Etude de cas : la spécificité du droit des marques en Chine à l'aune d'un changement législatif. Par Romain Golzio-Casa, CPI.

Extrait de : Signes distinctifs : marques, appellations d’origine et noms de domaine

Etude de cas : la spécificité du droit des marques en Chine à l’aune d’un changement législatif.

Par Romain Golzio-Casa, CPI.

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Explorer : # droit des marques # chine # amendement législatif # propriété intellectuelle

La République populaire de Chine a adopté le 30 août dernier un nouvel amendement à la loi sur les marques. Nous allons donc étudier avec une attention particulière les changements apportés par ce texte, dans un Etat en pleine (r)évolution législative dans le domaine de la propriété intellectuelle

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Quel est l’état actuel du droit des marques en Chine ?

La Chine, qui est l’un des plus importants marchés en terme de potentiel marketing, n’est pas, à l’heure actuelle, le territoire le plus accueillant au niveau législatif en ce qui concerne les titulaires de marque. En effet, comme le prouvent les nombreuses affaires opposant notamment des célébrités comme Michael Jordan ou des marques à rayonnement international comme Apple ou encore Hermès, les cas de « squattage » de marques par des tiers peu scrupuleux sont légions.

La loi sur les marques de la République populaire de Chine, telle qu’elle a été adoptée le 23 août 1982, puis substantiellement révisée en 1993 et 2001 afin de satisfaire aux exigences de l’Organisation Mondiale du Commerce, institue un régime qui peut être qualifié de « premier arrivé, premier servi ». Ainsi, le premier à avoir déposé une marque chinoise est celui auquel seront attribués tous les droits sur ce signe, et ce même si l’on rapporte la preuve d’un usage antérieur sur le territoire de la Chine. Il convient de noter que seules les marques renommées ou notoires non déposées peuvent déroger à ce principe, mais il est intéressant de noter que la marque Hermès a par exemple été considérée comme « pas assez célèbre » en Chine pour accéder à cette protection.

Ainsi, pour les titulaires désireux de poursuivre ces dépôts effectués en fraude de leurs droits, il sera nécessaire de recourir aux tribunaux au travers d’une action en annulation de marque. Il s’agit d’une procédure qui est relativement longue et coûteuse, d’autant plus que durant toute la durée de la procédure, les titulaires légitimes ne pourront ni commercialiser, ni importer, ni proposer à la vente des produits ou services de leur propre marque sur le territoire de la Chine sans que cela ne puisse être considéré comme constitutif d’actes de contrefaçon.

C’est dans ce contexte pour le moins hostile qu’intervient le troisième amendement à la loi sur les marques de la République populaire de Chine, adopté le 30 août dernier par le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire et qui rentrera en vigueur le 1er mai 2014.

Quels sont les principaux changements introduits par ce texte ?

Désormais, l’article 7 de la loi dispose expressément que « la demande d’enregistrement et l’exploitation de la marque doivent respecter le principe de la bonne foi ».

Il s’agit là d’une grande avancée pour tout titulaire de droits antérieurs dans la mesure où cela implique qu’a contrario, ce dernier pourra désormais fonder son action en annulation sur ce fondement légal, qui n’existait pas sous le régime antérieur, à charge pour lui de rapporter la preuve de la mauvaise foi du déposant ou de sa connaissance d’un usage antérieur.

Mais le changement majeur provient essentiellement de la nouvelle rédaction de l’article 59 de la loi, qui institue désormais une exception notable au principe du « premier arrivé, premier servi ».

En effet, le troisième alinéa de cet article ajoute une exception semblable au « fair use » du droit américain : si l’on rapporte preuve d’un usage antérieur à tout dépôt d’un tiers, en ce qui concerne une marque identique ou similaire, pour des produits ou services identiques ou similaires, et que grâce à cet usage on a obtenu un certain degré de réputation sur le territoire de la Chine, le déposant ne pourra l’empêcher tant qu’il se limite à ce même champ d’application. Tout au plus, le déposant pourra imposer l’adjonction d’une indication faisant état de la différence existant entre les deux marques.

Cela signifie également que le premier exploitant et propriétaire légitime de droits antérieurs pourra désormais continuer à commercialiser, importer et offrir à la vente ses produits et services sur le territoire de la Chine, tout en préparant sa stratégie judiciaire face aux déposants de mauvaise foi.

Enfin, il convient également de souligner que même dans la situation où le déposant osera engager une action judiciaire à l’encontre de ce premier exploitant, ce dernier pourra présenter comme argument en défense, sur le fondement du nouvel article 64 de cette loi, le non-usage de la marque déposée au cours des 3 années avant le début des poursuites judiciaires. La preuve de cet usage devra être rapportée par le déposant et s’il n’y parvient pas, le défendeur à l’action ne pourra être condamné à payer de dommage et intérêt.

Cet ajout est lui aussi intéressant dans la mesure où dans la plupart des cas, les déposants de mauvaise foi sont des professionnels, que l’on appelle communément « trademark trolls » en référence aux « patent trolls » qui sévissent dans le domaine des brevets Outre-Atlantique, qui ont pour habitude de déposer des marques qu’ils n’exploitent pas dans le seul but de les revendre à prix d’or aux titulaires de droits antérieurs.

Outre ces changements majeurs, de nombreuses modifications procédurales, comme notamment la possibilité d’enregistrer des marques sonores (article 8), d’effectuer des dépôts multi-classes (article 22 alinéa 2) et électroniques (article 22 alinéa 3), ou encore l’établissement d’un calendrier clair et raccourci concernant les différentes étapes procédurales de l’examen d’une demande d’enregistrement (article 28) viennent en outre enrichir ce texte dont les retombées positives seront nombreuses pour les déposants étrangers, notamment en termes d’économies de temps et d’argent.

En conclusion

Le rapprochement du régime législatif chinois vers les standards internationaux en matière de marques se doit d’être salué. Il offre désormais un cadre propice à des relations commerciales saines et dictées par la bonne foi pour les titulaires de droits antérieurs, dans lequel les « trademark trolls » ne devraient pas être amenés à perdurer.

Ainsi, si vous n’avez jamais songé à élargir votre domaine d’activité à un marché doté d’un potentiel et d’une importance stratégique capitale aussi capital que le marché chinois d’aujourd’hui, il conviendrait probablement de l’envisager très sérieusement. C’est pourquoi, le recours à un conseil en propriété industrielle, de par sa connaissance des spécificités législatives locales ainsi que son réseau de correspondants locaux est fortement recommandé, afin de gérer aux mieux vos intérêts sur ce marché d’envergure.

Romain Golzio-Casa
Conseil en Propriété Industrielle au sein du cabinet NextMarq
www.nextmarq.com

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