Depuis la suppression de la profession d’avoué à la Cour (L. n°2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel), la question de la multipostulation connaît un regain d’intérêt [1]. A présent, l’on sait qu’aux termes de l’article 1er-III-de la loi du 31 décembre 1971, les avocats de Paris, Créteil ou Bobigny peuvent représenter leurs clients devant la Cour d’appel de Versailles à la condition d’avoir postulé en première instance devant le Tribunal de grande instance de Nanterre. De même, un avocat inscrit au barreau de Nanterre pourra représenter son client devant la Cour d’appel de Paris uniquement dans l’hypothèse où il avait postulé en première instance devant les tribunaux de Paris, Bobigny ou Créteil (sur l’absence du mot « postulation » dans le code de procédure civile, v. notre article précité).
L’arrêt récemment rendu par la Cour d’appel de Versailles apporte de nouvelles précisions en matière de droit de la famille. En l’espèce, un avocat inscrit au barreau de Paris, avait déposé devant le tribunal de grande instance de Nanterre une requête en divorce conformément à l’article 1106 du Code de procédure civile. Une ordonnance de non-conciliation, revêtant un caractère mixte, était rendue puisqu’elle avait ordonné une mesure d’instruction et fixé le droit de visite et d’hébergement de l’un des parents.
Après dépôt du rapport d’expertise, une seconde ordonnance est prononcée. C’est cette dernière décision qui a été déférée à la cour d’appel de Versailles par l’avocat parisien.
Le conseiller de la mise en état, se saisissant d’office de l’irrégularité supposée, a annulé la déclaration d’appel sur le fondement de l’article 1-III- de la loi du 31 décembre 1971.
Saisie sur déféré, la cour a considéré, pour rétracter l’ordonnance du conseiller de la mise en état, que :
« Il résulte des articles 215 du code civil et 1106 du code de procédure civile que la représentation par avocat est obligatoire pour l’époux qui prend l’initiative du dépôt d’une requête en divorce, cette obligation ne pesant pas sur le défendeur à cette procédure selon l’article 1108 du code de procédure civile.
L’ordonnance statuant après dépôt du rapport d’expertise se rattache à l’ordonnance de non-conciliation dont elle est le prolongement ; dès lors cette procédure demeurait régie par les articles 215 et 1106 susvisés et que l’avocat parisien qui assurait la représentation de la requérante initiale bénéficiait de la dérogation instituée par l’article 1-III-de la loi du 31 décembre 1971 ».
La solution retenue doit être pleinement approuvée, dès lors que l’avocat parisien – et donc du demandeur - avait bien postulé en première instance au sens de la loi précitée.
Le juge aux affaires familiales n’ayant pas été dessaisi à la suite de la première décision, il est bien évident que la procédure de première instance continuait, après le dépôt du rapport d’expertise, à être régie par l’article 1106 du code de procédure civile, eu égard aux modalités de comparution du demandeur.
On relèvera que le régime de faveur accordé à l’avocat du demandeur devant la cour, n’aurait pas pu bénéficier à l’avocat du défendeur dès lors que ce dernier n’était pas tenu de constituer avocat devant le juge aux affaires familiales par application de l’article 1108 du Code de procédure civile. En d’autres termes, il était impossible à l’avocat du défendeur de postuler devant le premier juge.
Ainsi, en cette matière, alors que l’avocat du demandeur peut continuer à assurer seul la représentation de son client devant la cour, l’avocat du défendeur, quant à lui, est dans l’obligation de recourir à un postulant « local ».
Cette différence de traitement, en raison de la qualité procédurale des parties en première instance, pourrait heurter les exigences d’un procès équitable, et notamment le principe d’égalité des armes dégagé par l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, en facilitant à l’une parties, et pas à l’autre, l’accès au second degré de juridiction. La multipostulation devant les cours d’appel n’a donc peut-être pas encore livré tous ses secrets.