Licenciement d’un manager sportif s’entrainant à titre privé dans une salle de sport concurrente = licenciement sans cause.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Elise de Langlard, Juriste.

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Ce que vous allez lire ici :

Un manager sportif licencié pour avoir partagé des images d'un entraînement dans une salle concurrente durant son jour de repos a vu sa plainte rejetée par la cour d'appel. Cependant, la Cour de cassation a annulé cette décision, affirmant que ses actes relevaient de sa vie personnelle, sans impact sur l’entreprise.
Description rédigée par l'IA du Village

La Cour de cassation, dans un arrêt du 23 octobre 2024 (23-18.381), a confirmé une ligne jurisprudentielle essentielle en droit social : un employeur ne peut invoquer un motif tiré de la vie personnelle d’un salarié pour justifier un licenciement disciplinaire, sauf en cas de manquement à une obligation explicite découlant du contrat de travail.

Cet arrêt marque une étape dans la protection des droits des salariés, sur la question de l’obligation de loyauté.

Cette décision doit être saluée.

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I. Faits.

Un manager sportif au sein de la société C2LV, enseigne Fitness Park Evreux, avait été licencié pour faute grave en mars 2020.

L’employeur reprochait au salarié d’avoir participé à une séance d’entraînement dans une salle de sport concurrente durant son jour de repos, d’avoir diffusé des images de cette séance sur les réseaux sociaux, et d’avoir ajouté des commentaires élogieux sur ces publications.

Estimant que ces actions constituaient un manquement à son obligation de loyauté, portant atteinte aux intérêts de l’entreprise, l’employeur avait jugé ce comportement incompatible avec la poursuite de la relation de travail.

De son côté, l’employé avait contesté son licenciement devant les juridictions prud’homales, arguant que ces faits relevaient de sa vie personnelle et ne justifiaient pas une sanction disciplinaire.

La Cour d’appel de Rouen, saisie de l’affaire, avait donné raison à l’employeur.

Elle avait considéré que le comportement du salarié, en promouvant indirectement un concurrent, constituait un manquement grave à son obligation de loyauté. Pour les juges du fond, ce comportement rendait impossible la poursuite du contrat de travail, justifiant ainsi un licenciement pour faute grave.

En conséquence, le salarié avait été débouté de ses demandes d’indemnités pour licenciement sans cause.

Il s’est pourvu en cassation

II. Moyen.

Le salarié fait grief à l’arrêt de dire que son licenciement était justifié par une faute grave et de le débouter de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement et du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, alors

« qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ou se rattache à la vie professionnelle ».

III. Solution de la Cour de cassation.

Au visa de l’article L1121-1 du Code du travail, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Rouen.

Ce texte pose le principe selon lequel les restrictions aux libertés individuelles des salariés ne sont légitimes que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Dès lors, un fait tiré de la vie personnelle d’un salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement direct à une obligation découlant de son contrat de travail.

Selon la cour, les actes reprochés au salarié relèvent de sa vie personnelle.

En effet, participer à une séance sportive dans une salle concurrente et en partager les images sur les réseaux sociaux, même avec des commentaires élogieux, ne peut être interprété comme une méconnaissance des obligations contractuelles et une violation de l’obligation de loyauté, dès lors que ces actes, bien qu’ils aient un lien indirect avec l’activité professionnelle, relèvent de la sphère privée et ne portent pas atteinte à l’activité de l’employeur, donc ne suffisent pas à constituer une faute grave justifiant un licenciement disciplinaire.

IV. Analyse.

La Cour de cassation rappelle que la protection des droits fondamentaux des salariés, notamment leur vie privée, demeure une priorité dans le droit du travail français.

Cette jurisprudence s’inscrit dans une lignée d’arrêts, notamment un arrêt de l’assemblée plénière du 22 décembre 2023 [1], selon laquelle les restrictions aux libertés des salariés dans leur vie personnelle doivent être proportionnées et strictement justifiées.

Ainsi, cette jurisprudence, visant à préserver l’équilibre entre les attentes légitimes des employeurs et les droits fondamentaux des travailleurs, renforce la frontière entre vie personnelle et professionnelle, tout en rappelant aux employeurs les limites de leur pouvoir disciplinaire.

En effet, bien que l’obligation de loyauté puisse justifier certaines restrictions, notamment pour des salariés qui occupent des fonctions sensibles, celles-ci doivent être proportionnées au risque ou au préjudice allégué.

Dès lors, cette obligation ne peut s’étendre à des actes relevant de la sphère privée, sauf s’ils ont un impact direct et démontré sur l’entreprise ou si le salarié est soumis à une obligation particulière découlant de son contrat.

Par cette décision, la cour souligne l’importance de ne pas instrumentaliser l’obligation de loyauté pour sanctionner des comportements privés, sauf si ces derniers compromettent clairement l’intérêt des employeurs ou violent une obligation contractuelle explicite.

En l’espèce, aucun élément ne démontrait que l’entraînement du salarié dans une salle concurrente avait porté atteinte aux intérêts de l’entreprise. Le simple fait de publier une vidéo sur un réseau social, même assortie de commentaires élogieux, relevait de l’exercice de ses libertés personnelles.

L’employeur ne pouvait donc valablement recourir au licenciement disciplinaire sur ce fondement.

Par ailleurs, la Cour de cassation a estimé qu’aucune clause spécifique ou conséquence préjudiciable pour l’employeur n’avait été démontrée. Elle protège ainsi la liberté des salariés dans la gestion de leur vie personnelle, même lorsque leurs actions sont rendues publiques via les réseaux sociaux.

La Cour d’appel de Rouen a donc violé l’article L1121-1 en considérant que ces faits constituaient une faute grave.

En conclusion, cet arrêt s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle visant à protéger les salariés contre les abus disciplinaires fondés sur des éléments de leur vie personnelle.

La Cour de cassation réaffirme ici l’importance de respecter le principe de proportionnalité, garantissant ainsi un juste équilibre entre les droits des employeurs et les libertés fondamentales des travailleurs.

Sources :

Cass. soc., 23 octobre 2024, n° 23-18.381
Licenciement d’un cadre dirigeant pour l’envoi de messages privés à caractères sexuels = licenciement nul pour violation de la vie privée.

Frédéric Chhum, avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
Elise de Langlard juriste

Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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[1Cass. ass. plén., n° 21-11.330.

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