Rupture conventionnelle : le vice du consentement relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Par Marie-Paule Richard-Descamps, Avocat.

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Le succès de la rupture conventionnelle ne se dément pas avec 1,8 million de conventions de rupture conventionnelle signées depuis 2008. L’analyse de la jurisprudence permet de constater que les juges sont réticents à annuler les conventions intervenues ce qui renforce l’objectif de sécurisation juridique de ce mode de rupture du contrat de travail.

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On le sait la rupture conventionnelle est définie par l’article L1237-11 du Code du travail (créé par la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5 )

« L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
 »

Le vice du consentement reste quasiment le seul moyen de contester la validité d’une rupture conventionnelle.

La haute Cour a rendu le 16 septembre 2015 une décision qui mérite d’être signalée en ce qu’elle pose en principe que le vice du consentement, qui sera le plus souvent invoqué par le salarié, relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Le vice du consentement relève de l’appréciation souveraine des juges du fond

La chambre sociale de la Cour de cassation [1] pose en principe qu’il ne lui appartient pas, en la matière, de contrôler l’appréciation des juges du fond.

Dans cette affaire, le salarié, directeur industriel s’est vu proposer par son employeur une rupture conventionnelle ; il a été convoqué à un entretien pour finaliser cette rupture.

Concomitamment à cette réunion à l’issue de laquelle aucune convention n’a été signée, le salarié a reçu des lettres d’avertissement et quelques jours plus tard une lettre recommandée le convoquant à un entretien préalable en vue de son licenciement pour faute grave.

Le même jour, les parties ont signé une convention de rupture fixant la fin de la relation contractuelle. Le salarié a ensuite saisi la juridiction prud’homale afin de voir juger qu’il a signé la rupture conventionnelle sous la contrainte et que cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel de Chambéry lui donne raison : elle invalide la rupture conventionnelle pour vice du consentement et fait droit à ses demandes.

L’employeur fait grief à l’arrêt d’invalider l’accord de rupture conventionnelle en cause, de constater que la rupture doit être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié diverses sommes à ce titre alors, faisant valoir que :

-  le seul exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire, créant un climat conflictuel, avant la signature d’une rupture amiable, n’affecte pas en lui-même la validité de la convention de rupture conventionnelle conclue par les parties ;

-  le consentement du salarié d’opter pour une rupture conventionnelle ne se trouve vicié que s’il est établi que l’employeur a usé de son pouvoir disciplinaire pour inciter le salarié à faire le choix d’une rupture amiable ;

-  dès lors, en se bornant à relever, pour dire nulle la rupture conventionnelle conclue entre le salarié et l’employeur, qu’avant la signature de celle-ci, l’employeur lui avait adressé plusieurs courriers le mettant en demeure de reprendre son poste et lui refusant de lui accorder ses congés en l’absence de demande précise et préalable, puis l’avait mis à pied à titre conservatoire avec convocation à un entretien préalable à son licenciement, et avait ainsi exercé son pouvoir disciplinaire avant la signature de la convention de rupture, laquelle comportait une indemnité de départ inférieure de moitié à celle envisagée dans le cadre des pourparlers initiaux,

-  la Cour d’appel, qui n’a à aucun moment constaté l’exercice abusif par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ou l’existence de manœuvres ou menaces pour inciter le salarié à choisir une rupture amiable, a privé sa décision de base légale.

La Chambre sociale rejette ce moyen :

« Mais attendu que sous le couvert d’un grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu’à contester l’appréciation souveraine par la cour d’appel de l’existence d’un vice du consentement. »

Ce principe avait déjà énoncé dans plusieurs arrêts et notamment dans un arrêt du 3 juillet 2013 [2] : « Attendu, enfin, que la cour d’appel a relevé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, qu’aucune pression ou contrainte n’avait été exercée sur la salariée pour l’inciter à choisir la voie de la rupture conventionnelle. »

En conséquence, la Cour de cassation précise très clairement qu’elle n’entend pas contrôler l’appréciation qui a été faite par les juges du fond de l’existence ou non d’un vice du consentement.

Désormais, il ne sera plus envisageable d’introduire un pourvoi sur ce point et les possibilités d’aller devant la Cour de cassation en matière de rupture conventionnelle seront très limitées.

Marie-Paule Richard-Descamps
Avocat spécialiste en droit du travail
Présidente de la Commission sociale du Barreau des Hauts de Seine
https://www.cabinetrichard-descampsavocat.fr

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