Redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) : un même tarif par maison ?

Par Frédéric Zumbiehl, Juriste.

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Explorer : # redevance d’enlèvement des ordures ménagères # tarification # proportionnalité # collectivités locales

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La redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) suscite des questions quant à la tarification adoptée par les collectivités. Certaines appliquent un tarif identique par logement, ce qui soulève des interrogations sur sa légalité. Selon la loi, la REOM est calculée en fonction du service rendu, permettant une certaine forfaitisation. Des décisions du Conseil d'État ont validé des tarifs identiques pour tous les foyers, mais doutes et réserves persistent quant à la proportionnalité. Il est donc incertain que ce type de tarification résiste à un examen juridique.
Description rédigée par l'IA du Village

La redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) est généralement présentée comme étant la solution la plus juste et « responsabilisante » pour financer l’enlèvement des déchets ménagers. Elle est en effet censée correspondre au volume de déchets qu’émet chaque redevable, beaucoup plus en tout cas que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ou la taxe foncière. On s’étonne cependant que des collectivités appliquent un même tarif par logement.

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Peu de statistiques existent concernant la redevance d’enlèvement des ordures ménagères. Pourtant, si l’on en croit l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales, une REOM était quand même prélevée dans presqu’un tiers des communes de France en 2017 [1].

Parmi les questions que cette redevance suscite, il y a bien sûr celle de la tarification que peut adopter une collectivité. Le plus souvent, des tarifs différents sont prévus, par exemple en fonction du nombre de personnes composant chaque foyer redevable.

Certaines collectivités continuent néanmoins d’appliquer un tarif identique par logement. Est-ce légal ?

La REOM est régie par l’article L2333-76 du Code général des collectivités territoriales.

Cependant, hormis des indications sur quelques points précis (notamment sur la possibilité d’instituer une part incitative de REOM), cet article se borne à énoncer que la REOM est « calculée en fonction du service rendu ».

Une chose est sûre, ce n’est qu’une proportionnalité approximative qui est exigée.

Ainsi,

« le montant facturé à l’usager n’est pas calculé en fonction de la quantité de déchets qu’il a produite, mais correspond à une quantité moyenne de déchets produite par le type d’usagers auquel il appartient, en fonction du nombre de personnes que compte son foyer, la taille de l’habitation ou le volume des déchets » [2].

Une certaine forfaitisation est donc admise. Dès lors, il a par exemple été jugé que « le comité du Syndicat intercommunal à vocation multiple de l’Ile d’Oléron a pu, sans méconnaître les dispositions précitées ni le principe d’égalité, fixer le tarif de la redevance qu’il a instituée au même niveau pour les occupants d’une résidence secondaire et pour un foyer de résidents permanents » [3].

Dans le même sens, le Conseil d’Etat a jugé que le rattachement des résidences secondaires à la catégorie des résidences principales occupées par 3 à 5 personnes et donc l’application à leur égard « d’un tarif indépendant du temps d’occupation de leur logement et du nombre d’occupants (…) ne constitue pas par elle-même une rupture d’égalité entre les différents usagers du service » [4].

Est-ce à dire qu’est légal un règlement de facturation comme celui de la Communauté de Communes Brionnais Sud Bourgogne, qui prévoit pour les particuliers un « tarif unique par foyer » de 227 euros, « le forfait établi (…) étant identique quelle que soit la catégorie du foyer (principal ou secondaire, individuel ou collectif, etc…), sa composition et son temps d’occupation » [5] ? Peut-on appliquer exactement le même tarif à tous les foyers ?

Le Conseil d’Etat semble l’avoir admis. Dans une décision de 1999, il a en effet validé une tarification retenant « un montant identique de redevance pour chaque habitation individuelle » [6].

Néanmoins, cette décision isolée, qui parait contraire à l’esprit de la REOM, ne suffit pas à lever tous les doutes. Dans une circulaire de 2000, après avoir cité cet arrêt, le ministre de l’Intérieur ajoute que « cette tarification devrait néanmoins être utilisée avec précaution » [7].

Plus clairement encore, une note de 2005 de l’Association des Maires de France indique que « cette tarification apparaît (…) contraire au principe de proportionnalité rappelé » par le Conseil d’Etat au moment de censurer, par exemple, une délibération « exonérant de la redevance les personnes âgées de plus de 70 ans ou appartenant à un même foyer, à partir de la 7ème personne » [8] [9].

Pour sûr, lorsqu’on relit la réponse ministérielle de 2011 évoquée au début de notre propos, si elle exclut que la REOM soit exactement proportionnelle à la quantité de déchets émise par tel ou tel redevable, elle suggère quand même que la collectivité instituant la REOM prenne en compte la typologie des usagers ou des bâtiments, même à grand traits. Dit autrement, « l’assiette et donc la tarification choisie doivent être suffisamment simples pour ne pas trop grever les frais de gestion, mais suffisamment fines pour tenir compte du service effectivement rendu et être acceptées par les habitants » [10].

Il est donc loin d’être acquis que la tarification brionnaise ci-dessus évoquée tiendrait devant un tribunal. A plus forte raison sachant que, à l’inverse, pour les professionnels, la communauté de communes prévoit un barème progressif « selon le nombre d’actifs composant l’entreprise »…

A vrai dire, le cas brionnais ne sera bientôt plus qu’un cas d’école puisque la collectivité annonce qu’« en 2024 ou 2025, le tarif de la REOM sera affiné et prendra en compte le nombre de personnes dans le foyer » [11].

Elle évoque même l’instauration d’une part incitative « à l’horizon 2026 ».

Cependant, combien d’autres collectivités appliquent encore un tarif indifférencié ?...

Frédéric Zumbiehl, juriste Union nationale des propriétaires immobiliers

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Notes de l'article:

[1Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales, Les Finances des collectivités locales en 2018 https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/Accueil/DESL/2021/OFGL/ofgl2018_publication_globale_1.pdf

[2Réponse ministérielle, Q. n° 82538, JOAN Q 10 mai 2011, p. 4810 https://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-82538QE.htm

[3Conseil d’Etat, 8 / 9 SSR, 23 novembre 1992, n°78049 Conseil d’Etat, 8 / 9 SSR, du 23 novembre 1992, 78049, inédit au recueil Lebon - Légifrance (legifrance.gouv.fr).

[4Conseil d’Etat, 6 / 2 SSR, 26 mars 1997, n°141946 Conseil d’Etat, 6 / 2 SSR, du 26 mars 1997, 141946, inédit au recueil Lebon - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

[6Conseil d’État, 9 / 8 SSR, 28 juillet 1999, n°169063 https://juricaf.org/arret/FRANCE-CONSEILDETAT-19990728-169063

[7Circulaire n° 249 du 10/11/00 relative à la gestion de l’élimination des déchets des ménages | AIDA (ineris.fr) Circulaire n° 249 du 10/11/00 relative à la gestion de l’élimination des déchets des ménages | AIDA (ineris.fr).

[8Conseil d’Etat, 8 / 9 SSR, du 27 février 1998, n°160932 Conseil d’Etat, 8 / 9 SSR, du 27 février 1998, 160932, mentionné aux tables du recueil Lebon - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

[9AMF, Le financement du service d’enlèvement des déchets ménagers, 2005 http://medias.amf.asso.fr/docs/DOCUMENTS/23122005FINANCEMENT_ELIMINATION_DECHETS_200512291.pdf

[10Circulaire ministérielle précitée de 2000.

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