L’épidémie de Covid-19, qui continue de se répandre dans le monde, est un événement d’une exceptionnelle gravité ayant des conséquences sanitaires, économiques et financières affectant l’activité économique et sociale des pays en général et celle des entreprises en particulier [1]. Afin de contenir la propagation du virus, le Maroc a déclaré l’état d’urgence et le confinement sanitaire pour la période du 20 mars au 20 avril 2020 [2].
Un domaine nous interpelle en tant que juristes, est celui du commerce électronique et le sort de celui-ci pendant et après la pandémie. Nous nous efforçons d’introduire le e-commerce afin d’analyser sa situation pendant et après cet état d’urgence sanitaire. Le commerce électronique est certainement un phénomène qui mérite encore aujourd’hui l’étonnement. Pour s’en convaincre, on cherche souvent des preuves. Le commerce électronique est un phénomène économique sans précédent, il a fallu 38 ans pour que 50 millions d’américains aient accès à la radio, 13 ans pour la télévision, 16 ans pour l’ordinateur et seulement 4 ans pour l’Internet. Dans le même temps, le chiffre d’affaires mondial du commerce électronique atteignait dit-on les 350 milliards de dollars en 2002, contre 7 milliards en 1998 [3].
Malgré le début tardif du E-commerce au Maroc en 2007, cette activité a enregistré, un an après (en 2008), un chiffre d’affaires non négligeable de 31 millions de dirhams. Depuis, le secteur affiche des taux de croissance exponentiels et un montant global de 22,9 milliards de dirhams en 2015 [4].
Cependant, la part du E-commerce au Maroc dans le PIB marocain national n’est pas encore assez significative par rapport au commerce traditionnel. A l’instar du commerce électronique au niveau mondial constaté ci-dessus, ce secteur en plein essor au Maroc permettant une offre en ligne de plus en plus riche, n’échappe pas aux contraintes et difficultés spécifiques à la société marocaine. Le savoir et la rapidité, ce sont les codes ou les mots de passe de la révolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication NTICs. Dans ce monde, le plus puissant des pays n’est plus celui qui hyper armé du nucléaire, mais celui qui est le plus rapide d’avoir l’information. Etre donc rapide, c’est être armé des NTICs [5].
Le commerce électronique ou E-commerce n’est qu’un aspect de cette révolution. Il s’agit de l’utilisation des réseaux de télécommunications pour la réalisation des transactions commerciales. Ces transactions en ligne concernent des produits et/ou services de tout genre : on peut trouver ceux qui sont de nature matérielle, c’est-à-dire qu’on peut les quantifier physiquement, et ceux qui sont électroniques, c’est-à-dire, de nature immatérielle [6].
Dans l’opération de transaction en ligne, la bonne foi joue un rôle principal. Pour assurer les textes juridiques doivent y être percutants, au moins à deux niveaux : sécurité de l’information, certification de la signature électronique. De la sorte, il n’y aura aucune différence entre la personne qui achète le produit et/ou service directement du vendeur et qui le fera en ligne. Préserver la confiance des deux parties au cours de la transaction en ligne est une affaire qui revient d’abord au texte qui réglemente l’activité du commerce électronique. Ce texte doit préparer le terrain favorable pour la mise en œuvre de ladite confiance telle qu’elle est envisagée dans les engagements réciproques des deux parties au contrat : contrat électronique. Dès lors que les engagements issus de ce contrat sont valablement formés, ils tiendront lieu de loi à ceux qui les ont faits [7].
De ce fait, ce contrat, peut-on le définir (en l’absence d’une définition explicite par un texte), comme étant un contrat conclu par l’intermédiaire d’un réseau de télécommunication. Et pour garantir sa validité et/ou son authenticité, la conclusion de ce genre de contrats doit respecter toutes les formalités relatives à la qualité des parties, au consentement et à l’objet du contrat telles qu’elles sont prévues dans les textes du droit commun. Dans le cadre du commerce électronique, la conclusion du contrat électronique peut être réalisée (dans le cadre du e-commerce) soit entre commerçant et consommateur (Business to Consumer- B to C), ou entre commerçants (Business to Business - B to B). Sachant qu’il peut être conclu hors le cadre du commerce électronique. On peut avoir des cas où ce contrat est conclu entre consommateur et consommateur (Consumer to Consumer - C to C), ou entre Administration publique et Consommateur (A to C) ou entre Administration publique et Commerçant (A to B), etc. Mais ce qui nous intéresse dans cette étude, c’est le sort du commerçant électronique dans cet état d’urgence sanitaire.
