Le principe de réduction des voix du copropriétaire majoritaire, par Nicolas Pillon, Avocat

Le principe de réduction des voix du copropriétaire majoritaire, par Nicolas Pillon, Avocat

8079 lectures 1re Parution: Modifié: 5  /5

Explorer : # réduction des voix # copropriété # fraude # assemblée générale

-

Dans une assemblée générale de copropriété, les copropriétaires disposent d’un nombre de voix proportionnel à leurs quotes-parts dans les parties communes.

Ce principe est posé par l’article 22 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 :

« Le règlement de copropriété détermine les règles de fonctionnement et les pouvoirs des assemblées générales, sous réserve des dispositions du présent article, ainsi que de celles des articles 24 à 26 ci-dessous.

Chaque copropriétaire dispose d’un nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parties communes. »

Cependant, l’article 22 prévoit que lorsqu’un copropriétaire détient plus de la moitié du total des tantièmes de parties communes, le nombre de voix attribuées à ce copropriétaire doit être réduit à la somme des voix des autres copropriétaires :

« Toutefois, lorsqu’un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires. »

L’article 16 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 (portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965) précise que :

« Les majorités de voix exigées par les dispositions de la loi [n° 65-557] du 10 juillet 1965 pour le vote des décisions de l’assemblée générale et le nombre de voix prévu à l’article 8 (alinéa 1er) du présent décret sont calculés en tenant compte de la réduction résultant, s’il y a lieu, de l’application du deuxième alinéa de l’article 22 modifié de ladite loi. »

Il s’agit là d’un principe d’ordre public et il appartient au Président de l’assemblée générale de veiller à son application.

Une assemblée générale tenue en violation de l’article 22 est nulle.

En cas de fraude à l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965, tout copropriétaire opposant ou défaillant est fondé à engager une action en annulation de l’assemblée, et ce, dans les deux mois suivant la notification du procès-verbal de cette assemblée.

En pratique, certains copropriétaires majoritaires indélicats cherchent parfois à éluder frauduleusement l’application de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965, afin de conserver le contrôle de l’assemblée générale.

Ces fraudes apparaissent souvent dans un contexte de mésentente entre le copropriétaire majoritaire et les autres copropriétaires, en particulier, lorsque les minoritaires font savoir qu’ils envisagent de demander au syndic l’application du principe de réduction des voix.

Pour faire obstacle à une réduction de ses voix, le copropriétaire majoritaire peut être tenté de sous évaluer sa quote-part de parties communes en communiquant des indications erronées sur cette quote-part et en faisant obstacle aux tentatives de vérification des copropriétaires, entretenant ainsi une certaine opacité sur la question.

Néanmoins, sauf s’il est mis en œuvre de concert avec le syndic, ce moyen s’avère souvent inefficace.

C’est pourquoi, les copropriétaires majoritaires indélicats cherchent généralement à transférer la propriété d’une partie de leurs lots à un prête-nom (une société civile immobilière ou une personne physique de confiance, souvent liée par un lien familial : un enfant, notamment).

Ces pratiques frauduleuses prennent souvent la forme d’une donation.

Cependant, elles sont clairement condamnées par la jurisprudence.

La Cour de cassation précise qu’une assemblée générale doit être annulée lorsqu’il est établi que l’acte translatif de propriété (la donation, la vente, etc...) d’un lot de copropriété a été réalisé au profit d’un tiers dans le seul but de faire obstacle à l’application du principe de réduction des voix institué par l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965, en permettant ainsi à un copropriétaire majoritaire de sous évaluer artificiellement sa quote-part de parties communes, tout en conservant la maîtrise des décisions des assemblées (grâce au renfort des voix du nouveau propriétaire du lot).

A titre d’exemples, après avoir relevé qu’ils avaient été passés dans un contexte de mésentente entre copropriétaires, la jurisprudence a jugé frauduleux les actes suivants :

- une donation dépourvue d’intérêt pour le donateur, qui est dans l’impossibilité de justifier d’un motif légitime et sérieux (Civ. 3, 21 février 1995, Loyers et copr. 1995, comm. 296),

- une donation par un copropriétaire majoritaire, à sa fille d’un local ne présentant aucun intérêt pour celle-ci, dans le but de conserver la maîtrise des décisions aux assemblées générales (CA Paris, 14 mars 1988 : D. 1988, inf. rap. p. 99),

- une donation par le copropriétaire majoritaire à son fils, de la nue-propriété d’un lot présentant peu d’intérêt pour le donataire, qui a donné tout pouvoir à son père pour le représenter à l’assemblée (CA NANCY, 3 février 1997, JurisData : 1997-044062),

- la création d’une société civile immobilière à caractère familial, ayant pour objet l’acquisition et l’administration de lots dépendant de la copropriété (Civ. 3, 20 janvier 1993, Loyers et copr. 1993, comm. 112 ).

Une précision importante :

La fraude ne présume pas.

Une fraude au principe de réduction des voix du copropriétaire majoritaire doit donc être prouvée.

L’action en contestation d’assemblée générale fondée sur une telle fraude sera rejetée si le caractère frauduleux de la donation ou de la vente n’est pas démontré.

Ainsi, par exemple, lorsqu’il apparaît que l’acte de donation critiqué répondait à des motivations fiscales.

(Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 Juin 1995 : JurisData : 1995-002473).

Nicolas PILLON, Avocat

pillon.avocat.paris chez gmail.com

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

54 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs