I – Les personnes pouvant obtenir une ordonnance de protection.
L’ordonnance de protection peut être délivrée en cas de violences commises au sein d’un couple ou ancien couple, qu’il s’agisse de conjoints, partenaires de PACS ou encore de concubins. Depuis la loi du 28 décembre 2019, il n’est plus nécessaire qu’il y ait eu cohabitation entre les deux membres du couple. Le but du législateur est d’assouplir la notion de couple afin de protéger plus largement les victimes de violences conjugales [1].
Il convient de noter que l’ordonnance de protection peut aussi être délivrée lorsqu’une personne majeure est menacée de mariage forcé [2].
II – Les différents types de violences.
Les violences visées par l’ordonnance de protection peuvent être de plusieurs ordres :
Les violences physiques : qu’il s’agisse de coups ou de blessures ;
Les violences psychologiques : cela peut se traduire par des situations de harcèlement, de dénigrement, de chantage, de pressions psychologiques, d’insultes, de menaces ;
Les violences sexuelles : cela peut se manifester par des agressions sexuelles, des viols conjugaux.
Les violences économiques : il peut s’agir de la privation de ressources de la victime, de la subtilisation de ses économies, de l’accès à ses comptes bancaires sans son consentement. Cela peut aussi se traduire par le maintien de la victime dans une dépendance financière.
Le dépôt de plainte n’est pas obligatoire pour solliciter et obtenir une ordonnance de protection [3]. Néanmoins, si la victime en a la possibilité, cela est préférable. Après le dépôt de plainte, elle peut être examinée par les Unités Médico-Judiciaires (UMJ) qui peuvent établir un certificat médical et déterminer le nombre de jours d’interdiction totale de travail (ITT).
III – La procédure et les conditions pour obtenir une ordonnance de protection.
Pour obtenir une ordonnance de protection, la victime n’est pas obligée de se faire assister par un avocat [4], bien que cela soit recommandé.
Le juge aux affaires familiale doit être saisi par requête. Précisons que pendant toute la durée de la procédure de l’ordonnance de protection, le demandeur peut dissimuler son adresse. Il peut donc ne pas la mentionner dans sa requête. Il devra alors élire domicile chez son avocat ou auprès du Procureur de la République [5].
Lors de l’audience, les parties peuvent être entendues ensemble ou séparément. La majorité des audiences ont lieu en présence des deux parties (et de leurs avocats si elles sont assistées), mais, le juge ou l’une des parties peut demander que les auditions aient lieu séparément [6].
L’ordonnance de protection, compte tenu de son caractère urgent, est rendue dans un délai très rapide : six jours à compter de la fixation de la date d’audience [7]. Il est possible d’interjeter appel de l’ordonnance de protection dans un délai de 15 jours suivant sa notification [8].
IV – Les arguments et les preuves permettant d’obtenir l’ordonnance de protection.
L’obtention de l’ordonnance de protection est subordonnée à l’existence de violences vraisemblables, qui, comme vu précédemment, peuvent être plurielles (physiques, psychologiques, sexuelles etc.). La charge de la preuve pèse sur le demandeur : la victime doit donc prouver les violences, la mise en danger et l’urgence. Pour ce faire, tous les moyens de preuve sont admis, à condition de ne pas être déloyaux (par exemple, filmer une personne à son insu n’est pas une preuve loyale).
Parmi les preuves recevables et pertinentes, il y a notamment, les mains courantes, les plaintes, les certificats médicaux (qu’ils proviennent ou non des unités médico-judiciaires), les attestations de proches ou de voisins. Les SMS et courriels reçus et envoyés peuvent également être produits. Pour les appels, il est possible de joindre le relevé des appels téléphoniques mais aussi les messages vocaux.
Si le défendeur a des antécédents judiciaires, il convient de mettre ces éléments en avant, il peut s’agir, par exemple, de condamnations pénales.
Pour octroyer l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales doit considérer comme vraisemblables les violences et le danger auquel la victime (et éventuellement ses enfants) est exposée. Le juge se fonde sur un « faisceau d’indices », ce qui signifie qu’il se base sur l’ensemble des preuves permettant d’appuyer la position de l’une ou de l’autre partie.
