Il est acquis que lorsqu’un voisin subit un trouble causé par un autre, il peut demander réparation à ce dernier. Un copropriétaire subissant un dégât des eaux pourra par exemple en demander réparation au voisin à l’origine de la fuite.
Plus délicat est de déterminer si le preneur d’un local, soumis au régime de droit commun des articles 1714 et suivants du Code civil, subissant des désordres du fait d’un voisin (donc d’un tiers), peut choisir d’obtenir réparation directement auprès de son bailleur.
Au regard des dispositions de l’article 1725 du Code civil, la réponse est négative :
« Le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d’ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel ».
Il a été jugé que le copropriétaire fautif est, à l’égard du bailleur, autre copropriétaire, un tiers au sens de l’article 1725 du Code civil. Il en résulte que le bailleur n’est pas responsable des infiltrations d’eau dans les lieux loués en provenance de l’appartement du dessus (Cour de cassation, Chambre civile 3, du 25 mars 1998, 96-10.119, Publié au bulletin).
Lorsque le fait du tiers atteint la matérialité de la chose et que le trouble de jouissance, conséquence de cette atteinte, est seulement indirect, il a pu être débattu de la question de savoir si le preneur pouvait faire valoir que l’atteinte est d’un degré tel que le bailleur est défaillant dans son obligation de délivrance (article 1719 du Code civil).
Le texte de l’article 1725 exclut sans réserve la garantie du bailleur en cas de trouble émanant d’un tiers, sans faire de distinction en fonction de l’incidence plus ou moins directe de la voie de fait sur la jouissance du preneur. Il n’y a donc pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, ce qu’a clairement confirmé la Cour de cassation dans un arrêt publié au bulletin (Cour de cassation, 3ᵉ chambre civile, 28 juin 2020, n° 98-20.406) :
« Attendu selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 29 juin 1998) que la société Les Buissons d’Eglantines, preneur à bail de locaux à usage commercial appartenant à Mme X..., a assigné celle-ci en réparation, à la suite d’infiltrations affectant les lieux loués dues à la rupture d’une canalisation du réseau d’eaux pluviales, que pour accueillir cette demande, l’arrêt retient que le fait du tiers qui porte sur la substance même de la chose louée, n’atteint, par l’humidité qu’il a provoquée, que de façon indirecte la jouissance du locataire et que par la tardiveté des moyens mis en place pour remédier aux désordres, la bailleresse n’a pas mis en œuvre tout ce qui était en son pouvoir pour permettre à la société Les Buissons d’Eglantines une jouissance paisible des lieux donnés à bail.
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la Compagnie des eaux et de l’ozone, gérant pour la commune le réseau d’eaux pluviales, était à l’origine du trouble, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Dans les rapports entre preneur et bailleur, c’est donc bien le preneur qui doit prendre en charge le coût des travaux, et, le cas échéant, en obtenir réparation auprès du tiers fautif.