durcit les conditions d’expulsion en présence d’une voie de fait afin de lutter plus efficacement contre les squatteurs.
Est ainsi supprimé le délai de deux mois entre le commandement de quitter les lieux et la mise en œuvre effective de l’expulsion « lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait » (CPCE, art. L. 412-1, al. 2).
Jusque-là, le juge avait seulement la faculté de le faire par une décision spéciale et motivée (TGI Paris, 1er févr. 2004, n° 04/85799, JEX, Rev. Huiss. 2004. 273).
Il s’agit désormais d’une obligation.
De même, la « trêve hivernale », empêchant toute expulsion entre le 1er novembre et le 31 mars, est écartée lorsque « la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par voies de fait » (CPCE, art. L. 412-6, al. 2).
Là encore, une simple possibilité pour le juge de ne pas appliquer ladite trêve en présence d’une voie de fait (depuis la loi « ALUR » du 24 mars 2014) devient une règle impérative avec la loi « ELAN ».
Or, la Cour de Cassation vient de rendre un arrêt le 19 septembre 2019 qui peut paraître surprenant.
En l’état actuel du droit, une famille ou un groupe de marginaux sera traité juridiquement de manière identique s’ils se sont introduits dans les lieux par voie de fait.
La trêve hivernale bénéficie non seulement aux locataires « avec titre », mais aussi aux squatteurs de domicile.
Les faits.
En l’espèce, les occupants sans droit ni titre d’un logement faisant l’objet d’une mesure d’expulsion avaient invoqué l’inconstitutionnalité de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa rédaction issue de la loi « ELAN ».
La non application de la « trêve hivernale » en cas de voie de fait serait, selon eux, contraire tant au principe d’égalité qu’au droit au respect de la vie privée et au principe de sauvegarde de la dignité humaine, dont procède l’objectif à valeur constitutionnelle que constitue le droit au logement.
La Cour de cassation constate que leur question, transmise par le tribunal d’instance, est bien applicable au litige et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
Considérant toutefois que la question n’est ni nouvelle ni sérieuse, elle rend une décision de non-lieu à renvoi.
Elle précise, d’une part, qu’ « un occupant entré par voie de fait dans des lieux appartenant à autrui se trouve dans une situation différente de celle de tout autre occupant et que la différence de traitement […], fondée sur le critère objectif de voie de fait, est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».
Il n’y a donc pas atteinte au principe d’égalité.
Il est en effet traditionnellement admis que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général. »
II - L’état actuel du droit.
La loi ELAN donne une définition des squatteurs : « les personnes entrées sans droit ni titre dans le domicile d’autrui, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ».
Elle vise notamment les locataires ayant vu leur bail résilié par acquisition de clause résolutoire ou qui se maintiennent abusivement dans les lieux à la suite d’un congé de leur bailleur et ceux qui squattent purement et simplement le domicile d’autrui.
La trêve hivernale ne protège que les seuls locataires bénéficiant d’un bail.
Après la décision de la troisième chambre civile, le 20 juin 2019 de ne pas transmettre au Conseil constitutionnel une QPC concernant l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, la deuxième chambre civile refuse à son tour de lui renvoyer une QPC relative à l’article L. 412-6 du même code.
Ne présente pas de caractère sérieux la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) invoquant la contrariété de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution au principes d’égalité devant la loi, au droit au respect de la vie privée et au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, dont procède l’objectif à valeur constitutionnelle que constitue le droit au logement.
En l’état actuel du droit, une famille ou un groupe de marginaux sera traité juridiquement de manière identique s’ils se sont introduits dans les lieux par voie de fait.
Cette situation qui peut paraître surprenante pour certains ne justifie pas pour autant la transmission au Conseil Constitutionnel d’une QPC puisque « un occupant entré par voie de fait dans des lieux appartenant à autrui se trouve dans une situation différente de celle de tout autre occupant ».
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Autre question :
" définition des squatteurs : « les personnes entrées sans droit ni titre dans le domicile d’autrui, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ».’"
Peut on supposer que des personnes entrées en l’absence du propriétaire, n’étant pas des locataires au delà du bail, sont présumés de facto "entrées à l’aide de manoeuvres" quand bien même il n’y aurait pas de trace d’effraction, les squatteurs ayant réparé la porte et changé les barillets ?
Il me parait logique de le déduire de cette phrase mais je ne pratique pas la langue "législataise" ...
Merci
Je ne comprends pas .
En termes intelligibles par le non juriste, est-ce que l’on peut faire expulser des squatteurs famille ou marginaux, qui se seraient installés dans ma maison en mon absence en ayant forcé porte ou fenêtre.
Merci