Médiation de consommation, médiation bancaire : nouvelles Directives européennes, changements profonds.

Par Laurent Denis

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Explorer : # médiation # résolution des conflits # consommation # directives européennes

La médiation est une voie très précieuse de résolution des conflits, alternative au contentieux judiciaire. Elle reçoit, en cette fin d’année, le 18 décembre 2012, une nouvelle impulsion avec deux nouvelles Directives européennes : Alternative Dispute Resolution et On line Dispute Resolution (ADR et ODR). La norme européenne montre la voie à suivre pour une médiation plus sûre, plus indépendante et plus efficace.
Un processus dans lequel les avocats ont un savoir-faire à proposer. Et deux années, pour y parvenir.

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La médiation offre aux justiciables une voie alternative (à celle, judiciaire, du Tribunal), comme méthode de résolution des conflits. Elle se traduit sous de nombreuses formes, qui peuvent elles-mêmes s’appliquer à la plupart des litiges couverts par le droit : famille, commercial, consommation, bancaire, assurance,...

Elle repose sur des techniques proches de celles de la négociation, laquelle se revendique de plusieurs "écoles", mais qui a connu un regain tout particulier avec celle dite de la "négociation raisonnée", développée par le Harvard Negotiation Project de W. Ury et R. Fischer et maintenant amplement diffusée et étudiée.

Le "droit collaboratif" en constitue un bel exemple, même s’il se postule lui-même comme différent de la médiation prise au sens strict -et nous n’aborderons pas ce débat. L’arbitrage, forme poussée de la médiation dans laquelle les parties acceptent, par avance, de se soumettre à la décision produite, s’inspire de la médiation pour, sans doute, en toucher déjà la frontière.

La médiation est de plus en plus développée par les avocats, formés spécialement à sa pratique. En effet, les processus de médiation nécessitent l’application de méthodes précises. Concertation, recherche collective des solutions potentielles, transparence et confidentialité, sont souvent les clés de ce processus. Cadrage et rigueur du dispositif sont nécessaires.

En tant que solution alternative au contentieux, la médiation présente des avantages : rapidité, taux de succès, coût moindre. Les parties, autonomes, étant plus étroitement associées à l’identification ou à l’élaboration de la solution, puis au choix de celle-ci, cheminent ensemble ; ce qui facilite grandement la mise en oeuvre de cette solution. Sous cet angle, la médiation produit des réponses plus solides qu’une décision de justice, car certainement mieux comprises.

En tout état de cause, c’est bien la variété des solutions de résolution des litiges qui est avantageuse, sans qu’il soit nécessaire de les opposer les unes aux autres : un rapide tableau de leurs avantages et inconvénients respectifs montre bien qu’elles offrent des réponses à des situations de nature bien différentes.

Les marges de progrès de la médiation restent immenses : mal connue, il lui manque encore plusieurs facteurs pour faciliter son essor.

Tout d’abord, la formation des professionnels reste un enjeu, de même que la reconnaissance de leur pratique. La question de l’indépendance du médiateur est cruciale et fait encore défaut dans de nombreux domaines de la consommation. Sa neutralité et son impartialité appellent les mêmes observations. La capacité de nombreux secteurs professionnels à garder une main sur le médiateur proposé aux consommateurs en est une illustration probante. De même, l’information des publics et des acteurs concernés (associations professionnelles, de consommateurs, par exemple) est encore bien faible. Les querelles de chapelle appelant à proclamer telle ou telle méthode comme référente, sont, de ce point de vue, bien stériles.

Bref, la médiation de consommation, par exemple, n’a pas encore clairement formulé sa place et son offre, ni exprimé toutes ses possibilités.

Pourtant, la médiation fait aujourd’hui l’objet d’une intense activité normative à Bruxelles, et, comme bien souvent, personne -ou presque- ne s’y est intéressé à temps. C’est bien dommage, tant du point de vue des professionnels, que des consommateurs.

Ce jour, le 18 décembre, l’une des commissions du Parlement européen, celle du marché intérieur et de la protection des consommateurs (commission IMCO) viendra constater les fruits du processus législatif ordinaire engagé le 19 novembre 2011, pour deux Directives : Alternative Dispute Resolution (ADR) et Online Dispute Resolution (ODR). Le "trialogue" s’achève. Une fois ce vote acquis, les deux Directives seront soumises au vote du Parlement européen, sans doute entre le 4 et le 7 février 2013 (initialement, ce vote était planifié pour le 12 mars 2013, c’est dire que le processus a bien avancé).

