Droit des sociétés : à quelle date évaluer les droits sociaux de l’associé exclu dans une SAS ?

Par Alexandra Six, Avocat.

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Explorer : # Évaluation des droits sociaux # exclusion d'associé # sas (société par actions simplifiée)

La question de la date à laquelle il convient de se placer pour procéder à l’évaluation des droits sociaux est primordiale, la valeur d’une société pouvant évoluer sensiblement en l’espace de quelques mois.

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Un arrêt de la chambre commerciale du 16 septembre 2014 se prononce pour la première fois sur la question du moment auquel doit se placer l’expert pour arrêter la valeur des droits sociaux du cédant en cas de cession subséquente à une exclusion dans une SAS.

L’article 1843-4 du Code civil, en sa version applicable au litige, prévoit que lorsqu’est prévue la cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal. Cet article étant muet sur la méthode et sur la date à laquelle doit intervenir l’évaluation, la jurisprudence a donc dû faire face à de nombreux conflits entre associés sur cette question en cas de retrait de l’un d’entre eux.

La première chambre civile, par un arrêt du 30 octobre 2008, considérait qu’en cas de refus par le médecin retrayant d’une société civile professionnelle du prix proposé pour la cession ou le rachat de ses parts, le juge devait se placer au jour du retrait pour valoriser les droits sociaux du retrayant [1].

La chambre commerciale, par un arrêt du 15 janvier 2013, confirmait l’arrêt du 4 mai 2010 [2] et déduisait qu’une cour d’appel avait « à bon droit retenu que la valeur des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement en la valeur de ces droits  », et que l’expert de l’article 1843-4 du Code civil avait commis une erreur grossière en évaluant les parts sociales d’un associé retrayant à la date de l’arrêt ayant autorisé le retrait [3].

Ainsi il apparaissait que la Cour de cassation, tout en rappelant l’entière liberté de l’expert par rapport au juge dans la fixation du prix, consacrée par la chambre commerciale dans un arrêt du 3 mai 2012 [4], assortissait cette liberté d’une réserve tenant à ce que la date retenue soit la plus proche possible de celle du versement effectif de la valeur des droits sociaux de l’associé retrayant.

Dans notre espèce, la chambre commerciale suit la ligne tracée pour les associés retrayants de société civile.

Elle décide, qu’en l’absence de précisions dans les statuts relatives à la date à laquelle la valeur des titres de l’associé exclu devait être déterminée, «  la valeur des droits sociaux doit être fixée à la date la plus proche de la cession future » [5].

Pour les juges de la Cour d’appel, la perte de la qualité d’actionnaire de l’associé exclu était intervenue au jour du remboursement de la valeur de ses droits sociaux. Les droits devaient donc être évalués à la date la plus proche du remboursement de leur valeur, date à laquelle l’associé exclu perd la qualité d’actionnaire.

Les juges du fond fixent cette valeur « au jour de la cession future ». La Cour de cassation confirme la position des juges du fond, la date d’évaluation des droits sociaux doit être la date la plus proche de la cession de ces droits, date à laquelle l’exclusion sera effective ; quelle que soit la durée écoulée depuis la prise de décision par assemblée.

Un certain courant de la doctrine estime surprenant que les juges considèrent que la date d’évaluation des droits sociaux retenue soit celle la plus proche de la cession future c’est-à-dire celle de l’exécution de la décision sociale d’exclusion et non celle de la décision d’exclusion elle-même, date qui constate le principe de l’exclusion de l’associé.

C’est désormais une jurisprudence bien établie.

Il convient de noter que l’arrêt d’espèce fixe la date d’évaluation des droits sociaux à défaut de prévisions statutaires concernant cette date.

Il poursuit le mouvement récent de prise en compte de la volonté des parties lors de l’évaluation de droits sociaux sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil.

La chambre commerciale avait ainsi jugé le 11 mars 2014 que les dispositions de l’article 1843-4 « sont sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en œuvre d’une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé » [6].

Surtout, l’ordonnance du 31 juillet 2014 a réformé l’article 1843-4, en limitant son application à deux cas : le renvoi opéré par la loi à l’article et la cession ou le rachat prévu par les statuts, et en imposant dans les deux cas le respect des « règles et modalités de détermination de la valeur » prévues par les parties dans les statuts.

En conclusion, il convient de rappeler une nouvelle fois l’importance de la rédaction des statuts, si les associés ne veulent pas être soumis à la décision des juges…

Cabinet ELOQUENCE Avocats
Lille et Paris
www.eloquence-avocats.com

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Notes de l'article:

[1Civ 1ère. 30 octobre 2008, pourvoi n°07-19.459.

[2Com. 4 mai 2010, pourvoi n°08-20.693.

[3Com. 15 janvier 2013, pourvoi n°12-11.666.

[4Com. 3 mai 2012, pourvoi n°11-12.717.

[5Com. 16 septembre 2014, pourvoi n°13-17.807.

[6Com. 11 mars 2014, pourvoi n°11-26.915.

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