Le prêt viager hypothécaire.

Par Christophe Degache.

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Explorer : # prêt viager hypothécaire # protection de l'emprunteur # sécurité du prêteur # crédit social

L’Ordonnance du 23 mars 2006 a créé le prêt viager hypothécaire codifié aux articles L 314-1 et suivants du Code de la Consommation.

L’idée fondamentale du crédit hypothécaire est de privilégier la garantie immobilière de l’emprunteur par rapport à sa solvabilité calculée habituellement par le prêteur selon le ratio revenu/endettement, qui est censé déterminer sa capacité de remboursement.

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L’application stricte de cet axiome conduit à priver des personnes ayant un patrimoine immobilier conséquent de la possibilité d’emprunter si ceux-ci entendent, pour des raisons qui leur sont propres, ne pas se séparer de ce patrimoine.

On peut ainsi qualifier le crédit hypothécaire comme un instrument à destination des personnes à liquidités réduites.

Si l’intérêt pour les bénéficiaires de ce crédit, que l’on pourra qualifier de social, est évident, il n’est non plus sans intérêts pour les prêteurs qui peuvent, d’une part, trouver en l’utilisant de nouveaux clients avec un risque assumé et, d’autre part, même si cela n’avait pas été envisagé à l’origine, retrouver aux yeux du public des valeurs de moralité et d’éthique après la crise financière de 2008 en favorisant ce crédit social.

C’est cet aspect social qui ressort du mécanisme mis en place, privilégiant la protection de l’emprunteur, tant en garantissant le risque du prêteur.

I. La protection de l’emprunteur

Dans l’imagerie populaire actuelle, le vocable « prêt hypothécaire » renvoie immanquablement à « crise des subprimes », ce qui implique d’emblée une forte défiance de la personne en recherche d’un financement.

Or le mécanisme élaboré par le Législateur français est totalement à l’opposé de cette vision, car il a un rôle protecteur très fort.

L’article L 314-1 du Code de la Consommation le définit comme :

«  Le prêt viager hypothécaire est un contrat par lequel un établissement de crédit ou un établissement financier consent à une personne physique un prêt sous forme d’un capital ou de versements périodiques, garanti par une hypothèque constituée sur un bien immobilier de l’emprunteur à usage exclusif d’habitation et dont le remboursement-principal et intérêts capitalisés annuellement ne peut être exigé qu’au décès de l’emprunteur ou lors de l’aliénation ou du démembrement de la propriété de l’immeuble hypothéqué s’ils surviennent avant le décès  ».

La définition du prêt hypothécaire « français » pose rapidement et manière évidente une première barrière protectrice liée au terme, le prêt est remboursé au décès du bénéficiaire.

La solvabilité présente de celui-ci n’est donc pas l’élément déterminant sa possibilité d’obtenir un crédit, ce qui change tout par rapport aux autres types de prêt.

La fluctuation à la baisse de ses revenus n’aura aucun impact par rapport à sa situation vis-à-vis de l’organisme prêteur.

La seule obligation pesant sur le bénéficiaire est celle d’entretenir l’immeuble en « bon père de famille », il est notable que celle obligation n’est assortie d’aucune sanction, en cas de non-respect, par le Législateur.

Enfin, le système protège également les héritiers du bénéficiaire car l’organisme prêteur ne peut pas, en cas de défaillance de l’emprunteur ou de ses ayants-droits, réaliser de plus-value sur la vente de l’immeuble.

L’article L 314-9 du Code de la Consommation dispose :

«  La dette de l’emprunteur ou de ses ayants droit ne peut jamais excéder la valeur de l’immeuble appréciée lors de l’échéance du terme.
Lorsque le créancier hypothécaire met en jeu sa garantie à l’échéance du terme, si la dette est alors inférieure à la valeur de l’immeuble, la différence entre cette valeur et le montant de la créance est versée, selon le cas, à l’emprunteur ou à ses héritiers
 ».

La valeur de l’immeuble étant fixée selon une expertise.

Ainsi le crédit hypothécaire créé par le Législateur offre de réels avantages à tout emprunteur possédant un bien immobilier.

Cependant, il n’est pas non plus dénué d’intérêts pour les banques.

II. La sécurité du prêteur

On rappellera que ce prêt créé in abstracto par le Législateur est encouragé par le Gouvernement, le Site Internet du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie exergue :

« Il faut favoriser la croissance en donnant de nouvelles libertés aux consommateurs ».

Ce prêt ne vise pas les activités professionnelles.

L’intérêt pour un établissement bancaire d’accorder ce type de crédit réside essentiellement dans la garantie de recouvrer l’intégralité du prêt, capital et intérêts, qu’elle accorde.

En effet, le montant du prêt accordé sera toujours inférieur à la valeur vénale de l’immeuble.

En pratique les prêts accordés se situent à peu près à 70 % de la valeur du bien, valeur fixée au moment de la conclusion du prêt.

Et même si le texte est laconique, prévoyant seulement une expertise, il est probable que l’établissement prêteur a toujours la main sur l’estimation de la valeur du bien.

Par ailleurs, la banque pourra fixer le taux des intérêts à ce montant supérieur à ceux du marché, l’emprunteur n’ayant pas vocation à discuter ceux-ci dans la mesure où le remboursement garanti interviendra à son décès.

Le fait que la banque ne puisse pas réaliser de plus-value sur la valeur du bien, la conduira logiquement, d’une part, à surcoter la valeur de l’immeuble et, d’autre part, à augmenter le taux de l’intérêt eu égard au remboursement éloigné du prêt, sans que cela puisse paraître abusif eu égard à l’économie du contrat.

Enfin, à ces éléments d’ordre économique il convient d’ajouter un intérêt en termes d’image et de communication pour l’établissement de crédit qui dispensera ce type de prêt dont nous avons vu la vocation sociale au profit des plus démunis.

Ce dernier point, en résonnance avec la piètre image dans le public des banques, incitera peut-être celles-ci à avoir recours à cet instrument de crédit qui ne génère, à notre connaissance, pas ou peu de contentieux.

Christophe Degache

Avocat à Lyon

www.christophedegacheavocat.com

christophedegache chez orange.fr.

Christophe Degache
Avocat au Barreau de la Haute-Loire
DEA Droit public
christophe.degache chez bbox.fr

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