1. L’avertissement : sanction disciplinaire.
Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération [1].
Le Code du travail ne dresse pas la liste des sanctions pouvant être prononcées par l’employeur. En pratique, l’avertissement (ou blâme), constitue la sanction la plus légère sur l’échelle des mesures disciplinaires.
Cette sanction peut être définie comme la lettre de l’employeur reprochant une faute à un salarié et l’avertissant de l’éventualité de nouvelles sanctions en cas de réitération de son comportement.
Il résulte de l’article L1331-1 du Code du travail que les observations verbales ne sont pas assimilables à une sanction disciplinaire.
Comme l’administration l’a précisé, une réprimande orale, même accompagnée de mises en garde ou d’injonctions, ne doit pas être considérée comme une sanction [2].
A l’inverse, constitue un avertissement la lettre de l’employeur reprochant au salarié diverses erreurs et le mettant en demeure d’apporter un maximum de soins à la réalisation des travaux qui lui sont confiés [3].
En effet, cette lettre équivaut à la sanction d’un comportement du salarié considéré comme fautif.
L’analyse de la jurisprudence de la Cour de cassation dévoile que tous les écrits de l’employeur reprochant une faute au salarié sont assimilables à un avertissement.
A l’inverse, lorsque l’employeur n’invoque pas une faute du salarié, son écrit peut (parfois) ne pas être considéré comme un avertissement.
2. Les écrits assimilables ou non à un avertissement.
La « mise en garde » notifiée par écrit avec indication qu’elle sera portée au dossier du salarié constitue une sanction disciplinaire prenant la forme d’un avertissement [4].
De même, la procédure de demande d’explications écrites en vigueur dans une entreprise constitue une mesure disciplinaire dès lors qu’elle est mise en œuvre après faits considérés comme fautifs, que le salarié est tenu de répondre immédiatement aux questions posées, et que tout refus de s’exécuter après une mise en demeure constitue un grief supplémentaire pouvant justifier une sanction [5].
Plus récemment, la Cour de cassation a jugé que la lettre rappelant la présence non autorisée du salarié dans un local électrique et l’invitant de manière impérative à respecter les règles régissant l’accès à un tel local, stigmatise le comportement du salarié considéré comme fautif et constitue une sanction disciplinaire [6].
Un simple e-mail peut également être considéré comme un avertissement, en fonction de sa teneur.
A titre d’illustration, l’e-mail dans lequel l’employeur adresse divers reproches à un salarié et l’invite de façon impérative à un changement radical, avec mise au point ultérieure, sanctionne un comportement fautif et constitue un avertissement [7].
Cette solution est logique dans la mesure où la jurisprudence ne tient pas compte du support de l’information, mais de la nature et du contenu du message adressé par l’employeur.
En revanche, un simple compte-rendu des faits reprochés au salarié lors d’un entretien n’est pas une sanction [8].
Dans le même sens, ne constitue pas une sanction disciplinaire la lettre par laquelle l’employeur se borne à solliciter du salarié qu’il se ressaisisse en lui faisant des propositions afin de l’aider [9].
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a considéré que le compte-rendu d’un entretien de suivi par lequel un supérieur hiérarchique indique au salarié qu’il sollicite une sanction à son encontre auprès du service compétent pour prononcer une telle mesure, en précisant qu’il ignore quelle en sera l’issue, n’est pas un avertissement [10].
En conclusion, il n’est pas toujours aisé de déterminer avec précision si tel ou tel écrit de l’employeur constitue ou non un avertissement…
3. Des enjeux de taille.
L’employeur qui notifie une sanction disciplinaire à un salarié ne peut plus invoquer la même faute pour justifier son licenciement, sans se prévaloir de faits nouveaux survenus postérieurement.
A titre d’exemple, est sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’une salariée ayant fait l’objet d’un avertissement, le 28 mars 1994, pour des manquements répétés à l’accomplissement de ses obligations professionnelles, puis d’un licenciement le 3 mai 1994, pour négligence dans le traitement de ses obligations d’envoi de documents à l’Urssaf [11].
La Cour de cassation considère même que l’employeur qui, bien qu’informé de l’ensemble des faits reprochés à un salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d’entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire [12].
Il en résulte qu’il ne peut prononcer, par la suite, un licenciement pour les autres faits antérieurs à l’avertissement.
La jurisprudence a été conduite à préciser que l’employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire par la notification de la sanction ne peut le restaurer en décidant unilatéralement d’annuler la mesure ainsi notifiée [13].
L’employeur doit donc être particulièrement vigilant lorsqu’il adresse - notamment - des e-mails au salarié contenant des reproches sur son comportement ou son travail.
En effet, bien que l’employeur n’en ait pas nécessairement conscience, un tel procédé peut le priver de la possibilité de licencier le salarié.
Les conséquences financières peuvent être importantes pour l’entreprise, notamment en présence d’un salarié ayant une ancienneté significative ou une rémunération importante.
Par ailleurs, dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par le règlement [14].
Dans les entreprises tenues d’élaborer un règlement intérieur (50 salariés et plus), une sanction autre qu’un licenciement est donc illicite en l’absence de règlement intérieur [15].
Par conséquent, dans cette situation, l’employeur s’expose à une action en nullité de la sanction, s’il envoie au salarié une lettre ou un e-mail de reproches pouvant être assimilés à un avertissement.