Le licenciement pour dopage du cycliste professionnel.

Par Gautier Kertudo, Avocat

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Explorer : # licenciement # dopage # sport professionnel # faute grave

Le monde du cyclisme est fréquemment concerné par des affaires de dopage. Le cycliste professionnel est salarié de son équipe professionnelle et lié à elle par un contrat à durée déterminée dit « d’usage » conformément aux articles L.1242-2 et D.1242-1 du Code du travail et 12.3.2.1. de la Convention collective nationale du sport.

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Ladite Convention fait référence à l’usage de produits dopants. Ainsi, son chapitre 12 consacré aux sportifs professionnels énonce en son article 12.7.3.4. « -Santé a) Prévention et lutte contre le dopage » :

«  Les sportifs, les entraîneurs et leurs employeurs sont tenus de respecter et de faire respecter les dispositions légales et réglementaires relatives à la prévention et à la lutte contre le dopage ».

Le sportif tout comme son entraîneur sont alors tenus de respecter les dispositions relatives à la lutte antidopage. En l’absence d’élément supplémentaire, la jurisprudence a dû préciser quel type de manquement pouvait caractériser une faute grave pour un salarié.

Dans un arrêt en date du 4 mai [1] , la Cour d’appel de Limoges relie la faute grave au manquement au principe de loyauté qui s’impose au contrat de travail du sportif et plus généralement du salarié. En faisant usage de produits dopants, le sportif professionnel porte atteinte à « l’Ethique sportive » et à la confiance accordée par son employeur [2] . C’est donc du côté de l’article 1134 du Code civil et de l’article L.1222-1 du Code du travail qu’il faut se référer pour trouver un fondement à la rupture du contrat de travail du sportif dopé. Les obligations de loyauté et de bonne foi sont des éléments essentiels de la bonne exécution du contrat de travail. Dans cette affaire le sportif a été contrôlé et les résultats de ses analyses ont démontré un usage de produits dopants.

Dans ce cas, l’employeur peut justifier la rupture du contrat de travail par un manquement du salarié dans l’exercice de son activité. Plus encore, il pourrait également la justifier sur le fondement de la notion de « trouble objectif caractérisé [3] » . Le cycliste membre d’une équipe et reconnu coupable après analyse d’utilisation de produits prohibés jetant forcément l’opprobre sur l’organisation générale de la société qui l’emploie. A ce titre, la marque sponsor et partenaire/employeur du salarié pourrait à son tour s’estimer victime d’un préjudice d’image l’assimilant à des faits pénalement condamnables.

Au-delà de ces seuls éléments, le cycliste dopé est également sous la menace de sanctions prévues par le Code du sport et repris par le Règlement relatif à la lutte antidopage de la Fédération française de cyclisme. Ainsi selon l’article L.232-9 dudit code il est interdit de détenir ou tenter de détenir, d’user ou de tenter d’user, sans raison médicale dûment justifiée, une ou des substances ou méthodes interdites figurant sur la liste élaborée en application de la Convention internationale mentionnée à l’article L. 230-2 du Code du sport et publiée au Journal officiel de la République française.

Tout manquement à ces obligations peut entraîner des sanctions disciplinaires à l’encontre du cycliste professionnel, sanction pouvant aller jusqu’à la radiation selon l’article 52 du Règlement relatif à la lutte contre le dopage de la Fédération française de cyclisme.

De fait un cycliste professionnel qui perd sa licence ne pourrait plus exercer au sein de son équipe et son employeur serait en capacité de le licencier pour inexécution du contrat de travail. Au même titre qu’un chauffeur qui perd son permis de conduire en raison de faits commis pendant l’exécution de son contrat de travail commet une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise [4] , le cycliste qui perd sa licence, risque lui aussi un licenciement pour faute grave.

La problématique est toute autre lorsque le cycliste n’a pas été contrôlé mais est accusé de trafic ou a minima de détention de produits dopants.

Dans un arrêt en date du 9 mars 2009 [5], concernant l’équipe COFIDIS, le Cour de cassation a sanctionné le licenciement pour faute grave intervenu avant les résultats d’analyse et après la mise en examen et le placement sous contrôle judiciaire du coureur. Ce dernier était alors accusé de « acquisition, détention et transport de produits dopants », « facilitation, incitation et initiation à l’usage de produits dopants », et « complicité d’importation de substances vénéneuses ».

En l’espèce la Cour de cassation considérait alors que :

« Les indications sur la participation du coureur aux faits de dopage allégués et sur des aveux de ce dernier dans le cadre d’une procédure pénale résultaient uniquement de ce qui était rapporté par voie de presse alors même que continuait à se dérouler, dans le respect du secret de l’instruction, la procédure pénale destinée à établir la réalité des faits et que, jusqu’à ce que ses conclusions en soient connues, la présomption d’innocence devait bénéficier à Massimiliano Lelli ».

La Cour de cassation a ici privilégié la présomption d’innocence. L’employeur ne pouvait sanctionner son coureur sur le fondement de sa simple interpellation.

En s’alignant sur la jurisprudence classique en matière de suspension du contrat en cas de mise en examen, la Cour de cassation assimilait le cycliste à un « travailleur d’usine [6] » , la déferlante médiatique ne pouvant, par exemple, servir de fondement à un licenciement pour faute d’un salarié.

Gautier Kertudo
Avocat, Cabinet BARTHELEMY AVOCATS

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Notes de l'article:

[11998Cour d’Appel de Limoges, 4 mai 1998, J.Duran c/Association Creuse Sport promotion

[2Jurisprudence Sociale Lamy - 2000 L’éthique : vers un nouveau fondement du contrat de travail ? Eric Mouveau ; Dr. soc. 1998, no 12, p. 1003, note Mouly et sur appel Cons. prud’h. Guéret, 7 juill. 1997, Dalloz 98, somm., p. 40, note Karaquillo

[3Cass.soc. 17 avril 1991, droit soc. 1991.485 obs. Jean Savatier ; 19 novembre 1992, n° 91 45579

[4Cass. soc., 24 janv. 1991, n° 88-45.022 : JurisData n° 1991-002127

[5Cass.soc. 9 mars 2009, n°06-46445

[6Expression empruntée à Jacques BARTHELEMY

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