Rappel des principes :
La mise en examen ouvre à la personne concernée un certain nombre de droits dans le cadre de l’instruction parmi lesquels le droit à l’assistance d’un avocat lors de ses interrogatoires et confrontations. L’article 114 al. 1 du Code de procédure pénale prévoit ainsi que : « Les parties ne peuvent être entendues, interrogées ou confrontées, à moins qu’elles n’y renoncent expressément, qu’en présence de leurs avocats ou ces derniers dûment appelés. »
Concernant les commissions rogatoires qui peuvent être données par le Juge d’Instruction à un officier de police judiciaire, après avoir posé le principe selon lequel le délégataire exerce, dans les limites de la commission rogatoire, tous les pouvoirs du juge d’instruction, l’article 152 al. 2 du Code de procédure pénale dispose que : « Toutefois, les officiers de police judiciaire ne peuvent pas procéder aux interrogatoires et confrontations des personnes mises en examen. Ils ne peuvent procéder à l’audition des parties civiles ou du témoin assisté qu’à la demande de ceux-ci. »
Selon F. Desportes et L. Lazergues-Cousquer, « cette exclusion, déjà en vigueur sous l’empire du code d’instruction criminelle, s’explique par la nécessité de respecter les droits de la défense à l’égard des personnes concernées, parties à l’information… » (Traité de procédure pénale, Economica, deuxième édition, n°1893).
Illustration : Cass. Crim 5 mars 2013 (n°12-87087) :
Les faits :
Une personne a été mise en examen dans le cadre d’une information ouverte des chefs de vol avec arme, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de plusieurs personnes, puis placée en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention.
Le même jour, le Juge d’Instruction a délivré une commission rogatoire aux fins de poursuivre les investigations.
A l’occasion du trajet le conduisant à la maison d’arrêt, les officiers de police judiciaire auxquels avait été confiée la commission rogatoire ont consigné sur un procès verbal les « confidences » du mis en examen sur sa « participation aux infractions et le déroulement des faits » (sic).
La procédure :
La personne mise en examen a déposé une requête en nullité de ce procès verbal en faisant valoir que les officiers de police judiciaire avaient procédé à son interrogatoire hors la présence de son avocat, en violation des articles 114 et 152, alinéa 2, du Code de procédure pénale.
La Chambre de l’Instruction a rejeté la requête au motif que les officiers de police judiciaire n’auraient pas procédé à un interrogatoire de la personne mise en examen mais auraient seulement « retranscrit ses confidences au cours du transfert vers la maison d’arrêt, dans un procès-verbal de renseignements relatant et transmettant au juge d’instruction les propos tenus devant eux ».
Un pourvoi a été interjeté contre cette décision.
La position de la chambre criminelle de la cour de cassation :
Au visa des articles préliminaires, 114 al. 1, 152 al. 2 du Code de procédure pénale, la Cour de cassation rappelle que :
« est contraire au droit à un procès équitable et aux droits de la défense, le fait, pour des officiers de police judiciaire d’entendre, dans le cadre d’une même information, sous quelque forme que ce soit, une personne qui, ayant été mise en examen, ne peut plus, dès lors, être interrogée que par le juge d’instruction, son avocat étant présent ou ayant été dûment convoqué »
L’arrêt de la Chambre de l’instruction a donc été censuré au motif que :
« en se prononçant ainsi, alors que le recueil, dans ces conditions, des propos par lesquels le mis en examen s’incriminait lui-même, avait pour effet d’éluder les droits de la défense et que les officiers de police judiciaire auraient dû se borner, constatant la volonté du mis en examen de s’exprimer plus amplement sur les faits, à en faire rapport au juge d’instruction, seul habilité à procéder à un interrogatoire dans les formes légales, la chambre de l’instruction a méconnu les textes et principe susvisés »
La Chambre criminelle de la Cour de cassation assimile donc le recueil de propos sous quelque forme que ce soit à un interrogatoire en visant non seulement les articles 114 et 152 du CPP, mais plus généralement l’article préliminaire du CPP ainsi que les droits de la défense et le droit à un procès équitable, principes constitutionnels et conventionnels.
Cette interprétation a le mérite de lutter contre tout détournement de procédure par lequel les déclarations de la personne mise en examen pourraient être consignées en dehors de tout cadre et hors la présence de son avocat, ce qui serait particulièrement attentatoire aux principes susvisés surtout lorsque, par ses propos, le mis en examen s’incrimine lui-même comme c’était le cas en l’espèce.