Le devoir d’information des professionnels de santé à l’égard des patients n’a cessé d’évoluer. Il a été consacré par la loi du 4 mars 2002, et est aujourd’hui affirmé avec force par les articles L1111-2, R4127-35 et R4127-36 du Code de la santé publique.
Il résulte notamment de ces dispositions que :
l’information porte sur « les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ». L’obligation d’information ne cesse pas avec la fin des investigations, traitements lorsque des risques nouveaux sont identifiés.
l’information est due par tout professionnel de santé « dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables »
seule l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent dispenser le professionnel de santé de l’information.
La jurisprudence récente a apporté un certain nombre de précisions intéressantes, notamment sur la nature du devoir d’information et les préjudices indemnisables résultant de sa méconnaissance.
La Cour de Cassation avait, par un arrêt du 3 juin 2010 (Cass. 1ère Civ. 3 juin 2010, n°09-13591), fait de ce devoir d’information, un devoir autonome, au visa des articles 16, 16-3, alinéa 2, et 1382 du code civil, en affirmant l’existence systématique d’un préjudice découlant du défaut d’information qui doit être indemnisé dès que les droits du patient sont méconnus.
Le Conseil d’Etat a également fait évoluer sa jurisprudence en ce sens, en apportant certaines précisions sur les préjudices indemnisables. Ainsi, par son arrêt du 10 octobre 2012 (n° 350426), le Conseil d’Etat affirme :
« Considérant que, lorsque l’acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès ou d’invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n’est pas requise en cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ;
3. Considérant qu’un manquement des médecins à leur obligation d’information engage la responsabilité de l’hôpital dans la mesure où il a privé le patient d’une chance de se soustraire au risque lié à l’intervention en refusant qu’elle soit pratiquée ; que c’est seulement dans le cas où l’intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d’aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l’existence d’une perte de chance ;
(…) 5. Considérant qu’indépendamment de la perte d’une chance de refuser l’intervention, le manquement des médecins à leur obligation d’informer le patient des risques courus ouvre pour l’intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d’obtenir réparation des troubles qu’il a pu subir du fait qu’il n’a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles … »
Le Conseil distingue ainsi deux types de préjudices découlant du manquement au devoir d’information :
(i) la perte de chance de se soustraire au risque lié à l’intervention en refusant qu’elle soit pratiquée. Cette perte de chance doit être indemnisée sauf si « l’intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d’aucune possibilité raisonnable de refus ». La notion d’intervention impérieusement requise donnera probablement lieu à une importante jurisprudence pour en préciser les contours.
(ii) à côté de la perte de chance, le Conseil d’Etat considère que « le manquement des médecins à leur obligation d’informer le patient des risques courus ouvre pour l’intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d’obtenir réparation des troubles qu’il a pu subir du fait qu’il n’a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles ». Ce préjudice « d’impréparation » est donc autonome de la perte de chance et doit également donner lieu à indemnisation, à charge pour le patient d’établir la matérialité de ce préjudice.