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Honoraires d’avocats : quel délai pour la demande tendant à rendre exécutoire l’ordonnance de taxe ?

Par Chloé Blanckaert, Juriste.

1089 lectures 1re Parution: 1 commentaire 5  /5

Explorer : # honoraires d'avocat # délai de prescription # recouvrement de créance # sécurité juridique

Ce que vous allez lire ici :

Les honoraires d’avocats sont régis par une procédure spécifique, nécessitant une ordonnance du président du tribunal pour être exécutoires. La Cour de cassation a clarifié le fait que la demande d'exécution doit respecter le délai de prescription de la créance, évitant ainsi des injustices procédurales.
Description rédigée par l'IA du Village

Dans le cadre de la procédure spécifique de "Contestations en matière d’honoraires et de débours", la demande tendant à rendre exécutoire l’ordonnance du bâtonnier fait l’objet d’une action distincte, devant le premier président du tribunal judiciaire. La Cour de Cassation dans son arrêt du 19 décembre 2024 (Pourvoi n° 23-11.754) est venue préciser le délai dans lequel elle doit être exercée.

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Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont soumises à une procédure particulière. Prévue aux articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, elle confère au bâtonnier compétence exclusive pour trancher tout conflit en la matière pouvant survenir entre un avocat et son client. Sans revenir sur le débat quant à la qualité d’autorité juridictionnelle du bâtonnier lorsqu’il exerce cette mission, l’article 178 du décret précité impose, pour que la décision de celui-ci soit rendue exécutoire, que le président du tribunal judiciaire rende une ordonnance en ce sens sur requête de l’une des parties. Dans son arrêt du 19 décembre 2024 (2e civ., 19 déc. 2024, n° 23-11.754), la Cour de cassation est venue préciser le délai dans lequel cette requête doit être déposée.

Rappel des faits.

Les faits en cause sont anciens et le litige né entre un avocat et des clients (deux sociétés et leur dirigeant) qu’il a défendu jusqu’en 1996. Une ordonnance de taxe fixant les honoraires restant dus est rendue le 1ᵉʳ août 2002 et le 3 décembre 2003, le recours formé contre celle-ci est déclaré irrecevable par le premier président de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. En dépit d’une décision ordinale favorable, l’avocat attendra l’année 2012, et le décès du dirigeant, pour entreprendre le recouvrement de sa créance à l’encontre des ayants droit du défunt. Il fait pour cela signifier une opposition à partage auprès du notaire en charge du règlement de la succession et fait inscrire une hypothèque judiciaire sur divers meubles appartenant aux ayants-droit ou dépendant de la succession.

En 2015, les ayants-droit assignent l’avocat en justice afin d’obtenir la mainlevée des inscriptions d’hypothèques et l’annulation de l’opposition à partage au motif de l’absence de titre exécutoire. De son côté, celui-ci sollicite enfin, près de 13 ans après l’ordonnance du bâtonnier, l’apposition de la formule exécutoire. Sa requête est rejetée par une ordonnance du 19 décembre 2017. Cependant, il fait appel de cette décision et obtient gain de cause auprès de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui, dans son arrêt non contradictoire du 5 avril 2022, rend exécutoire la décision ordinale à un peu moins de quatre mois de son vingtième anniversaire. Les ayants-droit solliciteront la rétraction de cet arrêt, en vain. Dans son arrêt du 6 décembre 2022, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette leur requête. C’est cette dernière décision qui est déférée à l’analyse de la Cour de cassation.

Dans le moyen développé par les ayants-droit (demandeurs au pourvoi), ceux-ci arguent que cette action « doit être regardée comme une action tendant au recouvrement de la créance constatée par l’ordonnance » et, partant, être soumise au même délai de prescription que la créance elle-même. Qu’en l’espèce, que la créance d’honoraires soit soumise à la prescription biennale qui s’applique dans les rapports entre professionnels et consommateurs ou celle de droit commun de cinq ans, l’avocat aurait dû, pour que son action soit recevable, agir selon le cas avant le 19 juin 2010 ou, au plus tard, le 19 juin 2013 [1]. En jugeant, à l’inverse, que cette action n’était soumise à aucun délai de prescription, la cour d’appel a méconnu le principe de sécurité juridique, les articles 2219 et 2224 du Code civil, ainsi que l’article L218-2 [2] du Code de la consommation.

Solution de la Cour de cassation.

Si la Cour de cassation va dans leur sens (reprenant dans son visa les articles 2219 et 2224 du Code civil et L218-2 du Code de la consommation, auxquels elle ajoute l’article 178 du décret précité), son raisonnement va plus loin. Elle rappelle ainsi que, conformément à sa jurisprudence, l’avocat qui souhaite recouvrer ses honoraires doit agir dans le respect du délai de prescription applicable à la nature des relations qui existent entre lui et son client. Elle poursuit en rappelant que « la décision du bâtonnier, qui ne constitue pas une décision à laquelle la loi attache les effets d’un jugement, fût-elle devenue irrévocable par suite de l’irrecevabilité du recours formé devant le premier président de la cour d’appel, ne peut faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée qu’après avoir été rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal judiciaire, seul habilité à cet effet ». Ainsi, et la Haute juridiction insiste sur ce point dans le paragraphe suivant, cette décision ordinale ne constitue pas un titre exécutoire tant que le premier président du tribunal judiciaire n’est pas intervenu pour y apposer la formule sacramentelle comme le prévoit l’article 178 du décret. Par conséquent, n’étant pas un titre exécutoire au sens de l’article L111-3 du Code des procédure civiles d’exécution, elle n’est pas soumise au délai de 10 ans prévu pour leur exécution par l’article L111-4 du même code. La Cour de cassation achève sa démonstration en énonçant que « la demande tendant à rendre exécutoire la décision du bâtonnier doit être présentée dans le délai de prescription de la créance » .

Ce raisonnement fait sens. En effet, si la procédure de "Contestations en matière d’honoraires et de débours" implique deux saisines successives du fait de la nature particulière des décisions du bâtonnier (auxquelles la loi n’attache pas les effets d’un jugement donc), la seconde est l’accessoire de la première et toutes deux concourent au même résultat. Les deux sont donc soumises au même délai de prescription. À l’inverse, la position de la cour d’appel qui considérait que la demande tendant à rendre exécutoire la décision du bâtonnier n’était soumise à aucun délai de prescription, aurait abouti à une solution parfaitement inique, permettant au bénéficiaire d’une décision ordinale favorable de prolonger artificiellement le délai pour recouvrer sa créance et lui conférant par ailleurs un avantage injuste sur les créanciers relevant des procédures classiques.

Paradoxalement, c’est lorsque tout va bien (en l’absence de contestation de l’ordonnance ou d’irrecevabilité de celle-ci) qu’il faudra se montrer d’autant plus attentif et diligent afin ne pas oublier de demander à ce que la décision ordinale soit rendue exécutoire et ce, dans les plus brefs délais (et au plus tard avant la prescription de la créance).

Chloé Blanckaert, Juriste en droit privé.

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Notes de l'article:

[1C. civ., art. 2222.

[2L137-2 ancien.

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Discussion en cours :

  • par S33600 , Le 20 mars à 08:32

    Bonjour,

    Merci pour cet article.
    Comment calcule-t-on le point de départ de la prescription de la créance, svp ??

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