La loi n°2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail offre à l’employeur et au salarié la possibilité de convenir d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée qui les lie.
Ce mode conventionnel de rupture du contrat de travail apparaît avantageux pour chacune des parties au contrat.
Ainsi, l’employeur se prémunit contre les risques de plus en plus fréquents et financièrement très lourds d’une requalification par le Conseil de prud’hommes du licenciement intervenu en raison d’une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement.
Le salarié quant à lui peut enfin mettre un terme à son contrat de travail tout en bénéficiant, dans les conditions de droit commun (activité préalable suffisante, recherche active d’emploi) de l’allocation d’assurance chômage.
Bien que dorénavant régi par les articles L1237-11 à L1237-16 du Code du travail, ce mode de rupture conventionnelle ne constitue pas une véritable innovation.
En effet, le droit positif reconnaît explicitement quelques cas de rupture réputée d’un commun accord ; notamment lorsqu’un salarié accepte une convention de reclassement personalisé en application de l’article L1233-67 du Code du travail.
Par ailleurs, la jurisprudence admet de longue date la validité de ce type de rupture qui prend en pratique des dénominations diverses et variées : départ négocié, résiliation ou rupture amiable...
Cette nouvelle loi vise donc principalement à pallier au phénomène du licenciement négocié en fraude aux ASSEDICS.
Le régime de cette rupture conventionnelle s’il présente l’avantage d’une procédure simplifiée laisse néanmoins certaines questions sans réponse.
I CHAMP D’APPLICATION
1. Salariés concernés
Tous les salariés peuvent conclure une rupture conventionnelle, y compris les salariés bénéficiant d’une protection en raison du mandat qu’ils exercent (l’article L2411-1 du Code du travail fixe la liste exhaustive des différents mandats dont peuvent être investis lesdits salariés).
2. Contexte de la rupture
La rupture conventionnelle n’est pas applicable aux ruptures de contrats de travail résultant :
des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE).
II LE LIBRE CONSENTEMENT DES PARTIES
Afin de s’assurer d’un consentement libre et éclairé des parties, l’article L1237-12 du Code du travail pose pour principe que la rupture conventionnelle doit être négociée entre les parties au cours d’un ou de plusieurs entretiens.
1. Organisation de l’entretien
Si le code du travail prévoit l’obligation de l’organisation d’un ou plusieurs entretiens, les textes ne prévoient rien s’agissant de la fixation de leurs date, heure et lieu.
Bien que l’employeur dispose d’une totale liberté en la matière ; il est néanmoins vivement conseillé d’inviter par écrit le salarié en mentionnant le lieu, la date et l’heure tout en prévoyant un délai raisonnable afin de permettre au salarié d’exercer son droit d’assistance.
2. assistance des parties
Au cours de cet entretien (ou de ces entretiens), le salarié peut se faire assister :
soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel (par exemple, un délégué du personnel ou un membre élu du comité d’entreprise) ou tout autre salarié ;
soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative. Cette liste est consultable auprès de la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (précisément, dans chaque section d’inspection du travail) et dans chaque mairie.
Si le salarié choisit de se faire assister dans les conditions précisées ci-dessus, il doit en informer l’employeur avant la date prévue pour le ou les entretiens.
Lorsque le salarié choisit de se faire assister, l’employeur peut à son tour se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, dans les entreprises de moins de 50 salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.
L’employeur qui souhaite se faire assister doit également en informer le salarié, avant la date fixée pour le ou les entretiens.
La liste des personnes susceptibles d’assister le salarié ou l’employeur est limitative.
3. droit de rétractation
Afin d’éviter les décisions trop hâtives et permettre à chaque partie de mesurer la portée de sa décision, la loi :
impose un délai minimum de 15 jours calendaires (tous les jours de la semaine, samedi et dimanche compris) entre la signature de la convention et sa transmission à l’autorité administrative pour homologation (salariés non protégés) ou autorisation (salariés protégés)
permet à chaque partie de se rétracter durant ces 15 jours sans avoir à motiver sa décision.
Ce droit de rétractation est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie. Pour se prémunir de toute difficulté, la partie qui souhaite se rétracter a intérêt de le faire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise à l’autre partie en main propre contre décharge mentionnant la date de remise.
III CONTENU DE LA CONVENTION
La convention de rupture élaborée entre l’employeur et le salarié définit les conditions de cette rupture, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui sera versée au salarié. Ce montant ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement (dorénavant versée aux salariés comptant un an d’ancienneté et non plus deux comme par le passé) prévue à l’article L. 1234-9 du Code du travail.
Cette convention fixe également la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation de la convention par l’autorité administrative ou l’autorisation de l’inspecteur du travail pour les salariés protégés.
Sous cette réserve, les parties sont libres de fixer, à leur convenance, la date de la fin du contrat de travail.
La convention doit être signée par les deux parties. Aucune procédure particulière n’est prévue pour donner date certaine à la convention. La date fixant le point de départ du délai de rétractation, il est conseillé de procéder à la signature en présence de témoins.
Sauf accord exprès des parties, le contrat de travail continue de s’exécuter normalement pendant tout le temps que dure la procédure d’élaboration et d’homologation de la convention, et jusqu’à la date fixée pour sa rupture.
IV UNE CONVENTION CONTROLEE
Le contrôle de la convention diffère en fonction que l’on se trouve en présence d’un salarié protégé ou pas.
1. salariés non protégés : homologation préalable
La validité de la convention de rupture élaborée entre le salarié et l’employeur est subordonnée à son homologation par le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP).