De ce fait, nous nous posons la question de savoir dans quelles mesures le commerce électronique marocain est-il impacté par la Covid-19 ? Pour répondre à notre problématique, nous examinerons successivement les problèmes posés par la réglementation du commerce électronique au Maroc face au Covid-19 (I), ensuite, les perspectives d’une réglementation du commerce électronique face à la pandémie (II).
Néanmoins, nous ambitionnons de montrer, d’une part, les mécanismes par lesquels le concept de maladies émergentes [8] s’impose, dans notre cas, c’est le coronavirus et d’une autre part les nouvelles configurations relatives au commerce électronique, tant dans le monde du commerce électronique, que dans celui des décisions législatives et réglementaires. L’objectif de notre analyse scientifique est de viser les enjeux relatifs à la protection du consommateur dans le commerce électronique tels que les informations communiquées par les entreprises, les pratiques commerciales déloyales, les clauses abusives, la sécurité des paiements en ligne, la protection et la confidentialité des données, le règlement des litiges et les recours ainsi que les transactions électroniques internationales et nationales.
I. Les problèmes posés par la réglementation du commerce électronique face au Covid-19.
« Les temps changent. Au commencement, le juriste voyait dans l’Internet la mort du droit. Aujourd’hui, Internet apporte sa signature à un renouvellement du droit » [9].
L’adoption d’Internet a un impact favorable sur la croissance économique. Rendant presque instantané le transfert d’information, facilitant l’interopérabilité de différents systèmes de gestion et surtout, les rendant accessibles de partout, cette nouvelle technologie a permis l’avènement de relations autrefois difficiles, sinon inexistantes, entre des utilisateurs provenant de tout horizon. Cependant, et dans le cadre de notre étude relatif au commerçant électronique face au Covid-19, nous nous posons la question suivante : Quels sont les principaux freins au développement du e-commerce au Maroc face à la pandémie ? Pour des raisons de méthodologie, nous évaluerons les risques du marché du e-commerce au Maroc (B), après avoir analyser les habitudes de consommation et la confiance numérique (A).
A. Les habitudes de consommation et la confiance numérique.
« Virtually any commercial transaction has within itself an element of trust, certainly any transaction conducted over a period of time. It can be plausibly argued that much of the economic backwardness in the world can be explained by the lack of mutual confidence » [10].
Si certains sites proposent le paiement à la livraison, pour la majorité le règlement s’opère à la commande. Le consommateur est alors un peu perdu dans ses repères, lui, qui a l’habitude d’acquérir le produit tout de suite après le paiement. Tant de questions que peut se poser tout acheteur sur Internet, parce qu’il devient dépendant du marchand et qu’il n’a aucune emprise sur ses actions, le consommateur se place alors dans une situation de vulnérabilité [11]. Tout d’abord, l’essor impressionnant du commerce électronique d’aujourd’hui entraîne que la relation contractuelle existante entre les parties à une acquisition d’un bien ou service, à travers la distribution électronique, puisse être sécurisée dans un cadre juridique adéquat [12].
L’objectif de cette analyse est de prendre en compte les facteurs internes et externes à l’environnement d’étude tout en maximisant le potentiel des forces et des opportunités [13] et en minimisant les effets de faiblesses et des menaces [14]. A cet effet, le Dahir des Obligations et des Contrats du 12 août 1913 a été amendé par l’introduction de nouveau articles tels que l’article 417-1 qui dispose que :
« L’écrit sur support électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier. L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de natures à en garantir l’intégrité ».
Quid de la protection du consommateur dans le commerce électronique tels que les informations communiquées par les entreprises et les pratiques commerciales déloyales ? La nature impersonnelle du commerce électronique affaiblit la relation entre commerçants et consommateurs, ce qui accroît la vulnérabilité de ces derniers. Internet est dès lors, un medium propice aux pratiques commerciales déloyales [15].
