La loi N°2010-476 du 12 mai 2010 a ouvert à la concurrence les paris sur les courses hippiques en ce qu’ils sont proposés en ligne. Toutefois, le PMU avait constaté que des sociétés étrangères de paris en ligne (UNIBET INTERNATIONAL LIMITED, UNIBET LONDON LIMITED et GLOBAL ENTERTAINMENT ANTIGUA LIMITED) utilisaient ses marques précitées depuis 2008 pour proposer des paris sur des courses hippiques se déroulant en France. Il les assigna donc notamment en contrefaçon.
Les défenderesses contestèrent la validité des marques qui leur étaient opposées principalement aux motifs qu’elles auraient été déposées de mauvaise foi et subsidiairement qu’elles étaient dénuées de caractère distinctif.
Ce second moyen était particulièrement prometteur. En effet, les marques SIMPLE, COUPLÉ, TRIO, TIERCÉ, QUARTÉ+, QUINTÉ+, 2SUR4 et MULTI avaient été déposées entre 2001 et 2008. Or ces dénominations servent à désigner chacune un type de pari hippique particulier défini par arrêtés du Ministère de l’Agriculture intervenus entre 1887 et 2001. Il était donc défendu que ces marques étaient dénuées de caractère distinctif originel car elles constituaient des appellations officielles, des termes génériques et couramment utilisés par les professionnels de la filière hippique et tous les parieurs depuis leur création.
En outre, les défenderesses expliquaient que ces marques n’avaient pas pu faire l’objet d’un usage ancien, continu et intensif qui n’ait été justifié par le monopole du PMU sur les courses hippiques. Elles souhaitaient même que soit posée à la Cour de Justice de l’Union européenne la question suivante : “la distinctivité d’une marque non enregistrée peut-elle s‘acquérir par l’usage lorsque l’utilisateur de cette marque non enregistrée est en position de monopole sur le marché en cause et qu‘il est, dès lors, le seul à pouvoir utiliser cette marque pour les produits et services en question et que la marque est en réalité une définition légale du produit ou du service concerné ?"
A n’en pas douter, la discussion sur ces questions aurait donc été particulièrement intéressante.
C’est pourtant sur le fondement du principe général du droit, selon lequel la fraude corrompt tout, que les magistrats décidèrent de prononcer l’annulation des marques du PMU.
Le tribunal releva que "le PMU et les sociétés de courses hippiques ont ainsi été autorisés, alors qu’ils se trouvaient en situation de monopole sur le territoire français, à exploiter, sous une dénomination spécifique, chacun des paris dont l’objet et les critères d’application ont été strictement définis" et que, "du fait de cette situation de monopole […], chaque dénomination […] est devenue nécessaire pour désigner le type de pari proposé sous cette appellation et dont les règles sont définies par les arrêtés ministériels".
Il en déduisit donc logiquement que, "en déposant à titre de marque les noms de ces paris nécessaires pour désigner un type de pari déterminé par arrêté ministériel et alors qu’il savait que les paris sportifs en ligne allaient être ouverts à la concurrence ainsi qu’il le reconnaît, le PMU a tenté de s’assurer un monopole empêchant tout concurrent potentiel d’utiliser ce type de dénomination pour exploiter le pari correspondant".
Le droit des marques ayant été détourné de sa finalité, la fraude était constituée et les marques tant verbales que semi-figuratives devaient être annulées.
Rappelons en effet qu’une marque a pour objet, pour fonction essentielle, de distinguer des produits et services en identifiant leur origine par opposition à ceux proposés par les concurrents et non de priver ces concurrents de signes nécessaires à leur activité.
Manuel Roche
Conseil en Propriété Industrielle
Cabinet WAGRET