Licenciement sans cause d’un Directeur de Production, intermittent du spectacle de BO TRAVAIL ! requalifié en CDI.

Par Frédéric Chhum et Camille Bonhoure, Avocats.

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Explorer : # requalification de contrat # licenciement abusif # travail dissimulé # indemnités

Dans un jugement du 3 février 2017, le Juge départiteur du Conseil de prud’hommes de Paris a requalifié les CDD d’usage d’un Directeur de Production en CDI à temps plein et a condamné la société à payer 25.000 euros de rappels de salaires, 28.000 euros d’indemnité de travail dissimulé et a requalifié son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le Directeur de Production obtient au total 118.000 euros bruts.

BO Travail ! a interjeté appel du jugement.

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1) Les faits

Monsieur X a été engagé par la société de production audiovisuelle BO TRAVAIL ! à compter du 20 novembre 2006 en qualité de Directeur de Post-Production, puis en qualité de Directeur de Production sous CDD d’usage.

A compter du 1er septembre 2013, Monsieur X a été intégré en CDI à temps plein au sein de BO TRAVAIL.

Par lettre du 15 mai 2013, Monsieur X a été convoqué à un entretien préalable pour le 22 mai 2013, avec mise à pied conservatoire.

Le 27 mai 2013, Monsieur X s’est vu notifier son licenciement pour fautes graves.

2) Sur la requalification des CDD d’usage en CDI : un intermittent du spectacle permittent

Le juge départiteur a particulièrement motivé sa décision.

Il rappelle qu’en vertu de l’article L.1242-12 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

2.1) Rappel de salaires pour les jours travaillés et non payés : permittence, or not permittence ?

En l’espèce, Monsieur X fonde sa demande de requalification sur la circonstance que, durant la relation de travail non couverte par la prescription quinquennale, 290 jours de travail ne lui ont pas été payés ; il souligne en effet que si des CDD d’usage étaient conclus pour quelques jours par mois, il travaillait en réalité à plein temps, cinq jours par semaine.

Il versait aux débats pour le démontrer environ 650 mails, dont BO TRAVAIL ! indique qu’ils n’apportent pas la preuve d’une présence du salarié dans l’entreprise, ni a fortiori une mise à disposition permanente.

BO TRAVAIL ! plaidait que Monsieur X a pu, pendant ses années de collaboration, disposer d’un ordinateur portable avec lequel il pouvait émettre et recevoir des courriels tous les jours sans que cela puisse impliquer, ni démontrer une présence dans l’entreprise au quotidien.

Le juge départiteur a cependant estimé que la lecture des courriels produits confirme en réalité que Monsieur X travaillait tous les jours pour l’entreprise ; la circonstance qu’il ait pu le faire hors de l’entreprise, par le biais d’un ordinateur portable, n’étant pas « exclusive d’une mise à disposition du salarié le temps nécessaire à l’envoi ou à la réponse d’un courriel ».

Bo Travail ! est condamnée à payer 25.000 euros de rappels de salaires et 3.000 euros d’indemnité de requalification.

Le juge départiteur requalifie les CDD d’usage du Directeur de Production en contrat à durée indéterminée, à compter du 29 novembre 2006, date du premier contrat conclu entre les parties.

Par ailleurs, le juge départiteur a évalué souverainement le montant des rappels de salaires dus à Monsieur X du fait des jours travaillés et non payés.

2.2) Travail dissimulé

En outre, le juge départiteur relève que la société BO TRAVAIL ! avait déclaré Monsieur X un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli et que l’employeur ne pouvait ignorer ce fait.

BO TRAVAIL ! est condamnée à payer au Directeur de Production 28.000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.

3) Le licenciement pour fautes graves du Directeur de Production est jugé sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de la lettre de licenciement fixant les termes du litige, il était notamment reproché à Monsieur X une négligence dans la gestion d’un documentaire, ayant pour conséquence la perte de confiance de la réalisatrice.

Le juge départiteur estime le licenciement du Directeur de Production de BO TRAVAIL ! sans cause réelle et sérieuse, compte tenu du caractère isolé de ce grief, de l’absence de preuve du préjudice qui en serait résulté pour la société et de l’ancienneté de la relation de travail, il ne pouvait justifier un licenciement pour fautes graves ou même pour cause réelle et sérieuse.

En outre, concernant les autres griefs reprochés à Monsieur X, le juge départiteur a constaté que, « d’une façon générale, soit les griefs visés dans la lettre de licenciement ne sont pas établis, soit aucun élément ne permet de les rattacher au demandeur et en particulier de déterminer en quoi les tâches visées entraient dans ses attributions, soit enfin sont d’une trop faible gravité pour justifier le licenciement ».

BO TRAVAIL ! doit payer à son Directeur de Production une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité conventionnelle de licenciement ainsi que 38.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le juge départiteur ordonne aussi à BO TRAVAIL ! le remboursement à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à hauteur de 4 mois d’indemnités, en application de l’article L.1235-4 du Code du travail.

Le jugement est assorti de l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du CPC.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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