L’expulsion d’un locataire.

Par Victoire de Bary, Avocat.

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Explorer : # expulsion # procédure judiciaire # trêve hivernale

Alors que la période de trêve hivernale vient de commencer, il apparaît utile de rappeler qu’obtenir l’expulsion d’un locataire n’est pas chose facile.

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En effet, une fois la décision ordonnant l’expulsion obtenue, la mise en œuvre de cette mesure n’est pas immédiate ce qui peut parfois décourager les bailleurs de louer leur bien.

Il suffit toutefois de suivre une procédure rigoureuse pour obtenir cette mise en œuvre.

Dans tous les cas, l’expulsion résulte d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire document qui constate l’accord des parties sur la libération des lieux, et signé à la fois par les parties et par le juge devant lequel l’accord a été trouvé. [1]

Plus précisément, la décision doit ordonner l’expulsion des locataires et de tous occupants de leur chef, avec l’assistance de la force publique si besoin est.

Les huissiers ayant le monopole légal de l’exécution forcée en vertu de l’article L 122-1 du Code des procédures civiles d’exécution, ce sont eux qui vont mener la procédure d’expulsion.

C’est donc avec l’huissier qu’il faut suivre, pas à pas, le déroulement de cette procédure d’expulsion, ce qui permettra, finalement, d’obtenir la restitution des lieux et, le cas échéant, l’indemnisation des préjudices subis.

La procédure à suivre est faite d’étapes dont les délais sont imposés par les textes.

Tout d’abord, à réception du jugement ordonnant l’expulsion, il convient de le faire signifier.

Cette signification, qui intervient par acte d’huissier, fait courir le délai d’appel (un mois à compter de la signification s’il s’agit d’un jugement moins de 15 jours s’il s’agit d’une ordonnance de référé) et il est donc important d’y procéder au plus tôt.

Il est important d’attendre l’expiration du délai d’appel puisqu’en principe, l’appel interrompt la procédure d’expulsion. Néanmoins, si l’exécution provisoire a été prononcée, seul le Premier Président de la Cour d’Appel pourra interrompre la procédure d’expulsion.

L’huissier doit ensuite délivrer un commandement de quitter les lieux (ou de délaisser) qui obéit, à peine de nullité, à des conditions très strictes de forme et de contenu détaillées à l’article R 411-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

Ce commandement de quitter les lieux donne aux occupants un délai de deux mois pour restituer les lieux.

Il doit être notifié au préfet par courrier recommandé avec accusé de réception.

C’est la réception par le Préfet, de la notification, qui fait courir le délai de deux mois prévu par le commandement.

Si le juge ayant ordonné l’expulsion a lui-même accordé un délai aux occupants, ces délais s’ajoutent [2] : le concours de la force publique ne peut être valablement requis pendant ce délai.

Lorsque le délai de deux mois est expiré, l’huissier peut enfin tenter d’expulser les occupants et, en cas d’échec, requérir le concours de la force publique.

L’article R 153-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que la réquisition est accompagnée d’un exposé des diligences auxquelles l’huissier a procédé et des difficultés d’exécution.

Cet exposé a pour objet non d’habiliter le préfet à porter une appréciation sur la nécessité de demander le concours de la force publique, cette appréciation relevant de l’huissier, mais de l’éclairer, le cas échéant, sur la situation et sur les risques de troubles que l’expulsion peut comporter.

Dans ces conditions, l’existence d’une tentative matérielle d’exécution du jugement d’expulsion de la part de l’huissier à l’issue du délai donné par le commandement de quitter les lieux aux occupants n’est pas une condition légale de l’octroi de la force publique [3].

A compter de la réquisition du concours de la force publique, l’administration dispose d’un délai de deux mois pour répondre, étant rappelé que son silence vaut refus.

Le préfet dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de donner suite ou non à la demande. Il peut donc surseoir au concours de la force publique, s’y opposer en raison de l’impossibilité de reloger les occupants ou du risque de troubles à l’ordre public ou l’accorder, immédiatement ou de façon différée.

Quoi qu’il en soit, l’Etat est chargé d’exécuter les décisions de justice et son refus engage sa responsabilité à l’égard du propriétaire qui peut alors être indemnisé s’il en fait la demande. Notons que la demande d’indemnisation permet, généralement, de débloquer la situation et d’obtenir le concours de la force publique.

Enfin, il faut rappeler qu’aucune expulsion n’est possible pendant la période de trêve hivernale qui est régie par l’article L 613-3 du Code de la Construction et de l’habitation. [4].

Cependant, l’expulsion reste possible, y compris pendant la trêve hivernale, dans les cas suivants :

-  si le relogement des intéressés est assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille.
-  lorsque l’immeuble occupé a fait l’objet d’un "arrêté de péril".
-  lorsque les occupants sont entrés dans les lieux par voie de fait.
-  lorsqu’il s’agit de l’expulsion d’un conjoint violent ordonnée par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l’article 220-1 du Code Civil.
-  si les lieux sont vides de tout occupant, et inoccupés de façon prolongée. [5]

Au total, les délais sont généralement d’au moins 5 mois à compter de la décision prononçant l’expulsion, sachant qu’à chaque étape, le locataire peut saisir le juge de l’exécution d’une demande tendant à l’octroi de délais complémentaires.

C’est pourquoi il est important d’engager la procédure dès les premiers incidents de paiement du loyer.

