L’irrégularité de l’avis du ministre devant la CNAC : les assouplissements du Conseil d’Etat.

Par Cyrille Tchatat, Avocat.

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Explorer : # irrégularité administrative # conseil d'État # procédure administrative # urbanisme commercial

Le vice tiré de l’incompétence du signataire de l’avis du Ministre n’est pas nécessairement de nature à entacher d’illégalité la décision prise par la CNAC statuant en matière cinématographique.

CE 25 mars 2013 Société Ecran Sud, req. n° 353427

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Dans sa décision du 25 mars 2013, le Conseil d’Etat juge que :

« Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ;

5. Considérant que si la société requérante soutient que le directeur du cabinet du ministre de la culture n’était pas compétent pour signer, au nom du ministre, l’avis transmis à la Commission nationale d’aménagement commercial par lequel le ministre s’appropriait, comme il pouvait le faire, l’analyse de la directrice du Centre national du cinéma et de l’image animée, il ressort des pièces du dossier que, en l’espèce, cette irrégularité, à la supposer établie, est en tout état de cause restée sans influence sur la légalité de la décision attaquée et n’a pas privé les intéressés d’une garantie ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que l’avis du ministre chargé de la culture aurait été irrégulièrement émis doit être écarté » (CE 25 mars 2013 Société Ecran Sud, req. n° 353427)

Bien que rendue en matière cinématographique, la décision du 25 mars 2013 s’applique à l’ensemble des décisions de la CNAC, dès lors qu’elle vise l’article R 752-51 du Code de commerce selon lequel « (…) Le commissaire du gouvernement recueille les avis des ministres intéressés, qu’il présente à la commission nationale ».

Pour la première fois, le Conseil d’Etat applique la position dégagée dans son arrêt « M. Claude A » à l’urbanisme commercial.

Dans cet arrêt, la Haute Juridiction avait considéré que :

« un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte » (CE Ass. 23 décembre 2011 M. Claude A. req. n° 335033, publié au Rec. CE).

Dans cette décision du 23 décembre 2011, la Haute Juridiction aligne le régime des procédures administratives préalables, qu’elles soient suivies à titre obligatoire ou facultatif, pour juger que le vice affectant leur déroulement, sauf si l’omission d’une procédure obligatoire affecte la compétence de l’auteur de l’acte, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il a été susceptible d’exercer en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s’il a privé les intéressés d’une garantie. Et, cette décision, de portée générale, vaut pour tous les vices de procédure.

Par sa décision du 25 mars 2013, la Haute Juridiction assouplit donc considérablement la position adopté dans son arrêt « Bricoman » par lequel elle a jugé que :

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, sur le fondement des dispositions de l’article R. 752-51 du code de commerce, le commissaire du gouvernement près la Commission nationale d’aménagement commercial a sollicité l’avis des ministres intéressés, en particulier celui du ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur la demande d’autorisation présentée par la SCI BRICOMAN FRANCE et la SOCIETE BRICOMAN ; qu’un tel avis est au nombre des actes dont la validité est subordonnée à la signature par une personne habilitée à engager le ministre concerné ; qu’en l’espèce, l’avis de ce ministre a été rendu par une note du 5 février 2009, à en-tête du directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature de ce ministère, signée « pour ordre » par l’adjoint du chef de bureau de la planification urbaine et rurale et du cadre de vie ; que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, il ne résulte ni des dispositions du décret du 27 juillet 2005, ni d’aucune autre disposition règlementaire que l’adjoint de ce chef de bureau bénéficie d’une délégation de signature l’habilitant, à raison de l’exercice de ses responsabilités, à signer les avis ministériels destinés à la commission nationale ; que, dès lors, la SCI BRICOMAN FRANCE et la SOCIETE BRICOMAN sont fondées à soutenir que la décision attaquée a été adoptée au terme d’une procédure irrégulière et à en demander l’annulation » (CE 15 décembre 2010 Sté Bricoman, req. n° 327993).

Ainsi, quand bien même une consultation obligatoire constitue toujours une formalité substantielle, les irrégularité susceptibles de l’entacher ne vicient pas constituent pas toujours la procédure.

Il convient de souligner que la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux avait déjà adopté la position dégagée dans l’arrêt « M. Claude A » pour écarter l’irrégularité tiré du vice affectant l’avis émis par une CCI dans le cadre de l’instruction d’une demande d’autorisation d’exploitation commerciale, en jugeant que :

«  Considérant qu’en réponse à la demande d’observations qui lui a été adressée par l’administration, la chambre de commerce et d’industrie de Libourne a remis un document émanant du service « Etudes et Développement local », établi sur papier à en-tête de l’établissement ; que la chambre des métiers de la Gironde a pour sa part, adressé un document émanant de son service de développement économique ; qu’à titre liminaire, sur la première page de ces documents, il est indiqué « cet avis sur l’étude d’impact expose des éléments techniques objectifs et ne constitue pas une prise de position » de ces organismes par rapport au projet ; que, toutefois, ces documents, après une partie descriptive de la demande, ainsi que des observations sur le projet litigieux, énoncent les éléments positifs et négatifs du projet ; qu’il est constant que les documents dont s’agit, qui sont notamment visés par l’autorisation d’extension du centre commercial attaquée, ont été pris en compte pour l’instruction de la demande ; qu’il n’est pas établi, ni même allégué, qu’ils résulteraient d’une délibération de l’assemblée générale de la chambre de commerce et d’industrie ni de celle de la chambre des métiers ; que, dès lors, ces avis ont été émis dans des conditions irrégulières ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’irrégularité alléguée aurait exercé une influence sur le sens de la décision litigieuse, prise par la CDEC de la Gironde ; que, par suite, c’est à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de ce que la décision litigieuse a été prise à la suite d’une procédure irrégulière  » (CAA bordeaux 1er mars 2012, Sté distribution casino France, req. n° 11BX01312).

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