Nuisances sonores : Halte aux rodéos urbains !

Par Christophe Sanson, Avocat.

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Explorer : # rodéos urbains # nuisances sonores # tranquillité publique # responsabilité du maire

Le rodéo urbain constitue un délit commis sur la voie publique avec des véhicules motorisés (deux-roues, voitures ou encore quads) consistant à adopter une conduite répétant de manière intentionnelle des manœuvres dangereuses (acrobaties, zigzags dangereux, emprunt de trottoirs…) et violant le Code de la route.

Or, outre le risque pour la sécurité des usagers de la voie publique, la pratique des rodéos urbains occasionne nécessairement, pour les riverains, d’importantes nuisances sonores liées, notamment, au vrombissement des moteurs des véhicules à toute heure du jour et de la nuit.

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Dès lors, dans quelle mesure et sur quel fondement juridique est-il possible d’obtenir la cessation des nuisances sonores liées à la pratique des rodéos urbains ?

1) Les textes applicables.

Afin de répondre à une exigence d’ordre public, la loi du 3 août 2018 a inséré, au sein du Code de la route, un chapitre consacré aux « comportements compromettant délibérément la sécurité ou la tranquillité des usagers de la route ».

Ainsi, l’article L236-1 du code de la route dispose que :

« I. Le fait d’adopter, au moyen d’un véhicule terrestre à moteur, une conduite répétant de façon intentionnelle des manœuvres constituant des violations d’obligations particulières de sécurité ou de prudence prévues par les dispositions législatives et réglementaires du présent code dans des conditions qui compromettent la sécurité des usagers de la route ou qui troublent la tranquillité publique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

II. Les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 30 000 € d’amende lorsque les faits sont commis en réunion.

III. Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende :

1° Lorsqu’il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire que la personne a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ou lorsque cette personne a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le présent code destinées à établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ;

2° Lorsque la personne se trouvait sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du présent code ou lorsque cette personne a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le présent code et destinées à établir l’existence d’un état alcoolique ;

3° Lorsque le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou que son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu.

IV. Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende en cas de cumul d’au moins deux des circonstances prévues aux 1°, 2° et 3° du III ».

Cependant, et malgré ces dispositions, il a été constaté, notamment à l’arrivée des beaux jours, une multiplication des accidents liés à la pratique des rodéos urbains.

En conséquence, Monsieur Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a ordonné aux forces de l’ordre, dans le courant du mois d’août 2022, d’intensifier la lutte contre cette pratique apparue depuis les années 70.

2) La pratique.

La difficulté, dans la pratique du rodéo urbain, est que les auteurs de ces faits sont bien souvent casqués ce qui peut rendre difficile leur identification.

Ainsi, si les riverains victimes de ces faits sont, de manière régulière, invités à composer le 17 (police secours) lorsqu’ils assistent à un rodéo urbain ou peuvent également procéder à un signalement sur le site internet Moncommissariat.fr, les délais de traitement et d’intervention des forces de l’ordre ne permettent pas nécessairement de constater l’ensemble des infractions.

Or, conformément à l’article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales, le maire a l’obligation d’assurer la tranquillité publique notamment en réprimant « les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, le tumulte excité dans des lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ».

En vertu de cet article, le maire doit, par conséquent, réprimer les atteintes à la tranquillité publique notamment les nuisances sonores occasionnées par la pratique de rodéos urbains.

Il doit, plus généralement, prévenir les bruits de voisinage l’article L2214-4 du Code général des collectivités territoriales mettant cette obligation à la charge des maires et ce, même dans les communes où la police est étatisée.

Par conséquent, il lui incombe de prendre, par arrêté motivé, les mesures appropriées pour empêcher sur le territoire de sa commune les bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants et d’assurer l’observation de la réglementation.

Il est en effet établi et de jurisprudence constante [1], que la responsabilité d’une commune est susceptible d’être engagée lorsque le maire ne prend pas de mesures propres à garantir la tranquillité publique ou lorsque les mesures prises sont insuffisantes.

Ainsi, des riverains victimes de nuisances sonores liées à la pratique de rodéos urbains peuvent prendre l’attache du maire de leur commune afin de demander à ce dernier, dans l’exercice de son pouvoir de police, de prendre toutes les dispositions nécessaires appropriées pour réprimer une telle pratique.

En outre, il convient de souligner que le maire d’une commune partage son rôle de garant de la tranquillité publique dans le domaine des nuisances sonores avec le Préfet du département.

Ainsi, en cas de carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police, le Préfet peut prendre, en vertu de l’article L2215-1° du Code général des collectivités territoriales :

« toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l’État que dans le département à l’égard d’une seule commune qu’après une mise en demeure au maire restée sans résultat ».

En conséquence, non seulement le maire sera tenu d’agir en cas de nuisance sonore avérée liées à la pratique de rodéos urbains mais les mesures prises devront également être de nature à permettre de réduire ces nuisances d’une manière satisfaisante [2].

Il convient néanmoins de souligner que dans l’hypothèse où des riverains subissent des nuisances sonores liées à la pratique de rodéos urbains, il sera impératif que ces derniers se pré-constituent des preuves confirmant la réalité, l’intensité et la persistance des troubles ainsi subis.

En effet, la charge de la preuve du caractère anormal des nuisances sonores incombe aux victimes [3]. Cette preuve est généralement rapportée grâce aux conclusions d’experts en acoustique, par des attestations des témoins ou encore des procès-verbaux de constat d’huissier de justice [4].

En outre, il convient d’attirer l’attention du lecteur sur l’importance de l’expertise judiciaire acoustique pour caractériser l’existence d’un manquement à la réglementation acoustique applicable.

La mise en œuvre d’une telle mesure d’instruction, de par sa spécificité, nécessitera bien souvent le recours à un avocat pour guider les victimes de telles nuisances et y mettre un terme, de manière définitive.

Christophe Sanson,
Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine

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Notes de l'article:

[1CE, 25 sept. 1987, Cne de Lège-Cap-Ferret, n° 68501 ; CAA Nancy, 7 juin 2007, Cne de Montauville, n° 06NC00055 ; CAA Nantes, 25 avril 2014, M. et Mme A. D., n° 12NT00387.

[2C.E., 3 février 2016, Cne de Cormelles-le-Royal, n° 381825.

[3Cass. 2ème civ. 9 juill. 1997, M. Regnard, n° 96-10.109.

[4C.A. Versailles, 24 avril 1995, Épx Vincenti, n° 9746/93.

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