Pour cette raison, l’une des principales difficultés dans le cadre du développement du commerce électronique consiste à faire en sorte que les consommateurs fassent confiance aux marchés en ligne. Les commerçants qui se livrent à de telles pratiques trompent les consommateurs quant à la nature des produits en leur fournissant de fausses informations, utilisent des techniques commerciales agressives, sèment la confusion entre les différentes marques et noms commerciaux et se font passer pour des consommateurs pour publier des avis, sur les plateformes en ligne à titre d’exemple. Et ce, en vue d’obtenir un avantage par rapport à des concurrents qui offrent des biens et services de meilleure qualité, ou pratiquement des prix abusivement bas, les commerçants peuvent tromper les consommateurs en exagérant la qualité ou en donnant une fausse représentation des caractéristiques de leurs produits ou services. Le cadre législatif marocain, notamment la loi n°31-13 définit les règles applicables en ce qui concerne la délivrance d’informations loyales, claires et transparentes [16].
Quid des clauses de contrat abusives ? les clauses d’un contrat définissent les droits et les obligations des parties. L’article 29 de la loi n°31-08 [17] promeut de communiquer aux consommateurs « de manière claire et compréhensible, par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisé ... ». En outre, la loi n°53-05 relative à l’échange électronique de données juridiques, « le fournisseur doit, avant la conclusion de contrat, rappeler au consommateur ses différents choix et lui permettre de confirmer sa demande ou de la modifier selon sa volonté ». Nous remarquons que le législateur marocain encourage les entreprises à communiquer des informations complètes, claires et non trompeuses sur les biens et les services, les modalités, les conditions générales de ventes, et à veiller à ce que ces informations soient aisément accessibles, quelle que soit la technologie employée.
La loi 43-20 relative aux services de confiance pour les transactions électroniques offre un cadre légal approprié pour la sécurisation des transactions conclues à distance, en ce qu’elle permet aux utilisateurs - et aux entreprises - des services de confiance, d’utiliser des outils nouveaux tels que le cachet électronique, de l’horodatage électronique, des services de transmission électronique sécurisée et de la vérification des sites Web, dans l’accomplissement de leurs actes passés à distance.
Qu’en est-il maintenant de la sécurité des paiement en ligne [18] ? Les systèmes de paiement en ligne et par mobile posent des problèmes aux consommateurs dans la mesure où ils s’exposent à des risques en matière de sécurité. Toutefois, des tiers non autorisés peuvent accéder aux données des consommateurs sans que ces derniers en soient informés, et par conséquent, aient donné leur consentement.
Nous invitons à cet effet le gouvernement ainsi que les parties prenantes à mettre en place des niveaux minimums de protection des consommateurs dans le cadre des paiements associés au commerce électronique, en s’inspirant de la déclaration de la RICPC qui encourage les acteurs à respecter quatre principes en vue de garantir la protection pour tous les types de services de paiement et nous citons :
« la promotion de mécanismes de sécurité suffisants ; la non responsabilité du consommateur pour les transactions non autorisées ; une limitation de la responsabilité du consommateurs pour les transactions non autorisées en fonction du degré de négligence du consommateur ; et enfin, la communication d’informations claires et adéquates aux consommateurs, pour les modalités des transactions et également, pour les mécanismes de recours ».
B. La transposition de certaines règles de la Lex electronica dans les lois marocaines : évaluation des risques.
Nous sommes face à deux problématiques, qu’en est-il de la protection et de la confidentialité des données ? et quid des mécanismes de recours ?
Le Maroc s’est doté de la loi n°09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des données à caractère personnel. Cette loi s’est directement inspirée des Directives n°95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données [19], ainsi que la Directive n°2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques [20].
Les tenants et les aboutissants d’une telle adoption est le développement de la confiance [21]. De surcroît, la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel a vu le jour (CNDP) [22].
Le dispositif légal actuel énumère les droits de l’individu, à savoir le droit à l’information qui consiste en l’obligation pour le responsable de traitement de fournir certaines informations sur l’utilisation des données collectées (sauf pour les traitements qui intéressent la sûreté de l’Etat ou la sécurité publique dont le « Contact tracing »), le droit d’opposition pour des motifs légitimes (sauf si le traitement répond à une obligation légale), le droit d’accès qui est le droit pour la personne concernée de réclamer de la part du responsable de traitement la consultation de certaines informations portant sur ses données personnelles et sur le traitement de ses données, le droit de rectification qui consiste en la possibilité pour la personne concernée de demander la rectification, l’efficacement ou le verrouillage des données qui sont incomplètes ou inexactes, le droit de définir des directives relatives à la conservation, l’effacement et la communication de ses données à caractère personnel après son décès, les exigences de proportionnalité et de limitation, obligations de loyauté, de collecte pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, proportionnalité de la collecte aux finalités, exactitude des données, limitation de la durée de conservation et sécurité des données [23].
