« Montrez-moi un denier. De qui porte-t-il l’effigie et l’inscription ? De César, répondirent-ils. Alors il leur dit : rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Luc 20). Par cette célèbre formule, on dit que c’est Jésus lui-même qui a inventé la laïcité, qui n’en finit plus d’être l’objet de polémiques, plus de deux mille ans après.
En vertu de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». Il est donc interdit d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur, et dans, les bâtiments publics. C’est ce même principe de laïcité qui interdit d’organiser des cérémonies religieuses à l’intérieur des bâtiments publics.
Il existe toutefois une exception pour les bâtiments publics dotés d’aumôneries comme les hôpitaux, où les cérémonies religieuses sont autorisées [1].
La loi de 1905 est le fondement juridique qui a permis à la jurisprudence d’interdire l’installation de crèches de Noël dans les édifices publics (sauf exception culturelle locale) ou qui conduit régulièrement le juge à ordonner le déplacement de statues religieuses du domaine public (CE, 9 novembre 2016, Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne, n° 395122 ; CE, 9 novembre 2016, Fédération de la libre pensée de Vendée, n° 395223 ; CAA Nantes, 16 septembre 2022, n° 22NT00333).
Il est évident, sur le fondement de la laïcité, qu’un bâtiment public comme une mairie ou le Palais présidentiel ne peut plus accueillir en son sein depuis 1905 de cérémonie religieuse et encore moins que le chef de l’État y prenne activement part.
C’est ainsi que le préfet de Paris avait rappelé au maire de Paris qu’elle ne pouvait pas organiser et financer une « soirée du ramadan » au sein de l’Hôtel de Ville [2].
La laïcité n’interdit toutefois pas aux personnes publiques comme le chef de l’État de se rendre à titre officiel à toute cérémonie religieuse pour y assister. C’est ainsi que le Président Macron a pu se rendre le 29 novembre 2023 aux obsèques du maire Gérard Collomb à la cathédrale Saint-Jean de Lyon.
De la même manière, la participation du maire de Lyon à la cérémonie catholique du Vœu des échevins [3] ou du maire de Paris à la soirée de rupture du jeûne du ramadan à la Grande Mosquée de Paris ne pose pas de difficultés particulières sur le fondement de la laïcité. Il est toutefois recommandé à la personne publique de s’abstenir dans ce cadre de témoigner, par son comportement, une adhésion manifeste à un culte quel qu’il soit.
Les services de l’Élysée ont fait savoir que le président de la République avait voulu manifester son soutien à la communauté juive à la suite des attaques du 7 octobre 2023 en Israël en laissant le grand rabbin de France allumer une bougie de Hanouka au sein du Palais présidentiel.
Il résulte de ce qui précède que la participation active du chef de l’État à cette cérémonie religieuse au sein d’un bâtiment public n’est pas conforme au principe de laïcité. Aucune entorse à la laïcité n’aurait en revanche été caractérisée si le président de la République s’était rendu dans une synagogue à l’occasion de la fête juive de Hanouka pour manifester son soutien. Cette seconde option aurait donc dû être privilégiée, dans le respect du principe de laïcité.