Un automobiliste a été interpellé par un gendarme en repos qui le suivait en véhicule et trouvait son comportement dangereux.
L’obligeant, après l’avoir doublé, à se garer sur un parking, il a contacté ses collègues gendarmes d’une brigade proche, qui ont procédé à un contrôle d’alcoolémie qui s’est révélé positif (avec ensuite vérification d’alcoolémie).
L’automobiliste a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône.
Il a été soulevé pour sa défense, par le cabinet, in limine litis, une nullité de procédure : l’interpellation était, vraisemblablement ici, illégale, ce qui devait entraîner l’annulation de toute la procédure, et donc la relaxe.
En effet, l’article 73 du Code de procédure pénale dispose que :
« Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche ».
Or, il est constant que l’usage de la force doit être nécessaire et proportionné aux conditions de l’arrestation, et que seul l’auteur présumé d’une infraction flagrante peut être appréhendé [1].
Dès lors, une arrestation dans des conditions déloyales entraîne l’annulation de la procédure [2].
Par suite, l’article 53 du Code de procédure pénale dispose que :
« Est qualifié crime ou délit flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre ».
Pour pouvoir agir en enquête de flagrance les officiers de police judiciaire doivent donc se prévaloir d’indices apparents de comportements délictueux : à défaut, les investigations doivent suivre le régime de l’enquête préliminaire, ce qui leur interdit de faire usage de la contrainte [3].
Certes, un policier ou un gendarme peut constater une infraction, en dehors de son temps de service. Pour autant, il n’a pas le droit, naturellement, de mener une enquête même de flagrance, ni de procéder à une interpellation illégale. En dehors de son temps de service, en tenue bourgeoise, il est en effet soumis à l’article 73 ci-dessus rappelé.
En l’espèce, il ressortait de l’audition de « témoin » du gendarme alors en position de repos, qu’alors qu’il était au volant de son véhicule personnel, il a procédé à l’interpellation du conducteur du véhicule le précédant après l’avoir doublé.
D’abord, il s’agissait donc bien d’une interpellation, et pas, au sens de l’article 73 du Code de procédure pénale, de l’appréhension de l’auteur d’un crime ou délit flagrant.
Ensuite, le gendarme en repos a simplement indiqué avoir vu devant lui un véhicule qui circulait très dangereusement (selon lui, les risques étaient qu’il percute un véhicule venant de face ou alors qu’il se mette dans le fossé). Il a alors expliqué qu’il voulait éviter un accident.
Ce motif invoqué d’interpellation prouvait en lui-même, intrinsèquement, qu’il n’y avait pas de crime ou délit flagrant en train de se commettre, ou qui venait de se commettre.
Les motifs invoqués par le gendarme en repos ne reposaient en effet pas sur la commission d’un crime ou délit flagrant, mais seulement sur une crainte, une peur, un sentiment vague.
Ce gendarme a expliqué ensuite d’ailleurs que c’est seulement après qu’il avait remarqué les yeux rouges et les propos incohérents de l’interpelé. Donc après avoir utilisé un pouvoir de contrainte en lui imposant de se stationner, et en l’interrogeant sans droit.
Dès lors, l’interpellation était illégale, avec atteinte manifeste à la liberté d’aller et venir, causant nécessairement grief au prévenu.
Le Tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône a fait droit à l’exception de nullité dans son jugement du 24 octobre 2022, et renvoyé l’automobiliste prévenu des fins de la poursuite, en le relaxant.
Le Parquet n’a pas interjeté appel.
Discussion en cours :
Bonjour,
votre article est très intéressant. Il est toutefois regrettable de constater que l’application de la Loi (qui doit bien sûr prévaloir) puisse parfois se révéler incompatible avec la recherche de la sécurité publique.