La fonctionnalité Google Suggest destinée à aider les utilisateurs de Google dans leur recherche a fait déjà l’objet de plusieurs décisions de justice. Après la condamnation sur le fondement de l’injure publique de l’association du nom d’une société avec le terme « arnaque » [1], c’est sur le fondement de la propriété intellectuelle qu’une nouvelle association de mots a été condamnée dans un arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2012 [2].
Dans cette affaire, le demandeur, un syndicat d’édition, reprochait aux sociétés Google que les suggestions automatiques de mots-clés orientaient l’utilisateur saisissant sur le site des noms d’artistes ou des titres de chansons ou d’albums vers des sites permettant un « téléchargement éventuellement illégal ».
La Cour d’appel de Paris [3], dans un arrêt du 3 mai 2011, avait rejeté cette demande car elle estimait que la suggestion des sites en cause ne constituait pas, en elle-même, une atteinte au droit d’auteur. En effet, les fichiers mis à disposition sur ces sites ne l’étaient pas tous de manière illégale. En outre, la suggestion automatique de ces sites ne pouvait générer une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin que si l’internaute se rend sur le site suggéré et télécharge un phonogramme protégé. Par ailleurs, les juges du fond avaient considéré que toute suppression de suggestion n’était pas « de nature à empêcher le téléchargement illégal » ; un tel téléchargement résultant « d’un acte volontaire et réfléchi de l’internaute ». Enfin, ils ajoutaient que prononcer une mesure contre Google serait vain car le contenu litigieux reste « accessible en dépit de la suppression de la suggestion ».
La Cour de cassation a censuré cette décision. D’une part, la Cour considère qu’en orientant systématiquement les internautes vers des sites comportant des enregistrements mis à la disposition du public sans l’autorisation des artistes-interprètes ou des producteurs de phonogrammes, ce service offrait les moyens de porter atteinte aux droits d’auteurs ou aux droits voisins. D’autre part, les mesures sollicitées tendaient à prévenir ou à faire cesser cette atteinte par la suppression de l’association automatique des mots-clés avec les termes des requêtes et elles pouvaient ainsi contribuer à y remédier en rendant plus difficile la recherche des sites litigieux, sans pour autant qu’il y ait lieu d’en attendre une efficacité totale.
Au final, l’encadrement par le juge de la suggestion automatique de mots-clefs est importante. Non seulement, le mot associé ne doit pas être injurieux mais de surcroît, il ne doit pas non plus renvoyer vers un site litigieux. Le contrôle des mots associés concerne donc, d’une part, la forme des mots (injure) et, d’autre part, dans le cas d’un mot renvoyant vers un site, le contenu de ce site.