D’ores et déjà, comme l’évoquait le premier adjoint à la mairie de Paris interrogé par l’Agence France-Presse, il convient de préciser que la date d’adoption définitive du PLU interviendra « fin 2024, début 2025 au plus tard ».
Ces décisions sont notamment fondées sur les orientations générales du Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) du futur PLU bioclimatique.
En effet, lesdites orientations, telles qu’adoptées en conseil de Paris du 16 novembre 2021, prévoient des dispositions ciblées afin de lutter contre la transformation de locaux commerciaux ou d’habitation en meublés de tourisme. Une telle levée de boucliers de la maire de Paris contre de tels changements de destination trouve ses explications notamment dans l’avant-projet de PADD :
Endiguer les dynamiques d’exclusion.
La ville de Paris porte l’ambition de contenir les dynamiques d’exclusion qui conduisent les habitantes et les habitants, notamment les plus fragiles, à quitter la capitale. Le PLU bioclimatique pourra contribuer à cet effort notamment par :
- favoriser la mixité sociale et intergénérationnelle au sein des opérations futures sur l’ensemble du territoire ;
- lutter contre la gentrification, notamment au sein des zones de faubourgs dans les arrondissements périphériques, en promouvant une offre adaptée aux ressources des populations résidentes ;
- protéger les logements existants dans les secteurs du centre et de l’ouest parisien où les fonctions tertiaires sont prédominantes dans une logique de rééquilibrage est/ouest du logement et de l’emploi ;
- s’opposer au développement des meublés touristiques ;
- limiter la hausse des loyers et des coûts d’acquisition des logements par le développement du bail réel solidaire et la maîtrise des prix de vente dans les opérations d’aménagement.
Dans ce contexte, la multiplication des sursis édictés par la ville pourrait conduire à d’importantes répercussions pour les différents acteurs du secteur, obligeant ces derniers à interrompre leurs activités.
Dès à présent, il convient d’envisager des pistes relatives à la contestation de tels sursis à statuer.
I. Sur la motivation des sursis à statuer.
L’article L424-1 du Code de l’urbanisme prévoit que le sursis à statuer doit être motivé : « Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans ». Aussi, l’article A424-4 du même code, poursuit en précisant que lorsqu’il est sursis à statuer sur une demande de déclaration préalable : « L’arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision ». Ainsi, la loi impose non seulement à l’administration de motiver ses sursis, mais elle encadre aussi les modalités de cette motivation.
L’article L123-6 du Code de l’urbanisme prévoit que l’administration ne peut opposer de sursis à statuer à un demandeur que lorsqu’il s’agit de
« demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan ».
Or, il est de jurisprudence constante qu’en application de l’article L424-1 précité, la motivation de l’arrêté de sursis doit être suffisante et de nature à démontrer que le projet en litige compromettrait ou rendrait plus onéreuse l’exécution du futur plan.
A ce titre et encore très récemment, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé la nécessité d’une telle démonstration, condition sine qua non de l’édiction d’un sursis à statuer.
Ainsi, une motivation trop générale serait à elle seule insuffisante, ne permettant pas d’éviter que le « requérant ne se batte pas contre des ombres, aux contours aussi éthérés que mouvants ». En effet, celui-ci doit en tout état de cause être confronté à « une quasi-norme, dont il est informé du contenu dans toute la mesure où elle justifie la mise en attente de son projet », comme l’évoque le rapporteur public sur la récente décision du Conseil d’Etat du 21 avril 2021 [1].
Au surplus, il semble que la motivation de telles décisions de sursis à statuer soient pour la plupart strictement identiques.
Manifestement, ces éléments sont contestables en ce qu’ils semblent entériner l’hypothèse d’une absence générale d’analyse casuistique.
II. Les orientations du PADD comme fondement des décisions de sursis.
Comme le prévoit le Code de l’urbanisme, la ville de Paris a la possibilité de fonder ses sursis sur les orientations du PADD.
L’opposition au développement des meublés touristiques qu’il prévoit, est subordonnée à un objectif plus large de lutte contre les « dynamiques d’exclusion », dynamique générale dans laquelle le projet de PLU futur s’inscrit.
En réalité, une telle opposition au développement des meublés de tourisme n’est plus un but en lui-même, mais un moyen permettant de réguler l’inflation immobilière et la diminution du nombre de commerces ainsi que de logements, a fortiori de logements accessibles, sur le marché parisien.
Ainsi, deux autres des orientations, accompagnant celle visant à limiter les meublés de tourisme, consistent à « protéger les logements existants dans les secteurs du centre et de l’ouest parisien » et à « limiter la hausse des loyers et des coûts d’acquisition des logements ».
Néanmoins, il est nécessaire que l’administration prenne en compte les exigences jurisprudentielles et devra apprécier de manière casuistique si le changement de destination concerné porte réellement atteinte aux orientations du PADD.
On peut noter par exemple que la transformation d’anciens bureaux en logements d’habitations, fussent-ils à destination locative, ne semble pas être en contradiction avec cette politique de l’habitat mais, a contrario, semblerait plutôt y participer.
III. La ville de Paris peut elle interdire purement et simplement les changements de sous-destination d’immeubles en meublés de tourisme ?
Comme évoqué, l’avant-projet des orientations d’aménagement et de programmation ainsi que du règlement du futur PLUb dont les dernières phases de concertation se sont achevées et approuvé par le conseil de la ville de Paris lundi 5 juin 2023, présentent l’objectif de « limiter le développement de l’offre de meublés touristiques » en « restreignant la possibilité de transformation de bureaux en meublés touristiques ».
Cet avant-projet précise que « le règlement envisage d’intégrer des dispositifs coercitifs pour limiter le développement » des meublés de tourisme, au rang desquels figurera l’interdiction de création de surfaces relevant de la sous destination « Autres hébergements touristiques » dans de très nombreux secteurs. Corroborant cette interdiction pure et simple, une carte de l’avant projet de règlement délimite la surface des secteurs, et démontre la considérable ampleur territoriale de cette interdiction.
Pourtant, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne [2] fondée notamment sur la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2016, proscrit de manière assez claire et directe les régimes généraux d’autorisation et d’interdiction invitant à adapter le cadre règlementaire au cas par cas.
Aussi, et pour ne donner qu’un exemple très récent, en droit interne, très récemment, le juge des référés a suspendu un règlement intercommunal fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage de locaux d’habitation et déterminant les compensations tel qu’approuvé par la communauté d’agglomération Val d’Europe Agglomération, en date du 7 juillet 2022 [3].
Pour ces raisons, la conventionnalité de l’avant-projet de PLU pourrait être remise en cause et il est loin d’être exclu que le juge administratif ait bientôt à se prononcer.