Service Adwords : la nouvelle politique de Google est entrée en vigueur le 14 septembre 2010

Service Adwords : la nouvelle politique de Google est entrée en vigueur le 14 septembre 2010

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Explorer : # contrefaçon # responsabilité # publicité en ligne # marques déposées

Par Agnès DOYEN - Conseil en propriété industrielle - et Clément CASTILLON - Juriste.

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La société Google propose au sein de son moteur de recherche un service de liens commerciaux nommé Adwords permettant aux annonceurs d’apparaître, par référencement payant, parmi les résultats d’une recherche à partir des mots clés achetés.

En 2003, la société Louis Vuitton Malletier SA a fait constater que la saisie par les internautes de ses marques sur Google faisait apparaître, dans la rubrique « liens commerciaux », des liens vers des sites proposant des imitations de produits Vuitton. Il a également été établi que l’outil « générateur de mots clés » de Google proposait d’associer ces marques à des expressions explicitement liées à la contrefaçon d’articles, telles que replica ou fake. La société Vuitton a assigné Google afin de voir constater, notamment, que celle-ci avait porté atteinte à ses marques.

Face aux divergences jurisprudentielles de fondement juridique concernant la responsabilité de Google, retenue selon les tribunaux au titre soit de la contrefaçon soit de la concurrence déloyale, la Cour de cassation, devant laquelle un pourvoi avait été déposé, posa une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) sur l’interprétation des différentes directives européennes applicables en l’espèce. Cette dernière a rendu son arrêt le 23 mars 2010.

La CJUE conclut que le fait de proposer des mots clés à la vente ne constitue pas un acte de contrefaçon dans la mesure où Google ne fait pas usage des marques ainsi proposées, mais permet uniquement à ses clients annonceurs d’en faire usage dans le cadre de leur propre communication commerciale.

Au sujet du statut revendiqué par Google de prestataire de stockage, la CJUE utilise le critère de neutralité : la responsabilité de l’hébergeur ne peut être recherchée que s’il a eu un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées ou, si ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données, il ne les a pas promptement rendues inaccessibles.

La CJUE indique la voie à prendre pour les juridictions nationales, à charge pour elles de déterminer si le rôle de Google est purement technique et l’exonère de toute responsabilité quant au contenu qu’elle héberge, et d’estimer si le délai de réaction de Google suite à une réclamation est raisonnable.

En tout état de cause, la CJUE limite très largement, voire exclut la responsabilité de Google, rejetant ainsi la position adoptée par les tribunaux français jusqu’alors.

Appliquant strictement l’arrêt de la CJUE, la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 juillet 2010 (n°06-20230), accueille le pourvoi formé par Google et casse logiquement l’arrêt de la cour d’appel en toutes ses dispositions.

Au vu de la position adoptée par la plus haute autorité judiciaire communautaire, reprise par la Cour de Cassation, Google a annoncé le 4 août 2010 un changement dans sa politique relative au système AdWords, en Europe et dans la zone de l’Association Européenne de Libre Echange (AELE), levant les restrictions encore possibles. Il s’agit aussi de se conformer à la politique existant déjà dans de nombreux pays du monde et notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

Cette nouvelle politique commerciale de la société Google entre en vigueur le 14 septembre 2010.

D’après le communiqué, un annonceur pourra désormais librement sélectionner une marque déposée en tant que mot clé pour sa promotion sur Internet.

Google ne tiendra plus compte des demandes de restriction formées par les titulaires de marques. Dès lors, les titulaires ne peuvent plus opposer à Google, a priori, le droit exclusif qu’ils tirent de leur marque, pour empêcher l’exploitation de mots clés correspondants par des tiers non autorisés.

Les titulaires de marques pourront, a posteriori, effectuer un recours auprès de Google quand une annonce tierce déclenchée par leur signe semblera induire le consommateur en erreur quant à l’origine des produits ou services proposés. Google analysera alors la requête et accueillera la réclamation si elle l’estime fondée.

Concrètement, les conséquences pour les titulaires de marques se situent au niveau de la surveillance des marques et de la procédure de recours.

Tout d’abord, ne pouvant plus établir de restrictions sur la réservation de leur marque en tant que mot-clé, les titulaires devront effectuer des contrôles (encore plus) fréquents sur l’évolution des liens commerciaux correspondant à leur signe.

Dans l’hypothèse où un lien commercial poserait un problème (utilisation illicite d’une marque, contrefaçon), le titulaire concerné pourra effectuer un recours amiable à l’encontre de l’annonceur et/ou une réclamation auprès de Google.

Google aura certainement à gérer des recours de plus en plus nombreux, conséquence de la fin annoncée des restrictions mises en œuvre par les titulaires de marque. Il reste à espérer que ces recours seront traités avec rigueur, afin d’éviter la judiciarisation des conflits qui se présenteront.

Dans le cas où Google ne satisferait pas la requête du titulaire, celui-ci ne pourra que diriger son action à l’encontre de l’annonceur, à moins de disposer de preuves certaines que Google a joué un rôle actif dans la gestion de l’annonce en cause, commettant une faute de nature à engager sa responsabilité civile.

Si l’on se place du point de vue du consommateur, la libéralisation du système d’annonces commerciales risque d’apporter à la fois une offre plus riche et étendue, mais aussi une profusion d’annonces de nature à diluer le pouvoir d’attraction de la marque, voire à tromper le consommateur.

Enfin, il reste encore aux juridictions françaises à déterminer plus précisément certains critères d’évaluation. Quelles sont les conditions permettant d’engager la responsabilité de l’annonceur qui aura acheté une marque comme mot clé ? A quel moment Google joue-t-il un rôle actif dans la gestion d’une annonce et perd ainsi le bénéfice du statut d’hébergeur ? Dans quel délai Google doit répondre à la réclamation d’un titulaire de marque s’estimant lésé par l’exploitation d’un lien commercial ?

La CJUE devrait prochainement répondre aux deux premières questions dans un arrêt attendu, à la suite de la demande de décision préjudicielle présentée par la High Court of Justice (England and Wales) le 12 août 2009, dans le cadre d’un litige opposant les sociétés INTERFLORA et MARKS & SPENSER (aff. C-323/09).

Agnès DOYEN - Conseil en propriété industrielle -
Clément CASTILLON - Juriste

CABINET WAGRET - www.wagret.com

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