1. Faits et procédure.
Une salariée engagée le 13 novembre 1995 en qualité de secrétaire de direction par une société, a exercé dans cette société, plusieurs mandats de représentant du personnel et de représentant syndical jusqu’à devenir en parallèle, conseiller prud’homme en 2002.
Alors que la salariée subit une inégalité de traitement et une discrimination syndicale, elle saisit la juridiction prud’homale afin de voir condamner son employeur, le 3 septembre 2010.
C’est sans compter son licenciement économique survenu à la suite d’une autorisation ministérielle du 20 août 2014.
Cette autorisation ayant ensuite été annulée par une décision du 21 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris, la réintégration de la salariée a donc été, dans un premier temps, ordonnée par arrêt du 9 mai 2017 de la cour d’appel de Versailles.
Or, dans les faits, la réintégration n’a jamais eu lieu.
C’est pourquoi, dans un second temps, la salariée a demandé à la cour d’appel de Versailles la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Ainsi, dans un arrêt du 17 mai 2019, la résiliation judiciaire du contrat de travail a été prononcée et il a été a considéré que cette résiliation produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Toutefois, si dans sa décision, la cour d’appel condamne l’employeur au paiement de diverses sommes, elle déboute néanmoins la salariée de sa demande présentée au titre de la violation de son statut protecteur.
Par conséquent, la salariée s’est pourvue en cassation.
Dans une première décision rendue le 17 mars 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 17 mai 2019.
Dès lors, la Cour d’appel de Versailles statuant sur renvoi après cassation le 20 avril 2022, non seulement accepte la demande de la salariée au titre de la violation de son statut protecteur, mais en plus, considère que la salariée peut de ce fait, prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’elle aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à la fin de la période de protection.
2. Moyen.
L’employeur se pourvoit donc à nouveau en cassation sur le fondement des articles L2411-22 du Code du travail et 1227 du Code civil selon lesquels respectivement « le licenciement du conseiller prud’homme ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail », et « la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice ».
L’employeur fait notamment grief à l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation le 20 avril 2022, de le condamner à payer diverses sommes à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur.
En effet, quand bien même l’employeur admet le principe selon lequel, faute pour celui-ci de réintégrer un salarié protégé dans son emploi, sans justifier d’une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée pour ce motif produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur, cette résiliation ne peut pas toutefois, selon son argumentaire, conduire à une indemnisation pour violation du statut protecteur du salarié égale à la rémunération que le salarié aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à la fin de sa période de protection.
Au contraire, l’employeur défend plutôt une indemnité pour violation du statut protecteur en fonction du préjudice subi.
3. Solution.
Dès lors qu’une résiliation judiciaire est prononcée aux torts d’un employeur qui n’a pas satisfait à son obligation de réintégrer un salarié protégé à la suite d’un licenciement nul, doit-elle donc produire les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur dès lors que le salarié est protégé au jour de sa demande en résiliation et par là, offrir au salarié protégé une indemnité à ce titre égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de prise d’effet de la résiliation judiciaire jusqu’à la fin de la période de protection en cours de sa demande en résiliation ?
Par une décision rendue le 8 novembre 2023 (n°22-17.919), la Cour de cassation répond par la positive.
Tout d’abord, les juges de la Cour de cassation considèrent que lorsque l’employeur ne satisfait pas son obligation de réintégrer un salarié protégé dans son emploi, sans justifier d’une impossibilité de réintégration, alors la résiliation judiciaire prononcée à ses torts pour ce motif, doit produire les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur.
A cet égard, la Cour de cassation précise que la présente hypothèse selon laquelle la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur, est conditionnée au fait que le salarié doit présenter un statut protecteur au jour de sa demande de résiliation.
Ensuite, le salarié peut donc prétendre à une indemnité au titre de son statut protecteur, égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de prise d’effet de la résiliation judiciaire jusqu’à la fin de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation, dans la limite de trente mois.
Par conséquent, le pourvoi formé par l’employeur est rejeté.
Source.