Platon a écrit que les choses sont cachées derrière les choses.
Roboratif, le second segment de la problématique ouvre sur la perspective d’un déplacement sinon d’une dystrophie de la légitimité démocratique de l’Etat-institution ; faisant lentement glisser « l’état architecture organisationnelle » vers « l’état entité organisatrice ».
Et à terme, ce sont les contours d’un totalitarisme insidieux que l’on pourrait bien voir se dessiner : un dysfonctionnement entre la déclinaison technique du politique et sa source.
Il est inutile ni intéressant de rechercher la faute ; la solution appert moins de la responsabilité que de la cognition.
S’engage néanmoins un débat d’obédience kantienne entre une conception transcendantale de l’Etat et un Etat devenu immanent.
Architecture organisationnelle.
Elle réintroduit le critère démocratique du consentement, précisément. Un mouvement quantique de complexification sublimale des intérêts particuliers vers l’intérêt général.
Un schéma qui relève volontairement du paradigme.
Le consentement.
Envisageons-le dans sa dimension séculière ; c’est-à-dire de l’interpénétration du modèle politique et de sa réalité sociétale.
Si, dans notre modèle politique, le consentement est la trame la plus aboutie de la transcription juridique, reste qu’en immersion dans la réalité sociétale, il se pourrait qu’il n’existe plus que comme une résonance technique.
Ne devrait-on pas déjà évoquer, à la louche il est vrai, une soumission passive ?
La désaffection des urnes, le désintérêt pour la chose publique … la distension de la citoyenneté, en général, ne sont-ils pas comme autant de signaux ?
Les gens n’ont-ils pas occulté la finalité de l’impôt qu’ils acquittent ? La baisse du revenu des ménages alimente la colère … quid de l’élévation du niveau de vie ?
La commune renommée a plaisamment élevé l’évasion fiscale au rang de « sport national » ; elle disqualifie les contributions en « prélèvements obligatoires ».
Lénifiantes, les expressions qui ne sont là qu’à titre d’exemple, traduisent pourtant le délitement du lien social ; une déstructuration de notre affectio societatis en quelque sorte, aux conséquences subintrantes sur notre référentiel politique.
Conséquences en cascade.
Dans la hâte, un structurel qui cède de plus en plus de terrain au conjoncturel et des lois qui en deviennent circonstancielles ; qui bousculent au besoin, les procédures … un pays qui ne respecte plus ses procédures pourrait bien en finir rapidement avec l’essentiel !
La symbolique seule de la légitimité démocratique ne serait-elle pas restée ?
Les affres d’un monde aléatoire ont, d’une certaine manière, renforcé l’Etat, en son acception du pouvoir sur les esprits. De garant de la pérennisation du fondement démocratique, il semble muter en gardien de l’apaisante tranquillité.
Voilà peut-être le plus petit commun dénominateur qui nous relie encore au paradigme.
On a relégué, comme de vieux rossignols, qui ne chantent d’ailleurs plus, les grandes idéologies ; les choix de société ont été enfouis au fond des armoires, sans naphtaline.
Le développement des sciences a apporté sa cohorte de nouvelles controverses morales qui échappent peu ou prou au débat national, accaparées qu’elles sont, par les comités d’éthique et les décideurs de l’Etat. Car il est indispensable d’aller vite … le progrès n’attend pas !
La démocratie, c’est aussi un cheminement intellectuel.
Qui reste vain intuitus personae.
Pour émulsionner et enfin tirer vers le haut, il lui faut se nourrir de la confrontation, qu’elle soit positive ou négative, à l’autre.
Ceci postule de l’existence de passerelles entre les personnes, groupes ou structures, dont le niveau varie avec la faculté que nous avons de nous identifier l’un dans l’autre.
Notre école de tout le monde, nos universités, nos satellites, …internet pourraient bien n’être qu’un cataplasme sur une jambe de bois, si l’on ne parvient à se décloisonner, à déverrouiller notre enfermement.
