Dans une décision en date du 19 juillet 2011, le Conseil avait pourtant laissé croire que l’évolution de la population entre les deux derniers recensements était sans aucune portée sur l’analyse de la CNAC, en jugeant que : « Considérant, en premier lieu, que la COMMUNE DE SAINT-ELOI soutient que la commission nationale aurait dû refuser de délivrer l’autorisation sollicitée au vu du déclin démographique dans la zone de chalandise ; que, si la demande d’autorisation doit être accompagnée d’informations relatives à la population résidant de la zone de chalandise, en application des dispositions de l’article R. 752-7 du code de commerce, il ne résulte cependant pas des dispositions précitées de l’article L. 752-6 du code de commerce qu’une stabilité ou une progression de la population au sein de la zone de chalandise figure au nombre des conditions que la commission nationale doit appliquer ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté »(CE 19 juillet 2011 Commune de Saint-Eloi , req. n° 337926).
Toutefois, un an plus tard l’augmentation de la population a été prise en compte pour apprécier les effets d’un projet sur la protection des consommateurs, la Haute Juridiction retenant que : « Considérant que si le requérant soutient que la décision attaquée aurait méconnu l’objectif fixé par le législateur en matière de protection des consommateurs, il ressort des pièces du dossier que les activités prévues par le projet sont peu développées dans la zone de chalandise concernée, dont la population est en augmentation ; que, dès lors, le projet complètera l’offre commerciale dans cette zone » (CE 29 juin 2012 Sté XMS , req. n° 353166).
On aurait pu croire, qu’en tout état de cause, les variations de la population de la zone de chalandise étaient au nombre des éléments susceptibles d’influer sur le sens de la décision de la CNAC. Mais par une décision en date du 24 octobre 2012, le Conseil d’État a semblé définitivement écarter cette position, en jugeant que : « Considérant que la variation de la population ne fait partie ni des critères, ni des objectifs fixés par les dispositions de l’article L. 752-6 du code de commerce ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la commission nationale aurait dû tenir compte de l’évolution démographique de la zone de chalandise est inopérant et ne peut être qu’écarté » (CE 24 octobre 2012, Sté Communauté d’Agglomération de Saint-Quentin et autres , req. n° 356857).
Cependant dans une décision du même jour, le Conseil d’État a apporté un éclairage bienvenu sur la place de l’évolution de la population dans le cadre de l’instruction d’une demande d’autorisation d’exploitation commerciale, en soulignant que : « Considérant que, si la Commission nationale d’aménagement commercial fait référence à l’évolution de la population de la zone de chalandise, il résulte des termes de sa décision que celle-ci est fondée sur l’appréciation des critères mentionnés plus haut du code de commerce et non sur des facteurs démographiques » (CE 24 octobre 2012 Sté SADEF , req. n° 353189).
Ainsi, la CNAC ne peut se fonder sur l’évolution démographique quand bien même elle en fait référence dans sa décision. Il convient de souligner que dans sa décision contestée devant le Conseil d’Etat, la CNAC avait pourtant, en premier considérant, souligné que « la population de la zone de chalandise établie par le demandeur, qui comptait 41.563 habitants en 1999, a connu une diminution de 0,63 % entre les recensements généraux de 1990 et de 1999 ; que le recensement légal de la population au 1er janvier 2008 fait apparaitre un accroissement de la population de la zone concernée de 3,87 % depuis 1999 ».
Et, si les autres considérants de la décision de la CNAC portaient sur les critères et les objectifs fixés par les dispositions de l’article L. 752-6 du Code de commerce, aucun élément de la décision ne permettait de considérer avec certitude que l’évolution positive de la population n’avait pas influé sur la décision de la commission.
A la lecture de cet arrêt, on pouvait néanmoins considérer que la Conseil d’État a admis, du moins implicitement, que l’évolution de la population peut être prise en compte au soutien des autres critères de l’article L. 752-6 du Code de commerce.
Du reste, dans sa décision du 28 décembre 2012, le Conseil d’État a considéré que la CNAC pouvait légalement tenir compte de l’évolution de la population, dans le cadre de l’analyse des effets d’un projet sur l’animation de la vie urbaine et rurale et notamment sur la diversification de l’offre commerciale : « Considérant, en premier lieu, que, s’agissant des effets du projet en matière d’aménagement du territoire, il ressort des pièces du dossier, d’une part, que le projet aura pour effet de diversifier l’offre alimentaire dans sa zone d’implantation, où la population a sensiblement augmenté entre 1999 et 2008, considération dont la commission nationale pouvait légalement tenir compte » (CE 28 décembre 2012 Sté JALY , req. n° 356355).
Cette position a été confirmée par un arrêt du 19 février 2013 : « Considérant, en premier lieu, que pour apprécier la conformité du projet litigieux avec ces dispositions, la Commission nationale d’aménagement commercial a relevé que ce projet, de dimension modérée, permettrait de compléter et de rééquilibrer l’offre commerciale existante au sein de la zone de chalandise, dont la population avait crû substantiellement » (CE 19 février 1013 Sté COVA, Sté ABREDIS , req. n° 355954).
Il en résulte dès lors que, si l’évolution ou la régression de la population ne peut à elle seule justifier la délivrance ou le refus d’une autorisation d’exploitation commerciale, les facteurs démographiques peuvent néanmoins, à titre accessoire, être pris en considération par la CNAC au soutien des critères d’analyse fixés par l’article L. 752-6 du Code de commerce.