Ensuite, concernant le droit de la consommation, l’article 2 alinéa 1 de la loi n°31-08 définit le consommateur comme suit :
« … toute personne physique ou morale qui acquiert ou utilise pour la satisfaction de ses besoins non professionnels des produits, biens ou services qui sont destinés à un usage personnel ou familial ».
L’article 6 du règlement de « Rome I » définit le consommateur comme la personne physique qui contracte pour un usage étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne, le professionnel agissant dans l’exercice de son activité professionnelle. En principe, les contrats de consommations sont régis par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le consommateur a sa résidence habituelle ou bien dirige cette activité, par tout moyen vers ce pays ou vers plusieurs, dont ce pays.
Les rédacteurs du règlement ont ainsi pris soin d’actualiser et d’élargir le régime protecteur des consommateurs. Les nouveaux mécanismes introduits visent bien évidemment le commerce électronique [24]. Cet élément est à prendre en compte notamment lors de l’établissement des conditions générales de vente « CGV », qui ne peuvent donc déroger aux règles protectrices d’un consommateur qui sont en vigueur dans un autre pays. Il faut noter en effet, que si l’article 6.2 du règlement donne la possibilité aux parties de choisir la loi applicable à un contrat de consommation, en vertu de l’article 3 (ce qui donne en pratique le choix au professionnel d’imposer son contrat-type) « ce choix ne peut cependant avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base du paragraphe 1 » c’est-à-dire la loi de sa résidence habituelle. La LCEN prévoit une dérogation identique [25].
En parlant de la LCEN, le législateur marocain a également mis en place un dispositif pénal adéquat, celui-ci, conscient du développement de l’usage des technologies de l’information et soucieux d’instaurer un climat de confiance numérique, le législateur marocain a modifié et complété le Code pénal en adoptant la loi n°07-03, promulguée par le dahir n°1-03-197 du 16 ramadan 1424 (11 novembre 2003.- BORM n°5184, 5 février 2004) qui réglemente les infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé des données.
De surcroît, et dans le même prolongement des idées, les transactions sur Internet se font entre des entreprises et des consommateurs « B to C » relevant de différentes juridictions dans lesquelles les principales caractéristiques du commerce électronique peuvent ne pas être régies par les mêmes règles et qui peuvent ne pas disposer de cadres spécifiquement applicables à la vente et à l’achat de biens et de services en ligne et/ou des moyens leur permettant de lutter contre les commerçants non fiables, que ce soit au niveau national ou international [26].
Outre ces informations, l’ensemble des initiatives lancées par le MCINET [27] au niveau national ont eu pour mission de développer l’économie numérique et assoir le positionnement du Maroc en tant qu’acteur de développement de l’industrie des TIC. Le commerce électronique est en train de révolutionner progressivement les canaux de vente habituels et ouvre une voie d’accès à de nouveaux marchés aux entreprises marocaines.
De plus, il a permis d’améliorer considérablement les rapports entre les différents acteurs notamment grâce à la facilitation et l’implication des processus d’accès et d’échanges de l’information à travers le e-commerce, l’e-paiement et l’e-gouvernement [28]. Cependant, l’épidémie du Covid-19 entraîne des restrictions de déplacement et impacte l’activité personnelle et professionnelles dans plusieurs régions dans le monde dont le Maroc.
Ces changements ont déjà des effets significatifs dans la distribution [29] et l’e-commerce au niveau du globe.
Plusieurs challenges peuvent être rencontrés lors de la mise en place et de l’implémentation d’une plateforme de e-commerce. Lors de l’instauration de portails d’e-commerce, l’une des principales difficultés rencontrées réside dans le processus de création d’une plateforme sécurisée de paiement [30] en ligne [31].
