Le vote électronique contre l'abstention : à quand une expérimentation ? Par Yann-Maël Larher et Matthieu Quiniou, Avocats.

Le vote électronique contre l’abstention : à quand une expérimentation ?

Par Yann-Maël Larher et Matthieu Quiniou, Avocats.

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Explorer : # vote électronique # blockchain # participation démocratique # modernisation électorale

87% d’abstention chez les jeunes. L’abstention a atteint un niveau historique au sortir des élections régionales et départementales. Plutôt que de recourir à des solutions du passé ne devrait-on pas expérimenter la blockchain qui a déjà fait la preuve de son inaltérabilité.

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Une exigence démocratique.

Pour participer à scrutin électoral en France, vous devez vous rendre à votre bureau de vote avec les justificatifs d’identité nécessaires. En effet, suivant l’article L62 du Code électoral

« à son entrée dans la salle du scrutin, l’électeur, après avoir fait constater son identité suivant les règles et usages établis (...) prend, lui-même, une enveloppe. Sans quitter la salle du scrutin, il doit se rendre isolément dans la partie de la salle aménagée pour le soustraire aux regards pendant qu’il met son bulletin dans l’enveloppe ; il fait ensuite constater au président qu’il n’est porteur que d’une seule enveloppe ; le président le constate sans toucher l’enveloppe, que l’électeur introduit lui-même dans l’urne » (...)

Enfin,

« dans les bureaux de vote dotés d’une machine à voter, l’électeur fait constater son identité ou fait la preuve de son droit de voter dans les conditions prévues à l’alinéa 1er et fait enregistrer son suffrage par la machine à voter ».

A l’heure du distanciel, ne faut-il pas dépoussiérer notre manière de voter ? Pour espérer mobiliser les électeurs, ne faudrait-il pas renouveler la participation à l’heure du vote à distance, du numérique et de l’immédiateté ? L’argument classique selon lequel le taux d’illectronisme des personnes âgées empêcherait ces derniers de voter à due proportion dans le cas de vote électronique à distance doit, en cas de pandémie, être mis en balance avec les risques encourus et donc le taux de participation réduit de cette catégorie de population. Ce qui devrait plutôt nous interroger c’est l’obligation de payer ses impôts en ligne alors qu’il est impossible de voter en ligne.

Une expérimentation possible.

Le droit de vote est à la base de la démocratie. Etabli en France par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le droit de vote permet aux citoyens d’exprimer leur volonté. Un sondage réalisé par Odoxa-Backbone consulting révèle que 78% des Français sont favorables à la mise en place du vote par Internet, et l’approbation grimpe même à 80% parmi les abstentionnistes du premier tour. Parmi eux, 41% ont justifié leur abstention par le simple fait qu’ils étaient « indisponibles ce jour-là » ... même s’ils pouvaient toujours anticiper en faisant une procuration.

Une blockchain est avant tout, une base de données, décentralisée, qui ne peut être falsifiée ou modifiée unilatéralement par un administrateur. Bien que la blockchain puisse encore être qualifiée de technologie expérimentale, elle figure parmi les composants incontournables des systèmes de vote électronique sécurisés.

Des solutions de e-voting existent déjà, par exemple, dans la commune de Zoug en Suisse et pourraient être répliquées en France, a minima comme alternative à un autre mode de vote à distance, par exemple postal, dont les limites ont été mise en exergue dans le cadre des récentes élections américaines.

La blockchain permet de résoudre ou au moins de limiter les difficultés de mise en place des scrutins électroniques grâce à des systèmes de chiffrement efficaces pour l’expression anonymisée du choix lors du vote (bulletin secret électronique) et de la transparence dans le mode de réalisation du scrutin et de décompte des voix.

Elle résout ainsi des problèmes de faillibilité, d’opacité, de centralisation et d’inefficacité. Le recours autant que possible à une blockchain publique paraît préférable pour profiter pleinement des preuves décentralisées fournies par ce système et dépasser un modèle centralisé n’apportant aucune garantie démocratique supplémentaire.

Une approche numérique pragmatique.

Dans son programme, Emmanuel Macron défendait lui-même un « vote électronique qui élargira la participation, réduira les coûts des élections et modernisera l’image de la politique ».

Au-delà du cadre souvent conservateur de reproduction systémique dominant lors des élections, la blockchain pourrait renforcer la participation démocratique et s’avérer un outil efficace pour réaliser des sondages d’opinion, de la consultation citoyenne locale ou de la gestion de projets citoyens.

Elle a également prouvé son utilité pour fournir des solutions de responsabilité et de transparence dans le domaine des chaînes d’approvisionnement. Tout laisse à croire que cette technologie serait également adaptée à la transparence de la vie publique et à la conformité, dans la mesure où la blockchain permet un horodatage des opérations, ce qui facilite les audits et le travail des autorités de contrôle.

Face à un système de vote traditionnel complexe, coûteux et obsolescent, la blockchain apparaît comme une solution garantissant un vote sécurisé, fiable et accessible au plus grand nombre à distance. En définitive, le vote par correspondance du XXIème siècle, c’est la blockchain.

Nous vivons actuellement un moment particulièrement propice à l’expérimentation des solutions électroniques, pour la définition de bonnes pratiques durables avec le numérique et pour susciter l’intérêt et le réveil technologique de personnes réticentes. Ne manquons pas cette opportunité, en cette période troublée où des précautions sanitaires et des impératifs démocratiques imposent de changer, au moins ponctuellement, les habitudes de vie sociale, professionnelle et citoyenne.

Yann-Maël Larher, Avocat au barreau de PARIS, Co-Fondateur du Cabinet Legal Brain Avocats, docteur en droit social avec une pratique soutenue des relations numérique de travail.
Matthieu Quiniou, Avocat en droit du numérique, Co-Fondateur du Cabinet Legal Brain Avocats, docteur en droit privé, chercheur à la Chaire UNESCO ITEN (UP8/FMSH) et membre de la Commission de Normalisation Blockchain à l’AFNOR.
https://legalbrain-avocats.fr
contact chez egalbrain-avocats.fr

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Discussion en cours :

  • par fripon79 , Le 26 juillet 2021 à 09:54

    Bonjour,
    Cette modeste réponse parce que le Diable est dans les détails.
    Pour moi on ne peut se cantonner à un clic pour voter
    Par delà les risques de fraudes massives difficiles à détricoter et déjà expérimentées aux USA, Voter est un acte citoyen qui mérite l’attention, une déclaration publique d’intérêt à la société et à ceux qui vous entourent.
    Pour cliquer, il y a les sondages et on voit ce que cela donne !
    Un vote VIRTUEL reviendrait à intégrer la société réelle dans les multiples sociétés virtuelles des réseaux sociaux aux Gamers, ces dernières étant pour la plupart plus adaptées aux psychopathes qu’aux Altruistes (et oui si je perd je peux faire reset et recommencer tout)
    Merci donc d’oublier le vote virtuel : je suis par contre pour une amende significative en cas de non justification d’absence ou de délégation
    La dernière expérience régionale et départementale n’en n’est pas une vu le contexte de "fin" de masques mais aussi la franche opposition marquées depuis l’origine aux conseils régionaux et départementaux perçus comme inutiles et couteux par une grande majorité des citoyens

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