V – Les mesures que peut contenir une ordonnance de protection.
Lorsque le juge aux affaires familiales accorde l’ordonnance de protection, il peut prendre plusieurs mesures. Parmi celles-ci, il y a notamment :
L’interdiction d’entrer en contact : cela peut se manifester par des interdictions d’entrer en relation ou de rencontrer physiquement certaines personnes désignées par le juge aux affaires familiales.
L’attribution du domicile conjugal : depuis la loi du 30 juillet 2020, les 3° et 4° de l’article 511-1 du Code civil ont été modifiés. Le domicile conjugal est désormais attribué, en principe, à la victime de violences conjugales.
Il convient de noter que lorsqu’une personne a obtenu une ordonnance de protection, elle bénéficie d’une période de préavis réduite si elle décide de quitter le logement dont elle est locataire. Ainsi, la période de préavis est d’un mois au lieu de trois. Cela est aussi valable en cas de condamnation (même non définitive) du conjoint, partenaire de PACS ou concubin (ou ancien conjoint, ancien partenaire de PACS, ancien concubin) en raison des violences exercées au sein du couple ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui [9].
La dissimulation de l’adresse de la victime : cela suppose néanmoins que la victime n’ait pas l’attribution du domicile conjugal.
Le port d’un bracelet anti-rapprochement : depuis août 2020, le juge aux affaires familiales, peut, dans le cadre d’une ordonnance de protection, prononcer une interdiction de rapprochement d’une certaine distance entre la victime et l’auteur des violences. Pour que cette mesure soit possible, il faut que les deux parties donnent leur consentement. Si l’auteur des violences refuse ce dispositif, le juge aux affaires familiales en avertit, sans délai, le Procureur de la République [10]. Ce système fonctionne grâce à la géolocalisation, si l’auteur des violences ne respecte pas les distances imposées, une alerte est donnée à un centre de surveillance.
Les mesures relatives aux enfants : le juge aux affaires familiales peut se prononcer, notamment, sur la résidence habituelle des enfants, sur le droit de visite et d’hébergement (qui peut avoir lieu dans un lieu neutre), sur le versement d’une pension alimentaire.
La contribution aux charges du mariage : pour les couples mariés, le juge aux affaires familiales peut se prononcer sur ce point. Pour les partenaires de PACS, le juge peut statuer sur l’aide matérielle. En revanche, rien n’est prévu pour les concubins.
Précisons aussi que depuis juin 2020, quand l’ordonnance de protection est accordée, cela offre la possibilité de débloquer l’épargne salariale (PEE, PEI, PEG) de façon anticipée [11]. Pour ce faire, il est nécessaire d’en faire la demande expresse.
Enfin, lorsqu’une personne étrangère subit des violences familiales et/ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, son titre de séjour ne peut pas lui être retiré, il est même renouvelé. En l’absence d’un premier titre de séjour, elle se voit délivrer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » [12].
VI – La durée de l’ordonnance de protection.
Cette mesure de protection est valable pour une durée de six mois. La prolongation de l’ordonnance de protection est possible uniquement si, pendant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps est déposée auprès du juge aux affaires familiales.
Pendant ces six mois, les mesures contenues dans l’ordonnance de protection peuvent être modifiées ou supprimées (à la demande d’une des parties, du ministère public ou du juge après avoir procédé à toute mesure d’instruction utile [13]). Dans cette configuration, le juge aux affaires familiales doit inviter les deux parties à s’exprimer.
VII – Le non-respect des obligations et interdictions imposées par l’ordonnance de protection.
Si l’auteur des violences ne respecte pas les obligations et interdictions prévues par l’ordonnance de protection, il risque jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende [14].
Depuis la loi du 23 mars 2019, les obligations et interdictions prononcées à l’encontre d’une personne dans le cadre d’une ordonnance de protection sont inscrites dans le fichier des personnes recherchées au titre des décisions judiciaires [15].