Ces défis rencontrés sont souvent d’ordre technologique « utilisation de technologies cryptées de pointes », social « éducation des consommateurs à l’utilisation de sites de transactions en lignes » et liés au paiement « nombre limité d’utilisateurs de carte de crédit en ligne » [32]. En outre, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement « CNUCED » nous renseigne sur l’ensemble des facteurs qui entravent le développement du e-commerce, qui sont sous forme de barrières économiques, socio-politiques et cognitives. Pour la CNUCED, la propagation du coronavirus est certes avant tout une urgence de santé publique, mais aussi une menace économique importante.
II. Les perspectives d’une réglementation du commerce électronique face à la pandémie du Covid-19.
« Pour l’e-commerce on n’en est qu’au début du début » [33].
La menace posée par le Covid-19 a entraîné un changement important dans le mode de vie et les habitudes des consommateurs, le commerce électronique connaît dès lors une croissance rapide. Le coronavirus change complètement la vie quotidienne des consommateurs et des entreprises. L’incertitude continue de croître, les consommateurs voient les achats en ligne comme un moyen fiable d’approvisionnement. Il reste à voir comment se positionne le Maroc en tant qu’acteur du e-commerce face à la pandémie ? autrement, est-ce que le commerce électronique va tirer un avantage de la propagation du coronavirus ? Nous examinerons successivement les opportunités du marché du commerce électronique (A), ensuite, les pistes de développement et les perspectives de celui-ci (B) en vue de surmonter les lacunes susmentionnées ci-dessus.
A. Evaluation des opportunités du marché du e-commerce.
Avec plus de 500 millions de personnes confinées dans le monde et 850 millions d’enfants ne pouvant se rendre à l’école, Internet est grandement sollicité. Plongé dans une période de confinement inédit et un couvre-feu limitant la circulation des personnes et des services, les marocains ont changé de comportements et se tournent peu à peu vers les achats en ligne.
La révolution numérique se présente aujourd’hui comme une véritable opportunité pour les pays en développement vu qu’elle leur offre des perspectives sans précédent de croissance économique et de développement. Conscient des chances de développement qu’offrent les NTICs, le Maroc a décidé de ces nouvelles technologies un instrument de compétitivité de l’économie nationale à travers la sensibilisation et la promotion de l’utilisation de l’information [34].
La crise du Covid-19 a donné lieu à une explosion du trafic internet. Plusieurs secteurs ont profité de la situation actuelle et ont augmenté leurs ventes en lignes, les commerçants en ligne adoptent des stratégies de commerce électronique contre le coronavirus et réalisent ainsi, une multitude de campagnes promotionnelles et de remises afin de récupérer les clients et d’attirer de nouveaux utilisateurs, et aussi, afin de se rapprocher des clients qui ne peuvent pas faire confiance à l’e-paiement, le Maroc adopte une stratégie de commande en ligne et de paiement à la livraison. La relation client est essentielle. Dans le e-commerce, la relation client utilise différents canaux et peut être optimisée grâce à la connaissance client. Le site de commerce électronique est le point de départ, celui-ci va suivre des règles précises d’organisation, de promotion et de marchandisage d’une unité commerciale virtuelle, mais il ne peut fonctionner seul sans service client [35].
Parlant du cadre réglementaire, depuis que le Maroc s’est doté de la loi n°31-08 édictant des mesures de protection du consommateur, une formulation juridique est venue enrichir la liste des activités de distribution connues du droit commercial, nous parlons ainsi de la vente à distance « VAD ». Il s’agit d’un contrat de vente conclu à distance qui va mettre en relation, d’une part, un fournisseur ayant la qualité de commerçant et d’autre part, un consommateur dont l’acte d’achat peut ne pas constituer un acte de commerce bien qu’il puisse être commerçant de profession [36].
Ainsi, l’article 25 de la loi n°31-08 considère le contrat de VAD comme la convention établie par « une technique de communication à distance », c’est-à-dire par « tout moyen utilisé pour la conclusion d’un contrat entre un fournisseur et un consommateur sans la présence simultanée des parties ». La formulation générale du législateur permet une large interprétation de « tous moyens » mis en œuvre pour la conclusion de ce type de contrat. Il peut s’agir de techniques de communication électronique régies par la loi n°53-05 relative à l’échange électronique de données juridiques ou de tout autre moyen de communication comme le téléphone, la radio, la télévision, la poste, etc… pourvu que les parties soient physiquement éloignées lors de la formation du contrat. Nous nous permettons de dire, que le législateur marocain a pris les mesures nécessaires pour encadrer soigneusement les transactions en ligne entre les entreprises électroniques et les cyberconsommateurs.
