L’ambition d’une harmonie de l’hétérogénéité des transports.
Des règles de « police du roulage » ont dû être édictées, sous forme de lois ou de décrets, au XIXe siècle pour organiser la circulation de véhicules… qui n’étaient pas tous automobiles. Au XXIe de nouveaux usages poussent à de nouvelles réflexions.
Connue pour ses rues passantes et son dense réseau de transport, le concept d’un « code de la rue parisien » vise à créer un ensemble de règles spécifiques pour la capitale française, adaptées à son environnement urbain. Les partisans d’un « code de la rue parisien » avancent plusieurs arguments en faveur de son adoption. Tout d’abord, ils soulignent que les règles générales du code de la route ne prennent pas toujours en compte les spécificités de Paris. Les conditions de circulation, la densité du trafic, la présence de nombreux modes de transport nécessitent une approche nuancée de la sécurité routière.
Code de la rue ou code de la route ?
Législatifs ou réglementaires, les textes du code de la route sont classés d’abord par livres (le conducteur, le véhicule, l’usage des voies…), puis par titres, chapitres, sections, voire sous-sections mais rien ne prévoit qu’une ville puisse y déroger.
L’adoption d’un véritable « code de la rue parisien » nécessiterait une législation locale spécifique. L’objectif serait alors de créer un cadre législatif qui complète le code de la route national. Ainsi, la réalité du contexte parisien serait analysée.
Cependant, la hiérarchie des normes serait questionnée. Il ne faut pas qu’il y ait de contradiction entre le code de la rue et le code de la route pour espérer une application uniforme des nouvelles mesures. Il serait contre productif voire dangereux de créer de nouvelles confusions pour les usagers. Par ailleurs, la mise en place d’un « code de la rue » pourrait nécessiter des ressources financières et humaines conséquentes pour son application et son respect. La formation de chacun, la signalisation et le contrôle de l’application des règles peuvent ainsi représenter des défis majeurs.
Une casuistique inévitable.
Plutôt que de parler d’un « code de la rue », la ville devrait plutôt parler d’une nouvelle charte de l’espace public, puisqu’en réalité il s’agit surtout de redéfinir des usages et non d’imposer une réglementation !
En effet, selon ses concepteurs, pour correspondre aux besoins spécifiques de la capitale, le code de la rue pourrait faire naître de nouveaux « aménagements ».
Ainsi, il pourrait être envisagé d’établir des zones où la circulation automobile est limitée ou interdite pour favoriser les modes de transports alternatifs tels que les piétons et les cyclistes. Des critères pourraient être déterminés. Ainsi, les itinéraires privilégiés des piétons et cyclistes et les zones sensibles pourraient être ciblés. En outre, ce faux « code de la rue » pourrait mettre l’accent sur la sensibilisation des conducteurs, des piétons et des cyclistes à la sécurité routière. La communication et la formation des conducteurs et écoliers pourraient être mises en place pour promouvoir une meilleure compréhension des règles de circulation et encourager un comportement responsable sur les routes.
Une approche déjà mise en place à l’étranger.
Certains pays ont déjà mis en place des versions de « codes de la rue » ou des initiatives similaires visant à améliorer la sécurité routière et à adapter les règles de circulation à chaque environnement. En Espagne, le « Código de la Circulación » comprend des règles spécifiques pour les zones urbaines. Ce code cible la sécurité des piétons. Il intègre des règles pour la circulation des vélos, en encourageant leur utilisation et en développant des infrastructures adaptées. L’Allemagne a également mis en place des « Verkehrsberuhigter Bereich » (zones de circulation apaisée) dans de nombreuses villes.
En Belgique, un arrêté royal du 4 avril 2003 vise de façon notable à modifier fondamentalement le partage de la voie publique par l’introduction d’un nouveau concept, à savoir : « le code de la rue » dans le Code de la route. Ses dispositions sont de trois types : La définition ou la redéfinition des usagers et des espaces auxquels ils ont accès avec notamment l’inscription dans le code de nouveaux types d’espace, comme la zone de rencontre, au sein de laquelle, bien que les automobiles y soient admis, la priorité est laissée aux usagers dits faibles sur l’ensemble de l’espace de la chaussée.
L’ajout d’un principe général de prudence :
« tout conducteur doit régler sa vitesse dans la mesure requise par la présence d’autres usagers et en particuliers les plus vulnérables, les conditions climatiques, la disposition des lieux, leur encombrement, la densité de la circulation, le champ de visibilité, l’état de la route, l’état et le chargement de son véhicule, sa vitesse ne peut être ni une cause d’accident ni une gêne pour la circulation ».
La responsabilité des usagers les plus forts par rapport aux usagers les plus faibles est de plus établie.
Le vote sur l’interdiction des trottinettes à Paris : des approches connexes ?
Le 2 avril 2023, l’interdiction des trottinettes en libre service à Paris a été votée à 90% par les Parisiens qui se sont déplacés pour voter. Cette décision plébiscitaire a été prise en raison des conflits croissants dans l’espace public mais elle ne règle pas tout. Cela amène à questionner l’approche complète du « code de la rue » eu égard à la mesure spécifique de l’interdiction des trottinettes : les deux actions sont-elles pensées communément ou dirigées selon des problématiques ciblées différentes ?
Finalement, le « code de la rue » est-il une action de communication ponctuelle ou un projet global ? Est-ce que les problèmes de circulations sont propres à Paris intra-muros ou s’étendent-ils aussi de l’autre côté du Périphérique ou à d’autres grandes communes en France ? Alors que des centaines d’élus d’Ile-de-France viennent de dénoncer le manque de concertation concernant la création d’une voie réservée sur le périphérique, ces questions restent en suspens jusqu’à l’explicitation concrète des mesures parisiennes.
En attendant, il pourrait être bon de revoir notre code de la route pour qu’il intègre des solutions à des problématiques dont Paris n’a évidemment pas le monopole. Comment fluidifier toutes les mobilités ? Peut-on intégrer des solutions nouvelles à des règles qui sont dépassées par les usages ? A quand notamment le déploiement de feux véritablement intelligents qui laissent passer les piétons, les voitures et les autres véhicules en fonction du trafic réel ? On pourrait par exemple donner la priorité aux piétons aux feux, mais ne pas interrompre les voitures quand il n’y a pas de piétons.
Il est peut-être temps que le législateur se saisisse du sujet avec pour objectif ultime des environnements urbains sécurisés et conviviaux pour tous les usagers de la route quel que soit le mode de transport utilisé et la ville concernée. Il y a encore du chemin !