Il reste que des provocations à la violence peuvent émaner de ministres du culte, eux-mêmes.
Ainsi, Rachid Abou Houdeyfa, imam de la mosquée Sunna à Brest a commencé à voir sa notoriété dépasser le cercle de ses fidèles lors de la 3eme édition du Salon musulman, en partie consacré à la femme musulmane, qui s’est tenu les 12 et 13 septembre 2015, au parc des expositions de Pontoise (95). Sa participation à ce salon a mis en lumière, certains des propos qu’il avait tenu sur youtube. En effet, il dispose de sa page facebook et d’une « chaine officielle » sous son nom, via youtube, où des vidéos le représentant en train de prêcher sont publiées [3].
Dans une vidéo, publiée en septembre 2015, il explique à des enfants que ceux qui écoutent de la musique « écoutent le diable » et qu’il y en a : « certains qu’Allah va transformer en singe et en porc ». En 2012, l’imam Houdeyfa avait publié une autre vidéo, où il dit des femmes non-voilées que : « Si la femme sort sans honneur, qu’elle ne s’étonne pas que les hommes abusent de cette femme-là » [4]. Il a aussi fait injonction aux : « femmes musulmanes à porter le voile « islamique » sous peine d’encourir les feux de l’Enfer dans l’au-delà et des agressions sexuelles en ce bas-monde. » [5].
A l’endroit des femmes, les paroles de l’imam, manifestement discriminatoires, et évoquant de graves atteintes à l’intégrité physique et psychique, ont légitimement ému l’opinion publique.
Or, devant le constat d’un trouble à l’ordre public, c’est au Parquet (ou Ministère public), incarné par le Procureur de la République, qui représente l’Etat français, d’entamer des poursuites, en vue, s’il y a lieu, d’une condamnation pénale. Ses fonctions font qu’il n’a pas besoin que quelqu’un porte plainte, il peut décider seul de mettre en mouvement l’action publique et l’action civile [6].
Cependant, le procureur de la République auprès du Tribunal de grande instance de Brest a déclaré : « Les propos que tient publiquement Rachid Abou Houdeyfa lors de ses prêches ne sont pas pénalement condamnables. » (déclaration citée par Ouest France et reprise par l’Obs avec Rue89 [7]). Cette affirmation, qui n’a pas manqué de surprendre, doit être rapprochée des dispositions :
prévues par les textes internationaux de protection des droits fondamentaux,
du droit positif français susceptibles d’être appliquées aux atteintes aux droits fondamentaux commises par un ministre du culte, particulièrement à l’encontre des femmes.
A ce stade, rappelons que ;
Au regard des textes internationaux, les dogmes des cultes, dans leur manifestation, ne sont jamais au- dessus des lois ni de l’ordre public, ni surtout des droits fondamentaux, indivisibles entre eux et universels. En ce sens un prêche dans un lieu ouvert public, ouvert au public ou ayant été publié, qui porte atteinte aux droits fondamentaux peut être pénalement condamnable, si sa répression respecte le principe de légalité 8 , sans qu’il puisse être excipé des libertés de conscience ou d’expression, pour écarter la responsabilité de l’auteur de l’atteinte (I).
Si une partie des discours de l’imam Houdeyfa est analysée comme une provocation publique au viol, à raison du sexe d’une personne et/ou comme une entrave à la liberté de manifester librement sa religion et sa conviction et d’en changer, elle peut être qualifiée d’ infraction condamnable (II), réprimée par les dispositions des articles 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (A) et par le titre V sur la police des cultes de la loi de 1905, sur la Séparation des églises et de l’Etat (B).
Sachant qu’une association, dont c’est l’objet, peut, dans les conditions des articles 1 à 10 du Code de procédure pénale et surtout 48-4 à 49 de loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, déclencher l’action civile, par voie de citation directe (saisine directe du tribunal) ou en déposant une plainte avec constitution de partie civile. A condition, toutefois, que cette action ne soit pas prescrite...
NDLR : l’auteur abordera notamment dans cet article les points suivants :
I. La liberté de conviction et ses limites dans les textes internationaux.
A. Le droit de manifester sa religion.
B. Les restrictions au droit de manifester sa religion.
II. Limites de la liberté d’expression des ministres du culte en droit interne.
A. Le fondement de la loi du 29 juillet sur la liberté de la presse.
B. Le fondement du titre V sur la police des cultes de la loi du 9 décembre 1905.
L’ensemble de ce dossier est accessible dans le document ci-joint.