Conseil d’État, 3 octobre 2018, n° 414535
Le Conseil d’État peut être amené parfois à se prononcer sur des situations pour le moins cocasses. Au cas d’espèce, un requérant adepte de la marche pieds nus a sollicité l’abrogation des dispositions du règlement intérieur de la citadelle de Besançon portant interdiction d’y marcher pieds nus.
A défaut de réponse à sa demande, il a saisi le Tribunal administratif de Besançon en vue d’annuler cette décision de refus implicite.
Sa requête a été rejetée par jugement en date du 14 avril 2016 et l’appel effectué sur ce jugement a également été rejeté par arrêt en date du 20 juillet 2017.
Le Conseil d’État saisi du débat retient qu’aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce que le règlement d’un ouvrage public ouvert au public édicte une interdiction générale, peu important que cet ouvrage public soit constitué de plusieurs composantes distinctes.
Néanmoins, il précise que cette interdiction générale doit être justifiée pour chacune des parties distinctes du site auxquelles elle s’applique.
Il rappelle que le règlement qui définit les conditions de visite d’un ouvrage public ouvert au public a notamment pour objet d’y assurer la sécurité et le bon ordre en conformité avec sa destination. Toutefois, les interdictions que ce règlement prévoit ne doivent pas entraîner de sujétions excédant ce qui est nécessaire aux buts qu’elles poursuivent.
En l’espèce, le Conseil d’État retient que la citadelle de Besançon est constituée de deux parties distinctes : le parc en accès libre située entre le front Saint Étienne et le Front royal, et le fort en accès payant comprenant différents musées (dont le musée de la Résistance et de la déportation) et le jardin zoologique.
Concernant le fort, il juge que l’interdiction de marcher pieds nus, fondée sur la nécessité de garantir le bon ordre et d’assurer la jouissance paisible du site en exigeant une tenue vestimentaire correcte au regard des usages, ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d’aller et venir, à la liberté personnelle et aux droits protégés par les articles 8, 9 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (soit le droit au respect de la vie privée et familiale ; la liberté de pensée, de conscience et de religion ; la liberté d’expression).
En revanche, concernant le parc, cette interdiction générale et permanente de marcher pieds nus impose des sujétions excessives au regard des buts énoncés par le règlement d’espèce, lequel vise la nécessité d’assurer le bon ordre et la jouissance paisible du site ainsi que la sécurité des visiteurs.
Nul doute que le caractère en accès libre de cette partie de la citadelle et sa composition sous forme de parc à larges pelouses, avec espaces de pique-nique, permettant la promenade et les loisirs des visiteurs ont joué un rôle prépondérant sur le sens de cette décision.
Le Conseil d’État précise s’agissant plus particulièrement du but poursuivi par le règlement de la citadelle de prévenir les accidents et les blessures à raison des installations de chantier et des engins circulant pour les besoins des travaux effectués sur le site, qu’une interdiction édictée à cette fin ne pourrait en tout état de cause qu’être partielle ou temporaire.