A l’exception d’un noyau dur d’opportunistes de l’extrêmisme, il n’y a là, rien que quiconque veuille ; mais un processus avancé d’érosion de l’harmonie communautaire.
Harmonie communautaire : expression minimaliste d’une conception demeurée maximaliste de notre unité.
Là est notre paradoxe ; et notre chance, peut-être !
Si de la méthode, nous ne tirions le fil d’Ariane, notre scepticisme cartésien pourrait bien se perdre !
L’institutionnalisation des valeurs démocratiques, l’instrumentalisation croissante de l’Etat dans la vie courante, les séismes de notre histoire, la traîne résiduelle des grands courants de pensée, … participent d’un certain niveau de maintien du filigrane démocratique dans la société globale.
Mais il y a bel et bien novation.
Novation, car la cause de notre contrat social se modifie.
Les régimes politiques se succèdent ; nonobstant que l’outil juridique ne change pas fondamentalement sa nature démocratique. Le constat reste heureux tant en droit public qu’en droit privé.
La novation s’opère dans nos têtes, pas encore dans nos codes.
Il en va des totalitarismes comme de la démocratie : en dehors des prises brutales du pouvoir, ils poursuivent leur petit bonhomme de chemin dans les cortex ; d’autant plus aisément que l’importance du voisin s’amenuise.
A bien y réfléchir, l’exacerbation des sentiments sécuritaire, d’appartenance à un groupe, …, la course effrénée au statut social procèdent de la même dérive égocentrique.
L’abandon de la référence à l’autre est un excellent terreau … d’ici qu’il passe à l’ennemi !
Notre isolationnisme, obstacle dirimant au dessein commun, partant, à l’action politique, nous place en position d’attente dans notre rapport à l’Etat. Une attente assez triste d’ailleurs, de simple performance technique.
Et c’est cette attente qui finit causalement par sous-tendre notre alchimie créatrice d’Etat ; à le légitimer à elle seule.
Il en ressort qu’on se situe très nettement en recul par rapport à nos aînés ; faute de ne savoir plus conjuguer la démocratie au mode participatif.
Ainsi, l’attente qui est une émanation du concept de passivité, induit-elle un immobilisme normatif du corps social avec son corollaire, l’autonomie de l’institution.
Nos mandataires ne se transforment-ils pas peu à peu en dépositaires ?
Au final, parce qu’il est rassurant qu’en démocratie, on se dote de l’Etat qui nous ressemble ; alors, rassurons-nous … l’oligarchie n’est plus très loin !
Discussions en cours :
C’est puissant, mais il y a abus de termes pédants ou trop spécialisés. Etre instruit c’est bien, mais il faut savoir aussi parler simplement. Dommage c’est très intéressant ce sujet.
Pour rebondir sur les deux dernières réflexions en réponse à l’auteur sur ce forum, je pense que le droit de s’exprimer avec des mots adaptés et entrant dans le format d’une analyse monographique et spécialisée ne saurait être un obstacle pour le lecteur lambda, eu égard aux services quasiment immédiats que nous offrent désormais en ligne nombre de dictionnaires comme google. En effet, il apparaît souvent utile d’utiliser un langage spécialisé, comme dans tout microglossaire corporatif, pour accrocher une expression appropriée qui renforce l’esprit d’une analyse. Il est légitime que le labeur de l’auteur soit accompagné d’un effort du lecteur, ne serait-ce que pour la compréhension et l’instruction qui en découle. Pour l’esprit de ce texte, je conviens qu’il m’aura apporté une autre piste de réflexion, ce qui, d’accord ou pas d’accord, est un cadeau que j’apprécie. Merci pour tous. Daniel Desurvire
C’est bien écrit, peut-être même TROP bien écrit, ce qui ne rend pas ce texte accessible à tous. Et c’est bien dommage car le sujet et la réflexion méritent l’intérêt !