Le sort en est-il jeté pour la protection du loup ? Pour tenter d’y répondre, ce n’est pas le Rubicon qu’il convient de franchir, mais plutôt le Duero.
Par un arrêt du 29 juillet 2024 [1], la CJUE énonçait, saisie par le juge espagnol en interprétation de la directive « Habitat » [2], que l’autorisation de la chasse au loup en vertu d’une règle régionale est exclue lorsque l’état de conservation de l’espèce a été jugé défavorable au niveau national.
En Espagne, les populations de loups ibériques sont soumises à des régimes de protection distincts : celles situées au sud du fleuve Duero bénéficient d’une protection stricte alors que les populations situées au nord du fleuve ont, quant à elles, la qualification d’espèce animale d’intérêt communautaire susceptible de faire l’objet de mesures de gestion.
En vertu d’une loi régionale, le loup était désigné comme une espèce chassable au nord du fleuve Duero dans la Communauté autonome de Castille-et-León (Espagne).
En 2019, le gouvernement régional a approuvé un plan d’exploitation locale du loup dans les territoires de chasse situés au nord du fleuve pour les saisons 2019 à 2022, ouvrant la voie à la chasse de 339 spécimens.
L’Association pour la conservation et l’étude du loup ibérique (ASCEL) a formé un recours contre ce plan devant la Cour supérieure de justice de Castille-et-León qui a saisi la CJUE d’une question préjudicielle ayant conduit à la condamnation du dispositif espagnol.
Il pourrait sembler que la protection du loup en sort renforcée, mais le poids des contestations sociales générées par les attaques de loup au sein d’une partie du monde agricole doit conduire à sérieusement nuancer le propos.
La France, où l’espèce est, elle aussi protégée [3], interdit par principe la chasse au loup mais en permet néanmoins le prélèvement dans de strictes conditions fixées en dernier lieu dans un arrêté du 21 février 2024 [4].
L’esprit de ce régime est celui d’une réponse graduée aux attaques de loups sur le cheptel pour permettre aux éleveurs, sur autorisation préfectorale préalable, de riposter pour protéger leur bétail.
En parallèle, un système d’indemnisation a été mis sur pied [5], et une politique d’accompagnement mise en place afin d’aider les éleveurs affectés pour adapter leurs exploitations dans une logique préventive (clôtures électrifiées, chiens de garde etc.) [6].
Toute atteinte volontaire n’entrant pas dans les conditions de ce régime rend son auteur susceptible de poursuites pénales sur le fondement de l’article L415-3 du Code de l’environnement qui réprime cette infraction d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
A cet égard, il doit être rappelé qu’il a été jugé que les difficultés financières et morales engendrées chez les professionnels par de nombreuses attaques de loups ne sont pas de nature à caractériser le fait justificatif de l’état de nécessité pour échapper à la condamnation [7].
Nonobstant l’existence de ce régime dérogatoire, il apparait que le loup demeure une espèce dont la conservation n’est pas favorable : comme l’indique l’Office National de la Biodiversité, le loup en France demeure une espèce « vulnérable », inscrit sur la liste rouge des espèces protégées [8].
Le juge européen, par son arrêt de juillet 2024, va-t-il mettre un terme aux pratiques nationales de régulation des populations de loup contraires au droit communautaire ? Le vote, le 3 décembre 2024 par le comité permanent de la Convention de Berne, de l’abaissement de la protection de l’espèce de « strictement protégée » à « protégée », à la demande de l’Union Européenne, envoie un signal inverse [9].
Ainsi et dès le 2 janvier 2025, la chasse aux loups était officiellement ouverte en Suède pour en diminuer la population de moitié, l’espèce étant pourtant, comme en Espagne, dans un état de conservation défavorable [10].
Les conséquences de ce vote ne se feront pas immédiatement ressentir dans l’état du droit, mais il ouvre la perspective d’une réforme de la directive « Habitat » et, partant, une légalisation des pratiques d’abattages plus ou moins dérogatoires mises en place par certains états membres, dont la France.
Si certains éleveurs ont pu afficher leur satisfaction, de nombreuses associations de protection de l’environnement ont fait part de leur vive inquiétude sur les conséquences de cette fragilisation de la protection du loup non seulement sur cette espèce, mais également sur d’autres qui pourraient pâtir d’un effet d’entrainement [11].
En 2023, la population de loup en France était de 1 003 individus, en baisse de 9% par rapport à l’année précédente.
Discussion en cours :
L’Europe a rappelé également que le bon état de conservation s’applique au niveau local, voire départemental en France, or les effectifs de loups ne sont pas déterminés clairement...C’est même, le moins qu’on puisse dire, depuis les "flottements" des années passées et n’oublions pas que l’Ofb étant clairement dans le défaut de moyen à propos des suivis du loup dans les territoires, tirer sans compter, ce n’est pas respecté la loi !