Les militaires blessés en service sont exclus du régime d’indemnisation des victimes d’infraction devant la CIVI.

Par Laurent Vovard, Avocat.

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La Cour de cassation exclu du régime d’indemnisation prévu par les articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale, les militaires blessés ou tués en service, y compris lorsqu’ils participent à des opérations extérieures (Cass. 2ème Civ. 28 mars 2013, n°11-18.025).

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1. Rappel des principes :

Les articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale organisent un régime d’indemnisation ouvert à certaines victimes de dommages résultant d’une infraction.

Pour une présentation de ce régime : ICI

La saisine de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) est exclue lorsque des régimes de réparation spécifiques existent par exemple, lorsque le dommage a été causé :

- par une exposition à l’amiante,
- par un acte de terrorisme,
- par un accident de la circulation (chapitre I de la loi du 5 juillet 1985),
- par un acte de chasse ou de destruction des animaux nuisibles.

La Cour de cassation a ajouté, à ces exclusions prévues par la loi, d’autres cas d’exclusion, notamment les accidents du travail et les accidents de service (Cass. 2ème Civ. 7 mai 2003, BII, n°138) sauf en cas de faute intentionnelle (Cass. 2e civ., 4 févr. 2010, n° 09-13.332).

De façon générale, la Cour de cassation estime que les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infractions sont applicables à la victime de toute infraction intentionnelle (Cass. 2ème Civ., 18 mars 2010, Jurisdata n° 2010-002212) visant, sous le couvert de ce motif très général, les agents publics qu’elle avait exclus auparavant.

2. Le cas des militaires blessés en service (Cass. 2ème Civ. 28 mars 2013).

Les faits :

Dans le cadre de la mission de maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies en Côte d’Ivoire dénommée "Licorne", un militaire français a été blessé lors du bombardement de sa base opéré le 6 novembre 2004 par des avions de chasse de l’armée régulière ivoirienne.

Le 19 janvier 2005, un juge d’instruction des armées a été saisi d’une information sur ces faits des chefs d’assassinat, tentative d’assassinat et destruction de biens.

La procédure :

Le 18 novembre 2008, le militaire a saisi la CIVI d’une demande d’indemnisation.

Sa requête a été déclarée irrecevable par la commission, puis par la Cour d’appel de Bordeaux au motif notamment que les événements du 6 novembre 2004 entraient dans un contexte politique qui ne permet pas de les considérer comme une simple infraction de droit commun dont les victimes seraient fondées à demander réparation de leurs dommages devant la CIVI.

Le militaire a formé un pourvoi en cassation aux termes duquel il faisait notamment valoir que :

- l’existence d’un contexte politique n’enlève pas aux faits leur caractère délictueux, ni ne prive les victimes de leur droit à réparation des conséquences qui en résultent ;

- il faisait partie d’une mission de maintien de la paix et son unité n’était pas engagée dans une guerre contre le pays hôte, de sorte que les attaques lancées contre elle par certains éléments de l’armée ivoirienne s’analysait en une infraction de droit commun.

La position de la Cour de cassation :

Aux termes de son arrêt du 28 mars 2013, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation rejette les moyens du pourvoi et affirme que :

« il résulte des dispositions des articles 706-3 du code de procédure pénale, L. 4111-1, D. 4122-7 et L. 4123-4 du code de la défense nationale, que les militaires blessés ou tués en service, y compris lorsqu’ils participent à des opérations extérieures, sont éligibles tant aux dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, qu’aux modalités d’indemnisation complémentaires fondées sur la responsabilité de l’Etat relevant de la compétence exclusive de la juridiction administrative, de sorte qu’est nécessairement exclue, dans un tel cas, une indemnisation par une CIVI  »

La Cour de cassation précise que :

« les événements du 6 novembre 2004 entrent (…) dans un contexte politique qui ne permet pas de les considérer comme une simple infraction de droit commun, ce qui rend l’article 706-3 du code de procédure pénale inapplicable  ».

Il résulte ce cet arrêt que la Cour de cassation exclu du régime d’indemnisation prévu par les articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale, les militaires blessés ou tués en service, y compris lorsqu’ils participent à des opérations extérieures, au motif qu’un régime particulier d’indemnisation est prévu au titre du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et que ceux-ci peuvent également obtenir une indemnisation complémentaire fondée sur la responsabilité de l’Etat relevant de la juridiction administrative.

Cette jurisprudence semble restreindre le champ d’application de la précédente jurisprudence selon laquelle les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infractions sont applicables à la victime de toute infraction intentionnelle (Cass. 2ème Civ., 18 mars 2010).

Quid, lorsque l’infraction, à la supposer caractérisée, n’entrerait pas « dans un contexte politique » et constituerait une infraction de droit commun ? La formulation de la Cour de cassation, interprétée a contrario, pourrait laisser penser que le militaire victime serait recevable à saisir la CIVI à supposer qu’il n’ait pas été en service. Ce serait un minimum. Cela étant, la notion de « contexte politique » reste toutefois très floue et susceptible d‘interprétation large…

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