Les avantages d'un dépôt national de marque en Chine. Par Romain Golzio-Casa, CPI.
Par Romain Golzio-Casa, CPI.

Depuis l’adhésion de la Chine au système de la marque internationale, plus communément connu sous l’expression "système de Madrid", en 1995, il est offert aux titulaires de droits d’obtenir une protection de leur marque en Chine au moyen d’un dépôt de marque internationale. Cependant, nous allons étudier que le système de Madrid n’est pas adapté aux spécificités locales, et qu’a contrario, il convient de privilégier le recours à un dépôt national afin d’optimiser la protection de vos droits

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Quelles sont en pratique les spécificités du dépôt de marque en Chine ?

Le système chinois, tel que prévu par la Loi sur les Marques de la République populaire de Chine du 23 août 1982, récemment révisée par un troisième amendement entré en vigueur le 1er mai 2014, est un système complexe revêtant de nombreuses spécificités.

A titre d’exemple, les différents Offices qu’ils soient communautaire, international ou même nationaux, notamment en France avec l’INPI (et pour la très grande majorité), ne limitent pas quantitativement la liste des produits ou services qu’un déposant souhaite protéger à titre de marque. L’Office des Marques en Chine, lui, prévoit qu’il est souhaitable de ne pas dépasser 10 produits ou services par classe.

Bien évidemment, il ne s’agit pas d’une limitation absolue, car il suffit de payer une taxe additionnelle dépendant du nombre de produits ou services supplémentaires que l’on souhaite déposer. Bien que cette taxe soit seulement d’un montant de 20 € par produit ou service supplémentaire au-delà du dixième, pour autant, si l’on souhaite obtenir une protection optimale et ainsi couvrir des produits et services connexes à son activité, cette somme peut croître de manière très rapide.

Il est également intéressant de noter que l’Office des Marques en Chine, bien qu’appliquant en théorie la dixième édition de la classification internationale des produits et services issue de l’Arrangement de Nice, refuse systématiquement l’inclusion des « services de vente en gros et au détail » de la liste des services pouvant bénéficier d’une protection en classe 35.

Dans la pratique, l’Office Chinois, lorsque confronté à une demande d’enregistrement couvrant de tels services, émettra une objection de forme conditionnant la poursuite de la procédure d’examen à la suppression desdits services.

Les exemples exposés ci-dessus peuvent paraître anodins mais sont dans la pratique d’une importance capitale pour tout titulaire de marque. En effet, la bonne définition du libellé de produits et services, préalable à tout dépôt de marque, représente une étape essentielle afin de bénéficier d’un champ de protection optimal et ainsi de prévenir toute contrefaçon ultérieure par un tiers.

Bien que le droit des marques en Chine regorge de nombreuses spécificités pouvant, a priori, paraître déstabilisantes même pour un professionnel de la propriété industrielle, nous allons ici démontrer qu’en dépit de ces spécificités, le dépôt d’une marque à l’échelle nationale en Chine représente, en pratique, des avantages considérables, qu’il convient de privilégier à la protection accordée par le système de la marque internationale, .

Quelles sont alors les différences entre un dépôt de marque à l’échelle nationale et une désignation de la Chine au travers d’un enregistrement de marque internationale ?

Tout d’abord, la différence primordiale entre ces deux options réside dans le fait qu’en Chine, les classes de produits et services de l’Arrangement de Nice sont subdivisées en sous-classes.

En effet, prenons à titre d’exemple la classe 25, qui est décrite au sein de la classification de Nice comme regroupant les « vêtements, chaussures, chapellerie ». Cette définition des produits est vaste et serait suffisante pour conférer une protection pleine et entière en classe 25 auprès de l’Office communautaire ou encore d’une très grande majorité d’Offices nationaux dont l’INPI.

Cependant, en Chine, un tel libellé couvrirait uniquement 3 des 13 sous-classes qu’il est possible de couvrir en classe 25, à savoir les sous-classes 2501 (vêtements), 2507 (chaussures) et 2508 (chapellerie). Dès lors, une marque internationale désignant la Chine et déposée avec un tel libellé ne bénéficierait pas d’une protection en ce qui concerne les vêtements pour bébés (2502), vêtements de sport spécialisés (2503), vêtements imperméables (2504), costumes (2505), chaussures, autres que les chaussures portées au quotidien (2506), chaussettes (2509), gants (2510), cravates, foulards, mantilles et voiles (2511), ceintures et gaines (2512) et les vêtements en exemplaire unique (2513).

De nombreuses conséquences découlent d’une telle spécificité au sein de la classification :

- En premier lieu, préalablement à tout dépôt, ce niveau de détail supplémentaire permettra, à l’occasion d’une recherche d’antériorités, d’écarter plus rapidement des marques antérieures déposées dans une même classe, mais ne constituant pas pour autant des obstacles potentiels, dans la mesure où la ou les sous-classe(s) que l’on souhaite couvrir serai(en)t différente(s).