Après parution au Journal Officiel de l’Union Européenne, chaque Etat membre aura à transposer la Directive ADR dans le délai de 24 mois. Ce qui laisser présager une entrée en vigueur d’ADR vers mars 2015, et ODR en septembre 2015 (à l’exception de quelques points applicables dès mars 2015).
La Directive ADR décrit le régime juridique du processus de médiation à mettre en place, dont voici quelques-uns des principaux traits, sans entrer dans le détail.

Dans la version proposée au vote du Parlement, le maintien, contre les différentes influences, du terme "d’indépendance" du médiateur est très positif (article 6 du projet). Cet article 6 demeure en retrait, cependant, en regard des critères d’indépendance, puisque la rémunération par l’une des parties (le professionnel, par exemple) reste permise, de même que le fait d’avoir, par le passé, travaillé pour ce même professionnel (cf article 2.2.a). En cas de rémunération unilatérale par le professionnel, l’instauration d’un collège composé de représentants du professionnel et de représentants des consommateurs apporte un garde-fou précieux pour prévenir les conflits d’intérêts (article 6.3). Le médiateur doit posséder les connaissances et le savoir-faire pour exercer la médiation (article 6). L’accès à l’information se fait par internet et sur des supports durables (article 7). Le processus doit être équitable et laisser la parole aux deux parties (article 9), dans une période de temps "raisonnable".

La disposition sur l’information des consommateurs est, en version finale, édulcorée : le principe d’information large en utilisant des supports amplement diffusés (tels que des factures, par exemple) n’a pas survécu à la discussion. C’est dommage. Les professionnels doivent dont juste informer les consommateurs des dispositifs existants (article 10), sans autre précision. Cette information doit cependant être formulée clairement, de manière compréhensible et accessible.

Une Autorité (administrative) compétente doit être désignée pour superviser l’ensemble des systèmes de médiation (articles 15 et 17, notamment). Le rôle et les attributions de cette Autorité seront déterminants, puisque celle-ci pourra décider si le dispositif de médiation proposé est conforme, ou non, à la Directive. Les idées à mettre en oeuvre pour matérialiser l’indépendance des médiateurs restent donc ouvertes.

La Directive Online Dispute Resolution a été étendue, finalement, au-delà des situations de conflits transfrontaliers initialement envisagées (article 2). Du coup, ce qui était au départ un outil complémentaire au dispositif de médiation devient un instrument d’accès supplémentaire à ce dispositif, qui doit s’organiser en conséquence.

La Directive ODR prévoit l’établissement de plate-formes, la désignation de "points de contact", la création d’un outil de traçabilité des demandes de médiation. Ces dispositions, apportant la création un dispositif de médiation en ligne, vont être sources d’enjeux nouveaux.

Lors de la transposition, les Etats membres auront une large marge de manoeuvre pour "assurer" que les procédures prévues soient effectives.

Deux années qui doivent être mises à profit pour peaufiner la médiation au service des citoyens français, tout spécialement, des consommateurs. Dans le domaine bancaire, par exemple, le développement d’une médiation indépendante et promue comme telle serait un profond changement, apte à contribuer aux attentes d’évolutions exprimées par les consommateurs de produits bancaires et financiers.

Les Intermédiaires en Opérations de Banque (IOB ou IOBSP), qui occupent une place notable dans la nouvelle configuration de la distribution bancaire, peuvent appuyer cette évolution.

Il y a de la place, dans notre pays, pour un dispositif de médiation de la consommation plus moderne, plus indépendant, plus largement connu et valorisé. Son accessibilité sera amplifiée par le recours à internet. Les avocats sont les professionnels désignés pour lui donner corps. Ces nouvelles Directives européennes apportent une impulsion décisive en ce sens.

La médiation conventionnelle dispose d’un bel avenir. De plus, elle est socialement responsable.

Sources :

- Commission européenne / DG Santé – Consommation :
http://ec.europa.eu/consumers/redress_cons/adr_policy_work_en.htm

- Parlement européen / Commission IMCO :
http://www.europarl.europa.eu/committees/en/imco/subject-files.html?id=20120424CDT43871

Laurent Denis
Juriste - Droit bancaire et financier
www.isfi.fr

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Discussion en cours :

  • A l’examen de cette directive, il s’agirait plus d’arbitrage voire plus précisément de "conciliation privée" que de médiation... Ici, des organismes de règlements extrajudiciaires des litiges (REL) proposeraient des solutions, le consommateur en serait informé et pourrait éventuellement contester cette solution. Le principe est repose sur le contradictoire, avec l’échange des pièces et des arguments et possibilité de réponse. Une étude du dossier par le REL est indispensable. La proposition du REL acceptée clôturerait le litige. La proposition conciliatrice se transforme en décision arbitrale. Il ne s’agit pas de médiation, d’ailleurs le mot n’est pas utilisé, même si dans les textes d’élaboration il est maladroitement question de "procédure de médiation"...

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