• Les faits de l’affaire : Une société de presse et son prestataire, qui réalisait des travaux préalables d’édition, travaillaient ensemble depuis 12 ans, lorsque la société de presse a décidé de reprendre en interne l’activité sous-traitée. Cette dernière a donc informé son prestataire de l’arrêt de leur collaboration, après un préavis de 14 semaines. Ce délai résultait en effet des usages professionnels et des « conditions générales de vente de la profession », qui prévoyaient une certaine durée en fonction de la tranche de chiffres d’affaires hors taxe réalisé.
Le prestataire ainsi évincé a néanmoins décidé d’assigner la société de presse en réparation de son préjudice, sur le fondement de la rupture brutale de leurs relations commerciales, invoquant la violation de l’article L 442-6, I, 5° du Code de commerce.
Cet article interdit en effet à tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».
• La décision de la Cour : La Cour d’appel de Versailles ayant fait droit à la demande du prestataire en estimant que le délai de préavis de 4 mois était insuffisant au regard de la durée des relations commerciales, la société de presse forme alors un pourvoi en cassation.
Cependant, la Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel, considérant que « l’existence d’usages professionnels ne dispense pas la juridiction d’examiner si le préavis, qui respecte le délai minimal fixé par ces usages tient compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances de l’espèce, notamment de l’état de dépendance économique de l’entreprise évincée ».
Ainsi, bien que ce critère soit mentionné par l’article L 442-6, I, 5° du Code de commerce, il importe peu que le délai de préavis respecté soit fixé par les usages de la profession, celui-ci doit avant tout prendre en considération la durée des relations commerciales, mais également l’état de dépendance économique de la victime de la rupture par rapport à l’auteur de la rupture, les investissements effectués par la victime au profit de l’auteur de la rupture, le temps de reconversion nécessaire,…
En effet, de manière plus générale, l’analyse de la jurisprudence montre que l’appréciation de la durée du préavis ne se fait pas uniquement au regard de la durée des relations commerciales, les juges pouvant accorder un délai de préavis très variable pour une durée identique des relations commerciales.
Par conséquent, nous vous recommandons de :
Ne pas vous fiez uniquement aux usages pratiqués au sein de votre profession concernant les délais de préavis en matière de rupture des relations commerciales.
Anticiper et évaluer le délai de préavis que vous devriez respecter avant de prendre toute décision de rupture d’un contrat relevant d’une relation d’affaire établie.