Le Coronavirus a été bénéfique pour les ventes en ligne en raison de la préférence des consommateurs pour les achats en ligne, les entreprises de commerce électronique voient une opportunité dans la mesure où les acheteurs recherchent actuellement des alternatives dans leurs achats des produits spécifiques, les commerçants électroniques portent attention aux campagnes publicitaires.
B. Recommandations.
Des questions se posent inévitablement sur la meilleure façon de faire face aux conditions commerciales actuelles et d’adapter les stratégies des entreprises. La pandémie du Coronavirus est si nouvelle, les circonstances évoluent de façon rapide et quotidienne. La pandémie a déjà un impact sur le comportement des consommateurs, ces derniers passent de l’achat hors ligne à l’achat en ligne.
Le commerce électronique est caractérisé par sa rapidité, qui, malgré les lois qui régissent ce domaine, de nouveaux problèmes naissent avant que le cadre juridique ne les attrape. De ce fait, et en s’inspirant des recommandations de l’OCDE sur la protection du consommateur dans le commerce électronique, nous encourageons les entreprises à protéger la vie privée des consommateurs en utilisant un ensemble de mécanismes de contrôle, de sécurité, de transparence et de consentement pour la collecte et l’usage de leurs données personnelles, contre les fraudes et les abus.
Nous saluons les progrès réalisés dans la numérisation du secteur public, l’intégration progressive de l’utilisation des technologies numériques dans les processus internes du secteur public pour devenir plus agile et fonctionnel afin d’améliorer ainsi la prestation de services publics. Le rapport du plan d’accélération industrielle reconnaît l’importance d’intégrer les technologies numériques de manière plus cohérente et durable en vue de répondre aux exigences des citoyens et des entreprises en terme de simplicité, d’efficacité et d’ouverture dans l’interaction avec le secteur public [37].
Favoriser la confiance numérique des consommateurs a toujours été un élément central des débats consacrés au commerce électronique lors des forums internationaux. Et d’après les réponses données à un questionnaire de la CNUCED sur la protection du cyberconsommateur, les principales mesures susceptibles de favoriser la confiance sont la mise en place et application d’un cadre juridique approprié, dont nous avons des lois relatives aux transactions par carte de crédit, la concurrence, la vente à distance, les télécommunications et la concurrence déloyale.
Un élément important se rajoute, est celui de « l’éducation du consommateur ». L’éducation des cyberconsommateurs devrait aller au-delà de la seule sensibilisation à leurs droits et obligations et viser à prévenir les pratiques nocives telles que les fraudes et les escroqueries, et des stratégies appropriées devraient être élaborées pour ce faire [38].
Conclusion.
Nous sommes en train de vivre une nouvelle révolution du travail. Après celle appelée industrielle, nous entrons dans celle du numérique permettant aux outils d’interagir avec notre cerveau pour traiter et échanger des informations, manipuler les médias, rendre les objets virtuels, créer des robots intelligents et demain, qui sait ? Nous marchons vers une nouvelle ère où pouvoir travailler à distance grâce aux technologies de l’information va modifier en profondeur notre manière d’appréhender nos conditions de vie [39]. Dès à présent, grâce aux technologies de l’information et de la communication TIC, le travail derrière un écran peut s’effectuer n’importe où [40].
De surcroît, la dématérialisation est aujourd’hui le nouveau nom de l’informatique. Nous témoignons au traitement automatisé de l’information. La dématérialisation englobe bien le e-commerce, e-administration, réseaux sociaux, contractualisation en ligne, fluidification des échanges et partage des connaissances. Elle est un outil indispensable pour les particuliers, les administrations et les entreprises [41].
De ce fait, et avec la crise sanitaire actuelle, le e-commerce au Maroc connaît une véritable explosion. La recherche sur Internet reflète le comportement humain, le Coronavirus Covid-19 affecte chaque industrie différemment, dont le e-commerce.
La crise sanitaire a accéléré l’adoption de solutions, d’outils et de services numériques, cependant, l’impact global sur la valeur du commerce électronique est encore difficile à prévoir [42].
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