Ainsi, au terme du délai de rétractation, la partie la plus diligente doit adresser une demande d’homologation au DDTEFP. Cette demande doit être formulée au moyen du formulaire règlementaire établi par l’arrêté du 18 juillet 2008 (JO 19 juillet), accompagné d’un exemplaire de la convention de rupture.
L’autorité administrative dispose alors d’un délai d’instruction de 15 jours ouvrables, à compter de la réception de la demande (sont réputés ouvrables, tous les jours de la semaine, à l’exclusion du dimanche et du 1er mai. Les jours fériés autres que le 1er mai perdent également leur caractère de jours ouvrables lorsqu’ils sont habituellement chômés dans l’entreprise ou la branche).
Le contrôle visera donc à s’assurer du respect :
du libre consentement des parties
des règles relatives à l’assistance des parties
du droit de rétractation
du montant minimal de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle
de la date envisagée de la rupture du contrat de travail.
A l’issue de ces 15 jours d’instruction, trois cas de figure sont possibles.
acceptation de l’homologation
La rupture du contrat de travail interviendra donc à la date fixée par les parties.
défaut de réponse
A défaut de notification dans ce délai de 15 jours, l’homologation est réputée acquise ; il s’agira donc d’une homologation « tacite » ou « implicite » qui dessaisira l’autorité administrative.
rejet motivé
En cas de refus, l’administration doit en préciser les motifs.Une liste non exhaustive est donnée :
> non-respect des règles de l’assistance
> indemnité de rupture inférieure au minimum légal
> non-respect du délai de rétractation
> absence de liberté du consentement
> dossier incomplet (une nouvelle demande d’homologation est alors possible)
En pareille hypothèse, le contrat de travail se poursuivra.
Un recours contre ce refus peut être formé par l’une des parties.
2. salariés protégés : autorisation préalable de l’inspecteur du travail
En présence d’un salarié protégé, la rupture conventionnelle ne fait pas l’objet d’une homologation mais est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail.
S’agissant des délégués du personnel, des membres élus du CE et des représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions du travail, l’employeur devra en outre obtenir au préalable l’avis du CE et joindre le procès-verbal de la réunion à la demande d’autorisation qui devra être présentée dans les quinze jours suivant cette réunion. La convention ne pourra être signée avant la consultation du CE.
Dans tous les cas, la demande d’autorisation, accompagnée d’un exemplaire de la convention, doit être adressée à l’inspecteur du travail au moyen du formulaire règlementaire spécifique aux salariés protégés.
Cette demande d’autorisation ne peut être transmise à l’inspecteur du travail qu’à l’issue du délai de 15 jours calendaires prévu pour l’exercice du droit de rétractation.
La rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l’autorisation donnée par l’inspecteur du travail.
V INDEMNITES DUES AU SALARIE ET REGIME FISCAL
À l’occasion de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, le salarié doit percevoir une indemnité spécifique de rupture conventionnelle dont le montant ne peut être inférieur au montant de l’indemnité légale de licenciement,à savoir:1/5ème de mois de salaire par année d’ancienneté auquel s’ajoute 2/15ème de mois par année au-delà de 10 ans d’ancienneté. La base de calcul est la moyenne la plus favorable au salarié des 3 ou 12 derniers mois bruts de salaire.
Le montant de l’indemnité doit figurer en toutes lettres dans la convention conclue avec l’employeur.
Par ailleurs, s’il quitte l’entreprise avant d’avoir pu prendre la totalité des congés payés qu’il avait acquis, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de congés payés, ainsi qu’à l’ensemble des éléments de rémunération dus par l’employeur à la date de la rupture du contrat de travail.
Au moment du départ de l’entreprise, l’employeur doit remettre au salarié un certificat de travail et un exemplaire de l’attestation ASSEDIC. Il doit également établir un solde de tout compte dont il demandera au salarié de lui donner reçu.
Le salarié aura droit aux allocations de chômage dans les conditions de droit commun.
Il est à noter enfin que s’agissant du régime fiscal et social de l’indemnité, il y a lieu de distinguer entre les salariés ayant atteint l’âge de la retraite et ceux ne l’ayant pas atteint.
S’agissant des salariés n’ayant pas atteint l’âge de la retraite : même plafonds d’exonération que l’indemnité de licenciement. Si le salarié ne peut bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire, l’indemnité de rupture est exonérée de cotisations de sécurité sociale et d’impôt sur le revenu à concurrence de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. Si l’indemnité est supérieure à ce montant, elle reste exonérée dans la limite de six fois le plafond de la sécurité sociale (soit 199 656 euros en 2008) à hauteur des deux seuils suivants :
1. 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédent la rupture de son contrat de travail
2. ou 50% du montant de l’indemnité si ce montant est supérieur
Quant aux salariés ayant atteint l’âge de la retraite, il n’existe pas de mention spécifique. Il convient donc d’appliquer le régime applicable aux indemnités de départ à la retraite. Lorsque le salarié quitte de son plein gré l’entreprise pour sa retraite, l’indemnité de départ est exonérée d’impôt dans la limite de 3050 euros et assujettie aux cotisations sociales et à la CSG CRDS.
VI CONTENTIEUX
Le conseil de prud’hommes est seul compétent pour connaître des litiges concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation. Tout autre recours contentieux ou administratif est exclu (sauf pour les salariés protégés dans le cadre de l’autorisation de rupture conventionnelle).
Le recours juridictionnel devant le conseil de prud’hommes doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de 12 mois à compter de la date d’homologation de la convention.
L’homologation ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la convention.
Si la rupture conventionnelle est remise en cause, le salarié devra réintégrer l’entreprise.
S’agissant des salariés protégés, le recours contre le refus de l’inspecteur du travail devra être formé devant le ministre et / ou devant le tribunal administratif.
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Avocats au barreau de Paris.