Victoire de BARY
Avocat Associé
www.sherpa-avocats.com

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Notes de l'article:

[1article L 411-1 du Code des procédures civiles d’exécution

[2article L 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution

[3voir CE, 14 novembre 2011, n°343908, mentionné aux tables

[4période du 1er novembre au 15 mars de l’année suivante

[5Civ. 3ème, 20 novembre 1991, Bull. III, n°279, p 164

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Discussions en cours :

  • par Elvira , Le 9 novembre 2019 à 14:07

    Bonjour j’ai reçu la signification du juge en référé ordonnance d’expulsion immédiate le 5/11 est ce que je vais recevoir un commandement de quitter les lieux ? Je précise que je n’ais pas de bail

  • par dashx , Le 25 mars 2019 à 02:38

    Bonjour,
    Votre article (très instructif) se concentre sur les durées minimales (et étapes nécessaires) associées à une éviction.
    Je m’intéresse au problème inverse : quelle est la durée de prescription (durée maximale) pour faire exécuter un jugement d’éviction d’un locataire ?

  • Bonjour j ai reçu une ordonnance et commandement de quitter les lieux pour des loyers impayés. Je voudrai savoir si je paye la somme demandée est ce que je serai toujours obligée de quitter mon appartement ou est ce que je peux y rester sachant que j habite dans des hlm. Merci d avance

    • par sabrina , Le 10 août 2018 à 01:39

      Bonjour

      J’ai reçu un commandement de quitter les lieu suite à un jugement eu j’ai eu un échéancier m j’ai pas pue le respecter pendant 3 mois j’ai eu une personne qui travaille chez le bailleur service contencieu il m’a dit qu’on allez revoir l’échéance car l’avocat avait demander trops mais j’ai recu une demande de quitter les lieu aujourd’hui je vie avc mon compagnon il peut m’aider si je demande pat écrit un échéancier avc preuve des deux contrat puije annuler le demande d’expulsion

  • par Meta64 , Le 14 mars 2016 à 15:01

    Bonjour nous avons ete condamne a quitter au 31 mars 2016 les locaux que nous occupons.neamoins nous n’avons toujours pas recu le commendement de quitter les lieux. Pouvons nous rester dans les locaux meme si la decision de justice indiquee que nous devons quitter les locaux au 31 mars ?

  • Bonjour,
    Je suis locataire depuis le premier juillet d’un studio en rdc.
    La semaine dernière, mon propriétaire me montre qu’un appartement de l’immeuble a été vandalisé. Des tags portants des insultes et mon prénom ont étés bombés sur tous les murs de cet appartement qui était heureusement vide, mais qui venait d’être repeint en vue d’une location prochaine. Mon propriétaire me dit alors que le voisinage s’est déjà plaint de mes fréquentations (bien entendu je n’en avais pas été avertie avant cet incident) et que je suis la responsable de ceci. Je viens d’arriver dans la région, n’ai pas d’amis et ait effectivement invité quelques personnes a boire un café à la maison alors que je ne les connaissais que depuis peu. J’étais à milles lieux de penser qu’une pareille chose allait arriver et suis profondément choquée. Le propriétaire m’a stipulé que selon la police il pouvait me "virer le lendemain" s’il le désirait, que j’avais désormais "l’interdiction de recevoir qui que ce soit dans mon logement" et qu’il réfléchissait encore aux démarches qu’il allait engager contre moi. Je dois dire que malgré ma responsabilité quant aux gens que j’invite à mon domicile et malgré le lien indéniable que l’on peut faire entre cet incident et moi, je me sens victime dans cette affaire et j’ai peur que le propriétaire mette ses menaces à execution. Je ne sais pas quoi faire, dois-je obéir sans sourciller ? (de tte manière j’ai clairement fait le vide dans mes fréquentations depuis en stipulant aux personnes concernées que ne sachant pas qui était le ou la coupable de cet acte, je ne souhaitais plus prendre de risques et que ma porte leur serait désormais fermée) Dois-je me défendre ? Je n’ai rien contre le propriétaire mais j’ai nettement eu l’impression d’être une gamine de 12 ans qui devait être punie pour l’énorme bêtise qu’elle avait faite et qui n’avais pas ou plus son mot à dire. Et surtout, je suis en formation, ait grand besoin de stabilité et me retrouve prise à la gorge par cette situation, comment savoir si cette situation va s’aggraver, si je dois accepter les conditions et si malgré cela je suis en danger de perdre mon logement ?
    Je tiens à dire que je comprends tout à fait la situation des propriétaires qui s’inquiètent pour la sécurité de leurs biens et des autres locataires. Je ne suis pas une délinquante mais j’ai manqué de discernement certes. Pouvez vous me dire ce que vous pensez de cette histoire s’il vous plait ? Merci. Julie

    • par Solo , Le 17 octobre 2015 à 10:27

      Bonjour Julie,
      Selon la situation que vous estime avoir victime, je pense que vous n est pas obliger d engager une procédure pour te défendre auprès de la justice. D’après moi, il suffit de rester calme sans déranger les autres et de bâtir une nouvelle fois de relation sociale avec tout le monde.
      Désolé pour toutes les fautes d hortographes et tout incohérence caractéristique des phrases, car elle n est pas notre langue maternelle. Pourtant, je veux apprendre beaucoup cette langue si vous pouvez m aider ?

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