- En outre, au niveau de la procédure d’examen effectuée par l’Office Chinois, l’appréciation de l’existence ou non de droits antérieurs et d’un éventuel risque de confusion ne portera dès lors que sur les seules sous-classes visées au sein du libellé. L’Office Chinois considère en effet que seuls les produits ou services relevant d’une même sous-classe peuvent être considérés comme identiques ou similaires entre eux.

- Enfin, et toujours au stade de l’examen, une marque internationale désignant la Chine disposant d’un libellé trop large et vague serait probablement rejetée par l’Office Chinois s’il existait plusieurs antériorités au sein d’une même classe, tandis qu’un dépôt national de marque en Chine permettrait l’enregistrement de ladite marque pour couvrir les sous-classes pour lesquelles aucune marque n’a été antérieurement déposée.

Dans un second temps, une autre différence capitale entre les deux options réside dans l’appréhension, voire l’aversion, dont font (souvent) preuve les autorités et examinateurs chinois lorsqu’ils ont face à eux une marque étrangère.

En effet, dans la pratique, les autorités administratives et douanières chinoises solliciteront, de la part d’un titulaire de droit, un certificat d’enregistrement émis par l’Office des Marques en Chine en bonne et due forme, avant d’agir à l’encontre d’un contrefacteur, qu’il s’agisse d’une personne, d’une société ou encore d’un site web.

Un tel certificat n’est pas émis à l’issue de l’examen aboutissant sur l’enregistrement d’une marque
internationale désignant la Chine, l’OMPI n’émettant qu’une simple déclaration d’octroi de protection. Le plus souvent, un tel document ne suffira pas à obtenir de réaction de la part des autorités chinoises.

Ainsi, sur des sites Internet comme la plateforme TaoBao, le plus célèbre portail d’échanges et de vente de produits en Chine, le dépôt d’une plainte pour contrefaçon est conditionné à l’existence d’un certificat d’enregistrement de marque en Chine. Dès lors, le titulaire d’une marque ne disposant pas d’un tel document afin de faire reconnaître ses droits en Chine, ne pourra pas obtenir la clôture de magasins virtuels tenus par des citoyens chinois se livrant quotidiennement à des actes de contrefaçon.

Certes, l’OMPI prévoit une procédure permettant l’obtention d’un certificat démontrant l’effectivité de la protection en Chine, mais ce document n’est généralement transmis au titulaire qu’entre trois et cinq mois après sa demande. Ce délai, relativement long lorsque l’on est confronté à la commercialisation de contrefaçons, représente un manque à gagner difficilement calculable au profit du titulaire.

Il est ici important de rappeler que la contrefaçon représenterait entre 15 et 30% de l’ensemble de l’activité industrielle de la Chine, et que près de 67% des produits contrefaits à l’échelle mondiale proviendraient à l’origine du territoire chinois, selon une estimation réalisée par l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) datant d’avril 2013.

Comment alors protéger efficacement ses droits lorsqu’il n’est pas offert aux titulaires de droits la possibilité de se défendre à l’encontre des contrefaçons sur un site de l’envergure de TaoBao, comptant désormais plus de 370 millions d’utilisateurs ?

La meilleure solution reste encore le recours à un Conseil en Propriété Industrielle, afin de vous accompagner au mieux dans vos démarches, notamment de recherches, d’identification préalable des risques, de définition du libellé de dépôt de votre marque ou encore de lutte contre les contrefaçons, afin de vous assurer d’une protection efficace et effective sur le territoire de la Chine.

De par ses propres connaissances, son expérience et son réseau de correspondants dotés d’une expertise et d’une connaissance des spécificités locales, ce dernier pourra gérer au mieux vos intérêts sur ce marché revêtant une importance stratégique et économique certaine pour toute société.

Romain Golzio-Casa, CPI
Conseil en Propriété Industrielle au sein du cabinet NextMarq

www.nextmarq.com

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Discussions en cours :

  • Cher Confrère,

    Un autre paramètre non moins déterminant dans le choix d’un dépôt national tient au choix du signe. En effet, la spécificité de la Chine (et plus largement de l’Asie) tient à son alphabet -si l’on peut parler ainsi- radicalement différent de l’alphabet latin. Facteur qui impacte largement la perception par le public et donc par les autorités chinoises des signes et de leur similitude. Le choix du signe doit intervenir en amont du dépôt et même de la commercialisation des produits. Les méthodes de sélection sont multiples (traduction, translitération, combinaison des deux, choix d’un message purement conceptuel). Le choix d’un signe spécifique au marché chinois justifie donc aussi un dépôt direct en Chine.

    Bien confraternellement

    • Je ne peux qu’agréer à 100% avec vous sur ce point, et ce d’autant plus si l’on prend le temps de s’attarder sur l’analyse des fortunes diverses des sociétés occidentales lorsqu’elles se lancent sur le marché chinois, et notamment les affaires récentes Castel c/ Ka Si Te, Tesla, etc.

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