Le préjudice d’attente et d’inquiétude, parfois dit préjudice situationnel, constitue un poste de préjudice des proches de la victime directe (préjudice subi par les victimes par ricochet ou victimes indirectes).
C’est la peur et l’angoisse, développées par les proches d’une victime directe quand ils apprennent qu’elle a été impliquée dans un attentat, une agression, un accident..., et qu’ils attendent les suites, à savoir une information sur la vie ou la mort.
Selon la Cour de cassation, réunie en chambre mixte, dans un arrêt du 25 mars 2022, il s’agit d’un préjudice qui existe quand :
« les proches d’une personne, qui apprennent que celle-ci se trouve ou s’est trouvée exposée, à l’occasion d’un événement, individuel ou collectif, à un péril de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle, éprouvent une inquiétude liée à la découverte soudaine de ce danger et à l’incertitude pesant sur son sort… ».
La Cour en déduit que pour ces victimes par ricochet ou victimes indirectes, le préjudice d’attente et d’inquiétude ne se confond pas avec le préjudice d’affection notamment, mais constitue un « préjudice spécifique qui est réparé de façon autonome ».
Selon la Cour :
« Ce préjudice, qui se réalise ainsi entre la découverte de l’événement par les proches et leur connaissance de son issue pour la personne exposée au péril, est, par sa nature et son intensité, un préjudice spécifique qui ouvre droit à indemnisation lorsque la victime directe a subi une atteinte grave ou est décédée des suites de cet événement ».
La Cour de cassation, dans son communiqué, explique qu’il n’y a pas de référentiel législatif de réparation des préjudices corporels, mais une nomenclature dite Dintilhac, contenant une liste de « postes » de préjudices correspondant à des définitions précises de divers préjudices subis par les victimes (directes et indirectes).
Elle ajoute qu’après, entre autres, les attentats, des demandes en réparation de préjudices non listés dans cette nomenclature ont été formulées. Cet arrêt tranche un litige entre le Fonds de Garantie et des victimes indirectes de l’attentat de Nice du 16 juillet 2016 : mais la Cour va au-delà des attentats.
La Cour de cassation prononce la première fois l’autonomie de ce poste de préjudice d’attente et d’inquiétude des proches.
Ce poste de préjudice doit ainsi être réparé de façon autonome, séparée : il y aura donc une indemnisation supplémentaire, donc en principe plus importante.
Dans son communiqué, la Cour de cassation indique en outre qu’il s’agit de la création d’un nouveau poste de préjudice dans la nomenclature Dintilhac.
Le conseiller rapporteur s’est appuyé sur la doctrine, le rapport Dintilhac, un rapport de Madame la Professeure Porchy-Simon de 2017, le droit comparé, et des décisions de juges du fond [2].
Cet arrêt est promu aux plus hautes publications : bulletin, Rapport annuel, communiqué immédiat de la Cour de cassation et publication du rapport du conseiller.
Dans un arrêt du même jour, cette chambre mixte a reconnu que le préjudice d’angoisse de mort imminente est un poste de préjudice autonome et différent des Souffrances Endurées [3].